Hard Candy Critique

Critique de Hard Candy

Ma maman disait toujours : “La vie, c’est comme une boîte de chocolats: on ne sait jamais sur quoi on va tomber”. C’est avec cet adage plein de sagesse qu’Hard Candy se rappelle à moi. En guise de chocolat : un bonbon aux allures bien sages incarnée par Ellen Paige, et un croqueur incarné par Patrick Wilson en guise de péché de gourmandise. Et comme je tiendrais pas la métaphore gustative jusqu’au bout de l’article, autant abandonner tout de suite et rentrer dans le vif du sujet : Hard Candy, ce film qui envoie du lourd.

Pour être tout à fait honnête, j’ai découvert le film il y a de cela une bonne dizaine d’années et je l’avais déjà trouvé vraiment percutant à l’époque. Déjà adepte à l’adolescence de ce magnifique terme générique qu’est “le cinéma de genre”, j’avais frétillé devant l’aspect gore à la limite du slasher de ce thriller, tout en bavant d’admiration devant sa mise en scène radicale, particulièrement osée dans sa représentation de la violence. Son travail de la colorimétrie, dans des tons verts, bleus, qui évoquent le malsain, est aussi particulièrement efficace pour nous plonger dans une ambiance cauchemardesque. J’avais, à vrai dire, un peu occulté le message politique et le scénario du film pour qui me semblaient plus un prétexte à défouloir qu’autre chose pour me concentrer sur ses effets de style, au demeurant très réussis. Et bon Dieu, que je suis passée à côté de quelque chose à l’époque.

Parce que si Hard Candy est un excellent modèle de thriller mâtiné de revenge movie, il ne faudrait pas oublier son propos principal : la lame vengeresse d’une enfant modèle photo qui souhaite punir les photographes pédophiles. Elle prend plusieurs fois la parole au nom de toutes les victimes de viols et devient non plus un personnage, mais une allégorie. A la manière de la revanche sur Hitler et le nazisme que propose Tarantino dans Inglorious Basterds, Ellen Paige devient l’incarnation vengeresse pour toutes les victimes silencieuses, dans son univers diégétique mais aussi à travers l’écran. C’est aussi cette volonté d’incarner plus qu’un destin personnel qui empêche le film d’être un Joker bis, où la souffrance vécue par un personnage légitimise ensuite toute la violence personnelle et gratuite qu’il infligera ensuite. Hard Candy est un film politique, et assume s’adresser au delà de l’espace de l’écran.

Il est triste de voir qu’Hard Candy est encore aujourd’hui relégué au rang de film oublié, de petite pépite connue uniquement par un public d’initié. Il faut dire que ses conditions de production et de distribution n’ont pas vraiment aidé le film à se faire connaître : Hard Candy a en effet bénéficié d’un tout petit budget (moins d’un million de dollar ) afin que la boîte de production ne puisse pas imposer de remontage qui aurait censuré le film. Résultat : la diffusion a été presque anonyme. Avec ce petit budget, le tournage s’est déroulé en dix huit petits jours, quasiment exclusivement dans le décor de la maison. Ce qui pourrait être une faiblesse donne au contraire à Hard Candy un sentiment d’urgence, de rapidité, de frénésie, qui ne fait que sublimer l’atmosphère anxiogène du film. 15 ans après sa sortie, Hard Candy n’a pas vieilli, ni dans sa mise en scène, ni dans son écriture, et c’est même inquiétant de voir combien son propos reste actuel.

Alors oui, Hard Candy n’est pas un modèle de finesse. Le film est manichéen, souvent gore et démonstratif, et matraque son message avec la subtilité de coups de poings (souvent dans les burnes, en l’occurrence). Mais peut-on vraiment en vouloir à un film abordant un tel sujet sous l’angle du revenge movie de ne pas nous proposer une étude sociologique sur la pédophilie en 4 actes ?

En ces heures de remise en question autour du harcèlement sexuel, et en particulier au cinéma après l’ère post #MeToo, il est bon de redécouvrir des films précurseurs sur le sujet qui agissent comme une catharsis. Mieux : comme un avertissement envers tous les prédateurs sexuels qui rôdent encore dans les milieux artistiques. La honte et la peur ont changé de camp, Hard Candy vous aura prévenu depuis 2005. Promis, on se cotisera pour envoyer une copie à Polanski.

Dolores

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