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Climax, le nanar à la française


À chaque nouveau film de Gaspar Noé, le critique game français s’enflamme plus facilement qu’une polémique Twitter. Génie pour certains, gros fumiste pour d’autres, Gaspar Noé bouleverse, choque, bref, il suscite suffisamment d’intérêt pour créer une tornade sur son passage. Des scandales qui ne font que conforter son image d’artiste controversé et qui font consensus : qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Gaspar Noé compte. En parler en bien ou en mal, c’est le légitimer dans son statut d’auteur. 

Un statut qui pourrait être totalement remis en question avec Climax. Dans ce film fatigant, Gaspar Noé passe 2 heures à enfiler tous les poncifs de la misanthropie contemporaine sur fond de stroboscopes hallucinés. Climax nous plonge au cœur d’une troupe de danseurs qui, après une répétition, organise une petite sauterie agrémentée de drogues hallucinogènes qui font basculer la soirée dans le cauchemar. Sang, viol, meurtre, et matières fécales sont au rendez vous dans cette fresque qui se veut dissidente. Gaspar Noé essaie de créer une ambiance angoissante avec cette histoire de boisson maudite. Le scénario réduit à sa plus simple essence aurait pu devenir une expérience viscérale et angoissante du Huis Clos de Sartre version 2018 où l’angoisse corporelle vient rejoindre l’angoisse verbale. Et sans doute que ce grand message méta très claustrophobe était le dessein premier de Gaspar Noé. Mais voilà, le but est magistralement raté tant le film prête à rire plus qu’à se questionner. 


Il y a un soin incontestable dans Climax au niveau de l’image, des décors, des lumières. L’une des premières scènes est un plan-séquence de près de 30 minutes au milieu de danseurs en transe, une scène d’une rigueur technique irréprochable. Cependant, c’est justement en reconnaissant ces qualités que l’aspect nanardesque est d’autant plus présent. Autant d’efforts, de rigueur, de temps, d’énergie et d’argent insufflés dans un résultat aussi risible ? Les acteurs, tous non professionnels, miment plus qu’ils ne jouent. La douleur ? Ils tentent de l’imiter à grands renforts de miaulements plaintifs. L’inconscience ? On continue à les voir bouger, petit sourire aux lèvres en arrière-plan. Et même les fausses larmes n’arrivent pas à susciter une quelconque empathie tant les pleurs qui les accompagnent semblent tout droit sortis du pire soap opera possible. À leur décharge, les dialogues sont si mauvais qu’il serait difficile même pour des comédiens professionnels d’en tirer quelque chose de convenable. Le sérieux avec lequel ils jouent aux acteurs vient agrémenter le film d’une touche prétentieuse qui ne rend ses ratés qu’encore plus délicieux.


Gaspar Noé est connu pour son aspect “subversif”, son goût du choquant. Tel un Lars Von Trier sous coke, Gaspar Noé aime la surenchère. Quand il ne se gargarise pas du viol de Monica Bellucci dans Irréversible, il exploite le trope de la drogue jusqu’à plus soif dans Climax. Cette drogue semble révéler les travers des personnages, et reste une idée simple et efficace pour susciter le malaise. Mais l’angoisse est ici bien loin tant les mimiques exagérées des acteurs, les effets visuels éculés (fisheye, déformation d’image, couleurs flashy), le son déformé et la musique insupportables cochent tous les clichés nécessaires. Le film n’est pas choquant, il est grotesque. Ni dégoût, ni subversion ici. Juste une profonde lassitude. Allons Gaspar, le sexisme outrancier, la violence et le sang, cela fait belle lurette que ce n’est plus vendeur ! Aujourd’hui, voir une femme enceinte tabassée, assister à une scène de viol ou d’automutilation ne choquent plus personne. Au mieux ça fait rire, au pire ça lasse. Choisissez votre camp. 


Et si, finalement, tous ces dérapages, ce rire nerveux et incontrôlable qui surgit de cette immense farce n’étaient pas juste le reflet jouissif d’un artiste qui dit “merde” à tous ceux qui le cataloguent trop vite ? N’est-ce pas justement une manière pour Gaspar Noé de revendiquer son appartenance à la série Z, de remettre le mauvais goût sur le devant de la scène en déconstruisant son statut d’auteur pour emmerder ces critiques qui surintellectualisent ses films ? J’en veux pour preuve son intermède étrange au milieu du film, où le générique résolument pop arrive sur fond de musique kitschissime agrémentée de typographies de très mauvais goût. Dans ma grande naïveté, j’ose espérer que ce nanar est en fait un dérapage contrôlé, un grand doigt d’honneur adressé aux critiques qui le rangent déjà au rang des auteurs classiques. Et vous savez quoi ? Que ce dérapage soit volontaire ou non, que l’on tienne la grosse plantade d’un artiste surcoté ou la profession de foi d’un dissident qui clame sa liberté, le résultat est le même : j’ai passé un excellent moment devant Climax. Et se payer une bonne tranche de rire sincère au cinéma, c’est franchement déjà pas mal en terme d’expérience, non ? 

Dolores

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