AQUAMAN de James Wan avec Jason Momoa, Amber Heard, Willem Dafoe, Patrick Wilson, Nicole Kidman et Dolph Lundgren

Après le foirage complet qu’était Justice League (voir notre article du magazine n° 13 de janvier 2018), l’espoir avait quitté les salles de cinéma et les cœurs des apôtres de DC, Warner et de films de super-héros “adultes”. Il n’y aurait que Marvel/Disney qui nous noierait sous des trombes de films prémâchés n’ayant pour seul intérêt que l’aspect interconnecté de l’univers avec la régularité d’un distributeur de snack à la cafétéria (2 à 3 films par an depuis 2008, 20 films prévus d’ici 2022). Christopher Nolan avait enterré le héros adulte en plaçant la barre trop haut avec sa trilogie Dark Knight dont le second volet, The Dark Knight en 2008, était le 4e film de l’histoire à dépasser le milliard de bénéfices (ils sont désormais 37). Et Zach Snyder s’était crashé en plein vol avec le maladroit Batman V Superman et surtout le tournage désastreux de Justice League. Le studio ne sachant plus quoi faire fit ce qu’il y avait de mieux à faire dans ce cas-là : il laissa un auteur s’emparer d’un personnage méconnu ou mal-aimé et en faire ce qu’il voulait. James Wan, au top après le succès de Fast and Furious 7, place son dernier protégé, David F. Sandberg, en réalisateur du potache Shazam, et lui s’empare d’Aquaman

L’histoire est classique, suivant sérieusement sans être trop appliquée l’arc de Geoff Johns (également producteur et scénariste du film) lors du relaunch DC Renaissance de 2012 (relance des titres comics au numéro 1).  Arthur Curry, métis humain et atlante (peuple mythique qui vit dans les grands fonds marins) doit récupérer la relique sacrée du trident de Neptune afin d’empêcher son demi-frère, le roi Orm, de lancer une guerre totale entre les peuples de la surface et ceux des océans.

Aquaman est donc un film d’aventure : la quête d’un objet magique en suivant les indices, chacun étant découvert après une énigme tout autour du monde, et entrecoupée de bagarres gigantesques et d’humour potache empruntés autant à la série des Indiana Jones qu’à la vague de films que ces derniers avaient inspirés, notamment À la poursuite du Diamant Vert (1984, Robert Zemeckis) et sa suite Le Diamant du Nil (1985, Lewis Teague).

 Comme James Wan le déclare dans cette interview, il est un cinéphile des années 80 et joue avec les références de cette période. L’aspect “idiot du village” fort en gueule d’Arthur Curry, tient autant de Jack Burton (Big trouble in Little China, John Carpenter avec Kurt Russel, 1986) que d’un Jack Colton (Michael Douglas dans le déjà cité À la poursuite du Diamant Vert) ou de Joe Hallenbeck (Bruce Willis dans l’excellent Le dernier Samaritain de Tony Scott,1991) : décontracté même dans les situations de tensions, le bon mot perpétuel avant le coup de poing… Curry/Momoa est cool et il l’assume. L’aspect de surpuissance qui exhale de la musculature de Momoa est l’un des rares aspects qui nous rappelle que nous sommes dans un film de super-héros.

Les séquences d’entraînement avec Vulko renvoient directement à Maître Miyagi de Karaté Kid (John G. Avildsen,1984) et à Highlander (Russell Mulcahy, 1986 avec Sean Connery en mentor de notre Christophe Lambert national). Et n’oublions pas que le rôle du roi de Xebel, royaume guerrier et conservateur des traditions atlantes, est tenu par Dolph Lundgren, le plus soviétique des suédois, ancienne star des 80’s, nemesis de Stallone dans Rocky 4 (Ivan Drago, de retour dans Creed II par ailleurs) ou encore de Jean-Claude Van Damme dans Universal Soldier. Seule Mera, sidekick et love interest du héros est résolument un personnage moderne, gérant mieux les combats ou résolvant les énigmes plus efficacement que notre macho man amphibien, là où les personnages féminins de l’époque étaient au mieux des femmes en détresse, au pire des emmerdeuses hurlantes (et il est réjouissant que cet aspect le plus déplaisant de ces films n’ait pas été convoqué ici). Amber Heard perd enfin le titre de “ex de Johnny Depp” pour gagner ses galons d’actrice confirmée.

Rupert Gregson WIlliams, petit frère de Harry Gregson Williams dont le meilleur travail reste encore la BO de la saga Metal Gear Solid, crée un score (ensemble de l’environnement musical) à l’image de ce que fait James Wan en réal : il mixe les musiques symphoniques aux cuivres puissants et épiques au synthétiseur très 80’s, se permettant malicieusement de reprendre les rythmes et sonorités des maîtres du genre tel que Giorgio Moroder (qui composa  les BO de Flashdance, Scarface, American Gigolo, La Féline, L’histoire sans fin, Over The Top : Le Bras de Fer et Top gun pour la décennie qui nous préoccupe) dans le thème d’Arthur (comparez https://www.youtube.com/watch?v=91frtrftNJw&index=2&list=OLAK5uy_mAjT_XP59jMrDKeoadz6oB-c3HZ7tBihA à partir de 2.30 et https://www.youtube.com/watch?v=f0h8Pjf4vNM ). Une musique vraiment rafraîchissante et détonnante face au canon du genre (team Danny Elfman vs team Hans Zimmer).

Si Aquaman paraît donc être un film rétro pop culture comme tous les éléments précédents le prouvent, il n’en est pas moins un film d’aujourd’hui. Visuellement, Aquaman est un film BEAU ! Je déclare solennellement que c’est le plus beau film à CGI depuis Avatar (James Cameron, 2009) ! Oubliés les graphismes PS2 de Justice League, enfoncés les fonds verts omniprésents de BvS, bagatelle de tous les Marvels… Les sept royaumes sous-marins sont absoluments sublimes, chacun doté d’une palette de couleurs et d’environnement richement travaillés. L’argent a clairement été investi au bon endroit et c’est du caviar visuel. Le film n’a pas besoin de 3D pour vous immerger dans cet univers, les effets sont suffisamment étudiés et travaillés pour vous faire vibrer. L’académie des Oscars peut bien aller se faire e*****r de ne pas l’avoir nommé dans la catégorie Meilleurs effets visuels (voir la colère de Wan sur Facebook et la liste des nominés pour 2019 : 3 productions Disney, propriétaire de la chaîne qui organise et diffuse les cérémonies et possède les droits marketing afférents, 2 pour Amblin, la boîte de production de Spielberg). 

Avec les moyens d’aujourd’hui et les recettes de l’époque, Aquaman renoue avec la vraie tradition des films à grand spectacle, les blockbusters, dont Steven Spielberg et Georges Lucas sont les plus grands représentants. À l’image de ces glorieux aînés, James Wan use intelligemment des moyens que fournit le médium cinématographique pour livrer un divertissement de qualité où chaque élément (humain ou technique) est employé ou s’emploie à donner le meilleur de lui-même. Tout comme les comics n’avaient aucune prétention à devenir un 9e art, Aquaman n’a aucune prétention à faire avancer ou évoluer l’art cinématographique. Il se contente de faire proprement, correctement son boulot. Mais c’est peut-être grâce à cette application à faire un film et non un produit de divertissement répondant à un cahier des charges de marketeux, que le film de James Wan réussit à s’élever du marigot sans avoir à s’appuyer sur une attente culturelle historique (comme Black Panther et la représentation des noirs au cinéma) pour exister. Il ne surfe pas sur l’air du temps, mais mène habilement sa barque pour s’inscrire dans un héritage plus durable dans l’imaginaire collectif, et permet à sa maison mère de se remettre à flots pour de bonnes raisons.

Avec 1,143,659,737 $, Aquaman est le 21e plus gros succès de tous les temps, devant Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi (2003), un succès mérité que l’on espère être le véritable acte fondateur d’un univers DC cinématographique qui, au lieu de chercher à imiter ou battre son cousin Marvel, porterait sa propre mythologie sur les écrans. Une mythologie plus propice aux œuvres matures et à la singularité comme a su faire sur papier celle que l’on nomme la Distinguée Concurrence. Les annonces sur la version de James Gunn des Suicide Squad semblent aller dans ce sens. Affaire à suivre…

The Watcher 

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