Avec son 8 et annoncé antépénultième film, Quentin Tarantino réussit à rassembler tous les éléments qui ont fait son succès et son style sans tomber dans la resucée. Le Watcher nous livre ici son compte rendu.
Voir un film de Quentin Tarantino, c’est se préparer à se prendre en pleine poire une flopée de références cinéphiliques allant des classiques aux nanars en passant par des pépites inclassables. Mais on est certain de se retrouver devant une vraie proposition filmique. Le dernier opus de l’enfant terrible d’Hollywood (qui annonce se retirer du cinéma après son 10e film ) ne fait pas exception.
Après s’être enfin aventuré dans le domaine du western, un genre qu’il affectionne pourtant en tant que spectateur, dans le magnifique Django Unchained, Tarantino poursuit sa déclaration d’amour à l’oeuvre de Sergio Corbucci et participe à la réhabilitation de ce réalisateur qui eut le malheur de partager un prénom et une époque avec un nommé Leone. Si Django était ensoleillé, jouissif dans sa violence talionique et avec une galerie de personnages bouffons dignes de Tuco, The Hateful Eight lui est sombre, cloisonné et n’offre aucune rédemption à ses protagonistes.
L’introduction du film renvoie immédiatement au film Il Grande Silenzio ( Le grand silence) de 1968, que ce soit par son décor enneigé ou par sa musique, composition originale signée d’Il Maestro Ennio Morricone (bien que le thème des Salopards soit plus proche des créations de Bernard Hermann, musicien fétiche d’Hitchcock).
La trame est un huis clos où vont s’affronter 8 des pires représentants de l’humanité : deux chasseurs de primes rivalisant de cruauté, leur prisonnière, un général à la retraite, le fils d’une légende de la guerre de Sécession, un bourreau du vieux continent, un cow-boy taiseux et l’employé mexicain du relais dans lequel ces messieurs se retrouvent enfermés à la suite d’un blizzard terrible. Je ne vous dirai pas qui interprète qui mais sachez que le casting est impeccable et principalement constitué d’habitués de Q. T. (mais mention spéciale à Walton Goggins qui après s’être fait remarquer dans l’excellente série The Shield et un petit rôle dans Django Unchained tient la dragée haute aux légendes Kurt Russell, Samuel L. Jackson et Bruce Dern). Néanmoins, ne soyez pas trop attentifs aux noms affichés dans le générique de début car ils peuvent constituer un léger spoil.
Bien que le film se définisse comme un western, on est plus proche du film policier tendance Agatha Christie dans sa structure. L’ambiance de suspicion permanente ainsi qu’une scène d’explication générale empruntent d’ailleurs fortement aux romans d’Hercule Poirot. Il souffre d’ailleurs de longueurs principalement dues au style. Mais l’on trouvera aussi de la matière inspiratrice du côté de l’horreur et particulièrement The Thing de John Carpenter (1982, rare film dont le Master of Horror ne signe pas la bande originale mais la laisse à… Ennio Morricone !) dont certains plans extérieurs, le thème, la présence au casting de Kurt Russel, et des partitions de Morricone prévues pour The Thing mais finalement non utilisées.
Depuis son prix du scénario en 1992 pour Reservoir Dogs, on sait que Quentin est un orfèvre du langage, proche de Michel Audiard pour l’utilisation d’argot ou slang. Et The Hateful Eight offre à ses interprètes des joyaux qui procurent autant de plaisir aux spectateurs qu’aux acteurs. La narration est excellemment maîtrisée et joue avec nos nerfs pour mieux nous emmener au climax final. Le film offre aux regards une violence crue, viscérale et orgiaque. La réalisation iconoclaste se permet des effets pour lesquels n’importe qui d’autre se ferait vouer aux gémonies mais comme c’est Tarantino, ça passe. (Mes plus plates excuses pour la forme qui vire au familier mais comme c’est sur Tarantino, ça passe).
The Hateful Eight est un grand film, un très bon film qui par ses excès, ses outrances et ses libertés stylistiques énervera la vieille garde conservatrice qui se complaît dans l’intellectualisation à outrance (comme dans cet article qui afin d’affirmer son idée “originale” rejette des aspects élémentaires de l’histoire) mais devrait, doit plaire à un public large qui est de plus en plus apte à avoir un regard critique tout en s’amusant. Face à une production mondiale de plus en plus fade, calibrée voire industrialisée, Quentin Tarantino rappelle ce qu’est le cinéma populaire mais intransigeant à l’instar de George Miller qui dynamita les salles l’année passée avec Mad Max Fury Road.
The Watcher
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