Interview de Marcus

Est-il encore utile de présenter Marcus ? Que vous le connaissiez pour ses “Chez Marcus” sur Nolife, ses “Retro Game One” sur Game One, pour ses articles et livres sur le jeu vidéo ou même ses caméos chez divers Youtubers, Marcus est partout. Journaliste passionné de jeux vidéo, il a été pionnier en la matière en étant l’un des premiers à défendre le jeu vidéo dans les années 90 alors que le genre avait mauvaise presse auprès du grand public. Le papa du journalisme vidéoludique nous fait l’honneur de répondre à quelques questions lors du TGS 2017 ! 

Dolores : Marcus, bonjour ! Nous sommes enchantés de te recevoir dans notre magazine, parce que tu es devenu un peu LA référence française du jeu vidéo. Tu fais surtout énormément de vulgarisation pour le grand public ou les néophytes, ce partage de ta passion est quelque chose qui te tient à coeur ? 

Marcus : Oui, clairement mon but c’est l’évangélisation du monde par les jeux vidéo ! *rires* Plus sérieusement, le jeu vidéo a une mauvaise image pour les gens qui ne le connaissent pas : c’est violent, ça rend idiot, ça ne sert à rien… Il n’y a qu’à voir comment la télé “mainstream” traite le jeu vidéo, c’est absolument affligeant ! Il y a quelques semaines Squeezie est passé chez Ardisson et c’était effrayant. Quand ils reçoivent un réalisateur ou un acteur, ils parlent de son film, de ses implications, de ses ressentis… Avec Squeezie, ils ne se sont pas du tout intéressés à ce qu’il fait ! On n’a pas eu un seul extrait de ses vidéos, ni un avis sur l’écriture de ses vannes ou sur ses derniers coups de coeur en jeux vidéo… Non, ils lui ont plutôt demandé combien il gagne et si c’était pas un peu bizarre de gagner de l’argent en jouant aux jeux vidéo.

Ça m’a rappelé l’époque des reportages sur GTA (Grand Theft Auto) où le jeu était traité sous deux angles uniques : soit on parlait de l’aspect financier du jeu et de ce qu’il avait rapporté à Rockstar, soit on le traitait sous l’angle sensationnaliste de “Oh regardez, on tue des vieilles à coups de batte de baseball !“ Pas une seule fois sur la télé généraliste j’ai entendu un journaliste parler du scénario incroyable de ce jeu qui est digne des Affranchis, du fait que GTA était un jeu génial avec un monde ouvert absolument dingue où tu peux faire ce que tu veux : t’as des avions, des voitures, des bateaux…C’est un jeu fascinant mais la télé traditionnelle est totalement à côté de la plaque sur ce qui en fait son intérêt. C’est pour ça que je trouve que c’est bien qu’il y ait des gens pour défendre le jeu vidéo, qui expliquent que ce n’est pas un truc de crétins mais qu’il faut au contraire beaucoup de créativité pour les créer et d’intelligence pour y jouer. Je suis très fier d’avoir réussi à le vulgariser un peu, d’avoir réussi à faire comprendre qu’il y en a pour tous les goûts, tous les âges, et que tout le monde peut s’éclater avec les jeux vidéo !

Dolores : Quand on pense “jeux vidéo”, on pense Marcus, que ce soit pour préfacer un livre, intervenir à la télévision ou donner des conférences sur le sujet… Ça fait quoi d’être devenu une telle icône ? 

Marcus : Je suis vieux et ça aide ! *rires* Les “Retro Youtubers” qui font des émissions sur les vieux jeux fantasment une époque, mais moi j’ai vécu cette époque. Quand j’étais enfant, j’ai attendu Noël et l’Atari 2600, je sais ce que ça faisait d’avoir que trois jeux à faire en boucle avec, soyons francs, trois pixels tous moches. Mais ça suffisait à nous faire rêver ! Je sais le choc que ça fait d’entendre dans Pitfall, pour la première fois, deux notes qui imitent le cri de Tarzan. Aujourd’hui il y a des voix digitalisées partout. Les gens se rendent pas compte de la révolution que ça a pu être pour un gamin de 10 ans d’entendre ce cri à travers l’écran.

Ce genre d’anecdotes, c’est du vécu. C’est pas des chiffres, tu trouves pas ça sur Wikipédia, tu trouves ça dans le cerveau des gens de ma génération et je pense que c’est pour ça aussi que les gens viennent me chercher. Je représente la génération qui a connu la plus grande évolution dans les jeux vidéo et je pense que notre témoignage est important à transmettre. J’ai tout vu, de Pong à la Réalité Virtuelle aujourd’hui. Donc je peux comparer, je peux expliquer les évolutions. Je pense que ça peut être une première piste pour expliquer le fait que je sois devenu “LA” référence, mais y a surtout autre chose : c’est que vous n’aviez pas le choix mes pauvres  ! *rires* Il n’y avait pas Internet, donc si tu voulais voir du jeu vidéo t’avais pas le choix. Une seule chaîne en parlait et c’était pas TF1 ou France 2, c’était Game One.

Game One a été la première chaîne de jeux vidéo au monde, même aux USA ou au Japon il n’y avait pas eu ça. J’ai donc été le premier crétin qui a eu l’idée de se filmer en train de jouer à des jeux vidéo et d’expliquer ce qu’il faisait ! Les gens qui avaient 10 ans dans les années 2000, ils allumaient Game One, et sur Game One ben… Il n’y avait quasiment que moi ! Comme c’était une petite chaîne en plus, les émissions étaient diffusées en boucle, donc les gens ont grandi avec moi qu’ils le veuillent ou non. Quand t’es geek, t’as pas le choix, t’es obligé de connaître Marcus c’est horrible ! *rires* Aujourd’hui heureusement on est à une époque où tout le monde peut faire sa chaîne Youtube et parmi les milliers de gens qui font ça, il y a un petit millier qui arrivent à en vivre. Aujourd’hui on voit des Youtubers avec des files d’attente de dédicaces absolument monstrueuses, autant que des acteurs ou des réalisateurs et je trouve ça formidable car le jeu vidéo est enfin devenu un truc un peu mainstream. Et je suis très fier d’avoir un peu contribué à ça.

La foule devant l’espace dédicaces des Youtubers au TGS 2017 ! 

Dolores : T’avais une phrase que j’avais bien aimé dans un magazine où tu disais que le jeu vidéo était juste le prolongement du jeu de société et qu’il fallait qu’il arrête d’être diabolisé comme c’est le cas actuellement… 

Marcus : Exactement. Moi je suis un joueur “tout terrain”, j’aime autant les jeux de société que les jeux vidéo. Je fais partie du jury du festival des Jeux à Cannes, où on remet chaque année “L’As d’Or”, c’est l’Oscar du jeu de société. J’adore découvrir de nouveaux jeux de société, parce que plus le jeu vidéo se dématérialise, plus j’ai envie de me tourner vers des jeux de société. Il y a de moins en moins de boutiques, on joue en ligne avec des potes mais on les voit pas… Heureusement qu’il y a les salons, ça me permet de rencontrer des gens avec qui je joue en ligne ! La dématérialisation me plaît pas trop, moi je suis pour un Mario Kart avec un canapé, des pizzas et des potes.

Le jeu de société reste dans cet esprit-là, t’es obligé d’être autour d’une table, ensemble… Ça me parle dans l’esprit. En plus, il ne faut pas croire, les jeux de société sont aussi très stéréotypés dans l’esprit des gens ! Quand tu dis “jeux de société”, ils pensent “Scrabble” ou “Monopoly”, au mieux “ Trivial Pursuit”. Ils savent pas que depuis 10 ans toutes les thématiques du jeu vidéo ont été reprises dans le jeu de société. Ça va du martien au zombie en passant par les enquêtes policières… Dans le jeu y a tout un éventail de plaisirs et il faut se priver d’aucun plaisir. Jouez à tout !

Dolores : Il y a une autre évolution majeure que tu as connue en plus de l’évolution du jeu vidéo, c’est l’évolution du journalisme autour du jeu vidéo. Je pense notamment à l’effondrement des grands noms des magazines des années 90 comme Joypad, Tilt… Aujourd’hui, de nouveaux magazines fleurissent depuis 2-3 ans : JV Mag, Retro Gamer Collection, The Game … Tu te reconnais dans cette presse-là ? 

Marcus : Je me reconnais complètement dans ces mouvances-là. Y a même un crowdfunding qui a été fait pour ressusciter Player One comme dans les années 90, avec de la mauvaise foi, des conneries et beaucoup d’infos sympas ! *rires*Je risque d’y collaborer d’ailleurs. Je pense que ça manque à tout le monde en fait, pas qu’à moi. Moi je suis très content de voir tout ça revenir; je suis fan de JV Mag et de Canard PC et pourtant ils ont lancé leur magazine à l’époque où c’était vraiment le creux de la vague et plus personne ne lisait de magazines. C’était un choix courageux, et leur ton très acide a su trouver un public fidèle. Ils ont tellement de talent qu’ils méritent le succès. Après, c’est le cours normal de l’évolution : Internet a remplacé pratiquement tout, y compris les boutiques. C’était normal que la presse y passe aussi. Mais moi j’ai fait mes armes dans la presse. J’aime écrire, j’ai de moins en moins de temps pour le faire et je dois avouer que ça me manque. Quand je rédige un “vrai” texte, pas un script de vidéo, c’est un véritable plaisir ! Dès que je le peux, j’essaie de rédiger quelques articles parce que c’est aussi ma manière d’encourager ce milieu-là. Ça m’a fait beaucoup de peine de voir disparaître la presse. Ça a été relayé un temps par la presse sur Internet, mais ça reste de la presse gratuite avec des statuts de pigistes très précaires. C’est inquiétant de voir que les postes de journalistes en CDI avec le statut de journaliste sont en train de disparaître. D’un côté, c’est très bien ce foisonnement de talents et de passions et de l’autre je regrette un peu l’ancien temps où les journalistes défendaient un vrai savoir-faire, avec une plume, une bonne orthographe et grammaire. Quand je vois des gamins qui écrivent en langage texto ou que je reçois des mails où en quatre lignes on arrive à aligner 20 fautes, je suis atterré. J’vais passer pour un vieux con mais ils passent pour des débiles alors que je suis persuadé qu’ils ne le sont pas. Et surtout, je trouve qu’à l’époque avec tous ces magazines, on lisait bien plus et mine de rien c’est important. La presse écrite était importante pour ça : elle donnait envie de lire à des gens. Mais après je dénigre pas du tout les supports vidéo ou radios, j’adore ça et j’en consomme beaucoup ! Le plus important c’est de diffuser l’amour et la passion du jeu vidéo, peu importe le support ! 

Dolores : Justement, quel serait le support de communication que tu n’as pas encore testé et que tu aimerais tester ? Tu as fait de la télé, de la radio, de l’acting, du journalisme écrit… 

Marcus : Ouais, j’ai même eu un petit groupe de musique dans les années 90 ! J’aime tout ! Mais j’adorerais me lancer plus dans l’acting. J’ai fait pas mal de courts métrages, de caméos par-ci, par-là, et c’est un truc qui me fascine. Je pense pas être très bon acteur mais j’aime franchement bien. Dans Retro Game One, on fait plein de petits sketches, des saynètes et j’aime beaucoup m’amuser à créer des personnalités ultra loufoques à des personnages qui interviennent. Au fil des ans, quand on me propose un court métrage en général j’y vais, ça me permet d’essayer un peu de voir dans quels domaines je me sens plus à l’aise. Là je joue dans SaturdayMan, un truc absolument génial !

C’est le héros qui sauve ton samedi soir quand la soirée part un peu en couilles. On envoie Force Sex, Force Drunk, Force Dance, Force Joke et ils vont revitaliser la soirée face au grand méchant qui s’appelle le Grand Sommeil et qui veut que tout le monde se couche à 22 h ! Moi je joue le Dr. Doyobi, le mentor de SaturdayMan, qui va repérer les endroits où il faut intervenir et qui envoie les super-héros. Alors franchement, si j’ai une petite demande pour les lecteurs de l’Écran, allez voir cette série s’il vous plaît ! On fait un peu le Téléthon pour SaturdayMan ! *rires* C’est génial, c’est très pro, c’est fait avec le coeur. Ils ont besoin de 100 000 vues sur Youtube pour pouvoir continuer à faire de nouveaux épisodes, alors aidez-les ! Ils le méritent ! Il faut qu’on les aide à continuer cette aventure qui est géniale !

Propos recueillis par Dolores – Merci beaucoup à Marcus pour sa bonne humeur communicative ! 

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