Deux documentaires traitant de la religion étaient présentés en compétition au 23e Festival Cinespaña de Toulouse. Lo que dirán et Hasta mañana si Dios quiere parlent, pour le premier, de la jeune génération musulmane féminine et de ses questionnements notamment sur le port du voile, tandis que le second traite de la religion catholique à travers le portrait de nonnes âgées dans un couvent.
La croyance au quotidien
Ce qui frappe en premier lieu dans ces documentaires, c’est combien la présence divine est ancrée dans le quotidien de ces personnes, au point qu’elle en deviendrait presque banale. Ces femmes semblent avoir apprivoisé Dieu et vivent avec lui comme un ami de longue date. C’est encore plus présent dans Hasta mañana si Dios quiere où la vie de ces nonnes tourne intégralement autour de Dieu, présence qu’elles n’évoquent pourtant jamais. Pour elles, cette présence est de l’ordre de l’évidence. La présence divine n’est jamais évoquée et pourtant le documentaire entier transpire la dévotion de ces femmes qui ont consacré leur vie à leur religion. Des détails discrets, une croix par ici, un voile par là, une prière discrète devant un crucifix, nous rappellent que cet endroit n’est pas une maison de retraite idéale, ni un camp de vacances pour personnes âgées mais bien un couvent.
Une scène très émouvante montre d’ailleurs les générations de nonnes qui se sont succédées dans l’endroit lors de missions humanitaires ou de voyages religieux. À travers des photographies, les nonnes retracent leurs souvenirs avec beaucoup de pudeur avant de déchirer les photographies restantes. Une pointe nostalgique qui nous rappelle que ce couvent fermera sans doute ses portes dans peu de temps : aucune nonne de moins de 65 ans l’habite.
Lo que dirán parle beaucoup plus frontalement du rapport à la religion, puisque les deux amies se questionnent énormément sur leur manière de vivre le rapport à la religion. Loin des clichés, les deux adolescentes prouvent leur choix éclairé et réfléchi face à leur croyance. Elles avancent dans leurs études, on les suit dans leur après-midi entre copines où le sujet de la religion vient tout naturellement dans la conversation entre le maquillage et les révisions de devoirs scolaires.
Un regard bienveillant
Les réalisateurs des deux films possèdent une même qualité : le retrait. Le grand risque de ce genre de sujets polémiques est d’adopter un ton condescendant, surplombant, voire de commenter le tout avec une voix off insupportable pour donner son avis sur les choses. Qu’il s’agisse de Mar López Zapata et Emiliano Trovati pour Lo que dirán ou de Ainara Vera pour Hasta mañana si Dios quiere, leur discrétion est tout à l’honneur du sujet qu’ils et elles servent. La voix exclusivement féminine choisie pour traiter ce sujet est aussi un point commun intéressant. Les deux documentaires sont menés par des personnages exclusivement féminins. Ce point de vue contrecarre la plus grosse critique que l’on fait aux monothéismes : son phallocentrisme. Une critique que les deux jeunes femmes de Lo que dirán abordent avec humour mais aussi beaucoup de lucidité. Il reste pour elles encore énormément de chemin à faire pour que la religion, et surtout ses représentants sur Terre, traitent les femmes et les hommes à égalité. Hasta mañana si Dios quiere est beaucoup plus discret sur le sujet, mais quelques critiques sur les textes d’Homère et sa vision stéréotypée des femmes suffisent à comprendre qu’elles ne sont pas dupes… Féministes, les religieuses ?
Des tons différents
Pour autant, Lo que dirán et Hasta mañana si Dios quiere ne sont pas un copier-coller scénaristique et narratif. Leur ton et leur approche diffèrent drastiquement, les rendant tous deux intéressants voire complémentaires si on a la chance de les voir ensemble. Hasta mañana si Dios quiere est un film au ton léger, joyeux, gai. Un feel good documentaire si tant est qu’un tel genre existe, qui n’est pas sans rappeler Jericó el infinito vuelo de los días critiqué par le Comte Gracula dans notre hors-série sur le festival Cinélatino 29. Les nonnes sont toutes profondément attachantes et possèdent une bienveillance profonde qui rend leur quotidien gai. Aucun apitoiement sur la vieillesse ! Elles sont dynamiques et grimpent encore quotidiennement la cinquantaine de marches qui les séparent de leur lieu de prière. On rit beaucoup dans ce documentaire, et on se sent profondément bien, presque “chez soi” parmi ces nonnes adorables.
Lo que dirán possède lui aussi sa forme de pétillance avec ces deux adolescentes qui vivent leur vie d’ado rythmée par les musiques à la mode et les essayages de fringues. Le ton est pourtant beaucoup plus grave et sérieux. Lorsqu’on les entend parler de leur rapport à la religion, on sent combien elles ont réfléchi à la question en profondeur. À l’impact que ce sujet a sur leur vie, sur le regard des gens. C’est aussi là que la comparaison s’arrête : les nonnes vivent recluses dans un couvent protégées du regard extérieur parfois blessant. En portant le voile, les jeunes femmes musulmanes sont confrontées à la violence des regards et des jugements et supportent bien plus de brimades. D’où la gravité et le sérieux qui se dégagent de leur attitude, comme si elles avaient déjà vécu bien trop d’épreuves pour leur jeune âge.
Lo que dirán et Hasta mañana si Dios quiere se présentent comme des documentaires complémentaires sur la religion. Leur actualité, la qualité des portraits présentés ainsi que la maturité de leurs propos en font un diptyque improvisé qui offre un joli portrait de la religion dans la société espagnole d’aujourd’hui. Un seul regret : tous deux sont trop courts… On espère presque un second volet, à bon entendeur !
Add a Comment