Interview de Song Won-geun-I, réalisateur de My Name is Kim Bok Dong

Merci à Song Won-geun-I et au Centre Culturel de Bruxelles pour le temps qu’ils nous ont accordé en marge du Festival du Film Coréen de Bruxelles, et pour la traduction pendant l’interview.

Han Cinema – tout droit réservé

Le documentaire se nomme « My name is Kim Bok Donk » et traite de l’histoire tragique de coréennes réduites en esclaves sexuelles par les soldats japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles sont plus connu sous le nom de « femmes de réconforts ». Face au silence des gouvernements une victime s’élève pour faire valoir la dignité de ces femmes : Kim Bok Dong.

Ma première question porte sur le choix de faire un documentaire et pas de passer par le détour de la fiction ?

Je suis déjà journaliste, producteur, réalisateur pour les téléfilms, c’est à dire, pas de la fiction, des documentaires, des longs-métrages sur les informations. Je suis déjà habitué à faire un documentaire de 40 à 50 minutes mais justement cette fois c’était la première fois que je faisais un film bien long, comme une 1h40. Mais c’était comme la prolongation de ce que je faisais, donc je connaissais déjà bien. Mais par contre si vous me demandez pourquoi j’ai choisi le documentaire, déjà c’est à cause de ça, je le faisais déjà, mais par contre, je pense que le documentaire a une certaine puissance parce que c’est quelque chose qui est à la base du réel, qui c’est réellement passée ou ça peut faire fonctionner comme un enregistrement d’un document.

Pendant le Q&A d’hier, vous avez parlé de votre précédent documentaire sur le naufrage d’un bateau (le naufrage du Ferry Sewol, causant la mort de 304 passagers), comment en être vous arrivez à parler de ce sujet ?

En tant que journaliste c’était un peu comme une obligation de… de montrer, de poursuivre la vérité. Parce que à ce moment,il y a avait peu de média qui osait en parler. A ce moment là les autorités, le gouvernement coréen n’aimaient pas trop dévoiler ce genre  de chose. Mais par contre j’étais engagé à la presse indépendante, donc on avait plutôt beaucoup plus de liberté, et je pense que c’est la mission des journalistes de répondre à la curiosité des citoyens. C’est à dire, quand cette tragédie c’est passé, qu’est ce que le gouvernement a fait, et si ils ont fait quelque chose, alors comment ils ont procédé.

Par rapport au format du documentaire, est ce que vous avez des influences particulières dans la façon d’aborder les sujets ? Par d’autres documentaristes ou d’autres journalistes ?

Je dirais que visuellement, il n’y a pas vraiment de nom à citer mais par contre, au niveau des ouvrages écrits il y en a beaucoup. En effet il a des livres, une série de romans à base historique. Mais dans un des romans, il y avait une description vraiment détaillée, à propos des esclaves sexuelles, des femmes qui sont amené au Japon par un mensonge, de pouvoir devenir une ouvrière, pour fabriquer des uniformes de soldats. Mais en effet elles ont été exploitées comme esclaves sexuelles. Il y a avait beaucoup de détail, ça m’a inspiré pour comprendre ce qu’il s’est passé, et à ce moment là j’ai pu connaitre Kim Bok Dong, et aussi la proposition de faire ce document m’est arrivé à ce moment-là C’était un peu comme le destin. J’ai essayé de concentré, de poursuivre la démarche, la vie qu’elle a mené.

On voit dans le documentaire beaucoup de scène qui touche à l’intime, au quotidien. Est ce que c’était important de contre-balancer la grande Histoire dont elle fait partie avec ces scènes là, plus ordinaire ?

C’est un film qui parle d’une grande histoire très importante mais si je montre uniquement ce que Kim Bok Dong a fait dans sa vie, ça nous semble un peu trop puissant et on va la considérer comme quelqu’un d’ étant bien éloigné de nous, alors on pourra peut-être objectivement la regarder, mais par contre on ne peut pas vraiment avoir de l’empathie pour elle : par exemple, ces dames qui sont dans le film, elles sont aussi humaines, elles sont vraiment comme nous, elles jurent, elles s’énervent et des fois elles plaisantent. Et aussi ce qui est assez intéressant et bizarre, en Corée, si on parle de ce sujet-là on culpabilise. Voilà. Il n’y a pas vraiment de raison. Donc on essayait de repousser ce sujet-là Mais oui bien sûr ce n’est pas un sujet facile à aborder. Mais ce n’est pas non plus un sujet impossible. Donc je voulais parler de ce sujet mais je ne voulais pas en parler comme des « grands hommes ».

Dans le film on trouve beaucoup d’image d’archive personnels, comment ça s’est passé pour avoir accès à ces archives et quel est leurs statut dans le film ? Ce sont des images presque amateurs.

Dans le film tout au début il y a un dialogue entre Kim Bok Dong et une autre dame. En effet l’autre dame est la présidente de la Fondation de la mémoire de la Justice, elle a fait la production avec le media où je suis engagé. Donc quand elle m’a proposé de faire ce documentaire, je lui ai demandé de me montrer le maximum de ce qu’elle avait. Donc c’est pour ça, c’est pour comprendre qu’elle vit Kim Bok Dong a mené. Elle m’a envoyé tous les documents possibles, toutes les vidéos… Il y a aussi une autre agence de presse qui a fait des reportages à propos de Kim Bok Dong pendant 7 à 8 ans, donc ils possédaient déjà beaucoup d’images d’elle. Par exemple la séquence des funérailles d’une autre dame, un peu comme la dernière salutation de la part de Kim Bok Dong. Aussi la séquence de l’anniversaire de Kim Bok Dong, pour son 91ᵉ anniversaire.

J’ai eu beaucoup d’image d’archive, mais je ne voulais pas en mettre trop. Parce que de toute façon si on parle trop de son passé, je crois que c’est un peu comme une invention. Je voulais plutôt montrer ce qu’elle a subi à la base, de sa vie contemporaine, c’était plutôt ça ma motivation. Mais pour mieux comprendre ce personnage il me fallait montrer un petit peu pour les spectateurs, pour aider leur compréhension, j’ai justement utilisé ces images comme le résumé de sa vie. Donc j’ai mis quelques séquences. Par contre, il y avait certaines séquences quotidiennes qui à 93 ans, elle se lavent les mains, des choses très quotidiennes, la raison pour laquelle j’ai mis ces images, c’était plutôt pour faire un portrait personnel. Même si elle mène, elle continue cette bataille qui n’est pas conclue du tout, mais par contre elle est aussi humaine, une dame, une dame âgée. Un individu humain, c’était pour montrer ce côté là.

Le film est assez intransigeant avec le gouvernement japonais. Ils sont là, sans être là dans le film. Est ce que vous avez eu l’opportunité ou l’envie d’intégrer ce point de vue là de l’histoire ?

Les attitudes et aussi les décisions de la part du gouvernement japonais et coréen étaient déjà bien claire (ils ont passé un accord financier, au mépris des victimes, ndlr) par exemple en tant que journaliste je devais approfondir ce sujet là. J’étais réalisateur de documentaire cette fois et je voulais montrer le portait et la vie de cette dame. Il y avait déjà la démarche historique à propos de ce sujet là entre les deux pays. Plutôt je voulais montrer à chaque moment important avec les décisions des deux gouvernements, je voulais montrer ou cette dame se situait. C’était plutôt ça ma motivation et mon objectif. C’est pour ça que j’ai pas trop essayé de demander à propos de ça au gouvernement. ais quand même c’était déjà bien officiel, c’était déclaré donc… Même si j’ai pas demandé mais quand même les réponses étaient déjà bien donnée.

Est-ce que il y’a des victimes qui ont vu votre film ?

Honnêtement je pense qu’il n’y a personne qui peut regarder ce film. Vous vous souvenez de la dernière séquence, alors elle a vécu avec Kim Bok Dong mais elle dit que, oui je sais que j’étais avec elle, mais je n’ai aucune mémoire d’elle. C’est comme ça. L’état de santé des victimes, c’est comme ça. Et puis pour regarder un film il faut au moins rester dans une place assise pour 2h, mais elles ne peuvent plus. C’est vraiment regrettable mais c’est l’état actuel de ce sujet. Même si les victimes disparaissent, le problème reste toujours là.

La fin du film montre bien l’importance de la mémoire à tous les niveaux.

J’aimerais ajouter quelque chose : en Corée on m’a posé la question, est ce que y’a quelque chose que vous ne pouvez pas mettre dans le film et que vous voudriez vraiment mettre, et il y a quelque chose, à propos de la mémoire. En effet, la dame qui est encore vivante et Kim Bok Dong, elles ont fait le voyage ensemble jusqu’au Japon en 2012 et 2013. Les accompagnants ont dit qu’elles ont chanté une chanson ensemble et aussi comme la mémoire leur revient tout de suite, elles se consolaient l’une et l’autre. Il y avait vraiment ce genre de moment. Mais par contre j’ai bien essayé de montrer ce la, j’ai essayé d’interviewer la dame, mais par contre elle ne se souvient de rien. J’ai essayé plusieurs fois et c’est vraiment regrettable. C’était triste de ne pouvoir montrer cette mémoire.

Une dernière question, est ce que vous auriez un reportage ou un documentaire que vous aimeriez conseiller à nos lecteurs ?

J’aimerais bien vous recommander un document bien original : c’est un documentaire qui est fait et produit par NewsTapa le média où je travaille. Le réalisateur s’appelle Chee Sun Wo, il est maintenant le président d’une grande télévision coréenne qui s’appelle MBC. Le titre de ce film c’est La Confession, mais en anglais Spy Nation, alors si je parle un peu de l’histoire, c’est comment le gouvernement a essayé de fabriquer et d’inventer des espions. Ils ont forcé des personnes à confesser qu’ils étaient des espions, alors qu’ils n’en étaient pas. Celui-là vous montre comment les pays asiatiques, ce qui se passe en Asie. Ça pourra vous aider à mieux comprendre pourquoi ce genre de problème, les esclaves sexuelles, n’est jamais résolu. Les autorités asiatiques sont un peu trop obsédées et têtues de garder leur puissance. C’est pour ça qu’il n’y a pas de réconciliation ou de compréhension entre ces pays. Il date de 2016.

Votre prénom me fait penser à autre chose : j’ai intentionnellement mis beaucoup de séquence de la vague, de la mer, parce que déjà Kim Bok Dong c’est une dame qui a vécu à Busan, qui est un peu comme Nice, à côté de la plage, de la mer, des fois sauvage, des fois très douce. Et quand elle a été amenée au Japon comme esclave sexuelle, elle a aussi vécu juste à côté de la mer. Et quand elle est revenue à Busan, une ville de la mer, c’était de nouveau comme ça. Et dans le film et dans la vie réelle, elle a répété plusieurs fois qu’elle avait envie de revoir la mer, qu’elle lui manquait. Même quand elle était vraiment malade, elle voulait voir de nouveau la mer du quartier où elle a grandi. La vague et la mer c’était une sorte de consolation pour elle parce qu’à l’intérieur quand il y avait beaucoup de conflit, d’inquiétude, en montrant la vague sauvage et douce, c’était pour montrer son état intérieur.

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