Interview menée le 2 novembre 2019
Merci à Yeo-Eun-a et au Centre Culturel de Bruxelles pour le temps qu’ils nous ont accordé en marge du Festival du Film Coréen de Bruxelles, et pour la traduction pendant l’interview.
Est ce que vous pouvez nous en dire plus sur vous, vos influences, et vos études ?
J’adore dessiner depuis que je suis toute petite, mais je n’avais pas vraiment une décision définitive sur mon avenir. C’est pour ça que pendant mes études à l’université, j’y réfléchissais beaucoup. J’ai changé plusieurs fois de chemin, une fois j’ai étudié la mode, mais aussi la bande dessinée. Mais par contre, quand j’ai fini mes études c’était dans le département de la gestion des jeux-vidéos. Avant la remise de diplôme, il y’avait une sorte d’exposition à faire. Et comme j’ai fait gestion des jeux vidéos, j’ai essayé de faire de l’animation avec des jeux vidéos. Par hasard il y avait un réalisateur de films d’animation et il m’a laissé un message, je l’ai rencontré après et il m’a proposé de suivre ce chemin-là
Et sur les influences artistiques ?
Les influences et les inspirations sont venus de partout. Mais je ne pense pas être très influencée par les œuvres d’art mais plutôt par les faits divers, ce qui arrive dans le réel. Quand j’écoute la radio, il y a toujours des histoires que les auditeurs envoient à la radio… ce genre d’histoire m’inspire.
J’ai ensuite une question sur l’évolution du style visuel entre Motel Rose et Cocoon. Est-ce dû au passage entre le court et le long métrage ? Est-ce que vous adaptez le style en fonction du sujet ? Et pour votre prochain film, est-ce qu’il y aura encore une autre évolution ?
En effet, avant de commencer un projet il n’y a rien de prévu, rien de décidé. Justement, si je parle de Cocoon, c’est une histoire sur la famille, qui force vraiment la violence… Comme vous avez vu, il a un parasite, qui est la mère, alors tout est mélangé, c’est un peu un monstre. A ce moment là, je me disais, on a pas besoin vraiment de la couleur. Alors naturellement, c’est devenu en noir et blanc. Mais par contre, quand j’ai fini le scénario de Motel Rose, j’ai essayé de comprendre un peu plus ce genre d’endroit (le motel rose) donc j’ai visité plusieurs fois le quartier des prostituées donc évidement il y avait plein plein de couleur, et surtout le rose était dominant. Ou également les motels, ce sont les hébergement un peu kitsch, même si c’est assez rigolo qu’il y ait toutes ces couleurs de mélangés même si ce n’est pas du tout beau. Mais ça existe comme décoration, et donc naturellement j’ai été influencé par ces couleurs. Et aussi pour mon prochain projet, comme il y a aucun chose qui est décidé, je ne sais pas quel genre de style je vais faire.
Au Q&A hier, vous aviez dit que ce serait la couleur orange ?
Si je vous dévoile un peu les détails de mon prochain projet, oui, j’utilise beaucoup la couleur orange. C’est une histoire sur un parc de jeux pour enfant, mais abandonné. Donc il n’y a plus personne qui s’amuse la bas. J’ai capté justement la couleur orange, mais je voulais souligner cette couleur, cette atmosphère mais toutes les autres choses sont présentées en noir et blanc.
C’est intéressant de voir vos films – qui sont des films d’animation, avec des éléments de fantastique – comme des films du réel.
Oui c’est vrai, vous avez raison. Mes films sont un peu fantastiques c’est vrai et aussi du coup je parle de l’histoire réel, à la base de fait divers vraiment mais tout de même je pense que l’animation donne une impression assez légère pour les spectateurs par rapport au films réels, voilà. C’est pour ça que je pense que je peux quand même parler de ce genre de chose, qui sont vraiment lourdes. Même si mes films donnent un peu de souffrance aux spectateurs, mais quand même c’est de l’animation, donc on peut les considérer comme des fantaisies.
Vos films évoquent pleins de thèmes différents, mais le thème qui m’a marqué, c’est celui de l’enfermement.
En effet, toutes mes œuvres sont une façon de me soigner moi-même, mais j’avais vraiment… je souffrais vraiment de conflits avec les autres, ce n’est pas quelque chose de direct. Certains disent que tous les humains sont un peu comme des îles, qui flottent dans la mer. Donc on peut jamais être lié l’un à l’autre. C’est pour ça. Quand j’ai essayé d’exprimer mes sentiments à ce moment là, il y avait des immeubles sans fenêtre, un peu comme ça, parce que je me sentais vraiment enfermée dans un endroit, mentalement. Par exemple si je parle de Motel Rose il y a même un tunnel pour aller dans le quartier des prostituées, et donc, j’ai toujours essayé d’exagérer distinctement la rupture et la distance entre ce monde et le nôtre, qui ne peut jamais se réconcilier. Et aussi ça existe dans le réel ce genre de chose. Pas forcément… géographiquement, mais par exemple juste derrière ce bâtiment s’il y avait un quartier de prostituées, les gens n’oseraient pas y aller. Alors justement il y a une certaine barrière qui nous bloque d’y aller. Je voulais exprimer un peu ce genre de conflit, ce genre d’enfermement qu’on peut pas surmonter facilement.
L’an dernier j’avais été très marqué par le film Microhabitat, je me demande, d’un point de vue tout à fait extérieur, pourquoi les films coréens réalisés par les femmes sont aussi violents et cruels ? Pas forcément physiquement, mais sur la violence de la vie réelle.
En effet j’ai vraiment beaucoup réfléchi sur le style de l’expression, oui c’est vrai. Parce que je dirais que ça touche plutôt aux cicatrices, aux douleurs, peut-être qu’il y aurait certains réalisateurs qui voudront embrasser leur douleur pour la soigner un peu. Mais mon style d’expression, c’est plutôt de toucher à nouveau la douleur, ça donne de nouveau une douleur extrême envers les victimes, c’est un peu comme ça. Les spectateurs qui ne savent pas que je suis une femme, ils considèrent que je suis un homme, un réalisateur. Dans l’inconscient, on pense que les femmes ne peuvent pas vraiment parler de ce genre de chose, violemment comme ça. Voilà. Donc, dans le film, Motel Rose, Mina et Anna elles sont des fillettes, donc si elles ne restent pas à l’intérieur de la famille, elles deviennent directement des proies, des victimes de la société. C’est une histoire à la base réelle. Pour l’instant, je ne pense pas qu’il y ait une bonne ou une mauvaise manière de traiter le sujet, je ne sais pas lequel est meilleur, mais moi je réfléchis tout le temps et j’ai beaucoup d’inquiétude pour ne pas de nouveau faire souffrir ces femmes, qui sont des victimes.
Si vous deviez faire découvrir un film au public européen, lequel ce serait ? Quelle serait votre pépite ?
Je pense que l’Histoire de Marie doit être bien présenté en Europe. C’est un film que j’aimerais bien vous recommander. Mais un film qui est moins connu et dont je voudrais vous parler est Pa-dak pa-dak (2012), réalisé par Lee Dae-Hee, alors “PadakPadak” c’est un adjectif. Comme les poissons bougent violemment quand on les retire de l’aquarium, quand il n’y a plus d’eau, alors c’est comme ça “padakpadak”. C’est une expression coréenne. Donc, c’est une histoire, à propos des poissons qui sont dans l’aquarium du restaurant de poissons. En Corée, le marketing n’était pas très bon pour ça, parce que ça a été considéré comme une animation pour enfant, mais ce n’est pas du tout pour les enfants. Ca parle plutôt de la vie réelle de la société coréenne aussi. Donc je dirais que je vous recommande de voir ce film.
Merci beaucoup pour vos réponses. Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose ?
Je m’inquiétais beaucoup à la présentation de mes deux films, parce que déjà il y a déjà une certaines différences de la culture entre l’Europe et la Corée. Déjà, ça n’existe pas vraiment le système des idols en Europe, même si BTS est… très très connu. Mais quand même c’est pas très banal en Europe. Et aussi l’endroit comme les motels, pour la prostitution, ce n’est pas vraiment quelque chose qui existe en Europe, et donc je me demandais, est ce que les européens peuvent comprendre ce dont je parle. Alors c’était ma question, et je n’étais pas très sûre. Et aussi, même maintenant, je pense que les spectateurs ont bien reçu mon message mais je veux bien vous posez cette question, est-ce que vous comprenez ce dont je parle. Et aussi, la culture à propos de la famille doit être très différente, parce qu’en Coréen, la famille c’est un peu comme un cadre, qui nous exige de rester à l’intérieur, donc l’un à l’autre on est lié un peu trop, ça peut devenir comme un attachement… Et donc c’est la question que je vous pose…
Cher lecteur, la question vous est posée ! Si vous en avez l’occasion, courez voir ces deux films !
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