Deux classiques du cinéma coréen à découvrir

Seopyonje et la résurrection d’un art oublié

© hancinema

Le Pansori ou chant du marché est un art ancestral traditionnel du chant coréen qui accompagnait initialement les chamans lors de leurs cérémonies avant de devenir un art itinérant. L’occupation japonaise le fera quasiment disparaître avant de retrouver une certaine vivacité grâce notamment au film Seopyonje (la chanteuse de Pansori) de Im Kwon-taek en 1993, d’après le nom de la forme féminine du Pansori.

Le film nous raconte l’histoire de Dong-ho, à la recherche de sa soeur Songhwa qu’il a abandonné à leurs père adoptif Youbong, maitre de pansori qui rêvait de leur faire atteindre la pureté absolue du chant, quitte à les faire vivre dans la misère de la société post guerre de Corée. Le récit de la quête de sa sœur est entrecoupé de longs flashback montrant la jeunesse et l’éducation des enfants ainsi que le long parcours pour devenir maître pansori.

Malgré un sujet plutôt rugueux (le pansori n’étant pas particulièrement mélodique puisque qu’il s’agit d’un chant lamantatoire rythmé au tambour), Im Kwon-taek fait un film d’un lyrisme éclatant que n’aurait pas renié le cinéma italien des années 60. Les décors naturels campagnards très lumineux des souvenirs de Dong s’opposent à la grisaille urbaine de son présent. Malgré une jeunesse qui nous est montrée comme dure, pauvre et difficile voire malheureuse, c’est bien dans les flashback que se trouvent les moments de vie du film à l’ambiance somme toute très nostalgique dépressive. Les passages de chants sont sublimes et convertiront les plus récalcitrants à cet art. On retrouve de nombreux codes modernes sur ce film traditionnel (des training montage de chant, les notions de sacrifices physiques pour atteindre son idéal …) 

Le film est intégralement (et légalement !) disponible sur Youtube : 

The Man With Three Coffins ou le nouveau roman coréen à l’épreuve du cinéma

Lee Ze-Ha, l’auteur du roman original, est décrit par l’Institut de Traduction de Littérature Coréenne comme l’écrivain du style réaliste fantastique, cherchant “à percer les mystères de la pensée humaine par le surréalisme et des schémas narratifs complexes.” 

Le film de Lee Jang-Ho, qui réalise, scénarise et produit, suit parfaitement la ligne artistique de son matériau de base. The Man with Three Coffin avec sa narration non linéaire et ses effets de colorimétries distordus cherche bien plus à agir sur le ressenti du spectateur qu’à simplement raconter une histoire. Bien que le récit du difficile, voire impossible deuil d’un homme dans une Corée qui ne s’habitue pas à vivre coupée en deux suite à la guerre soit poignant, l’oeuvre est surtout une longue expérimentation usant des pouvoirs du chamanisme, qui rythme le film, de la force du pansori, et les moyens offert par le médium cinématographique pour nous plonger dans une introspection lancinante. Le chamanisme est d’ailleurs une croyance très puissante dans la culture coréenne si l’on en croit les films vu lors du festival. 

Le film rappelle à de nombreux moment les adaptations d’œuvre d’auteur du Nouveau Roman (comme Hiroshima, mon amour d’Alain Resnais d’après Marguerite Duras ou les films d’Alain Robbe Grillet) dans leurs volontés de ne pas céder aux règles du conformisme ou du public. Le film est lent, avec des dialogues assez obscurs tant l’interprétation est laissé en suspens jusqu’à la conclusion du film qui réunit tous ses éléments dans une cérémonie funeste pour nos protagonistes. C’est d’ailleurs le seul moment un tant soit peu électrisant du film, lorsque le fantastique s’incruste dans la vie des personnages, comme dans la pellicule. 
The Man with Three Coffin est un film difficile dans sa plongée au cœur de traumatismes coréens qui, sans une connaissance plus que sommaire de l’Histoire, n’atteint pas forcément son audience.

Le film est lui aussi intégralement disponible sur Youtube :

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