Knives and Skin : Mélancolie et espoirs adolescents

Premier long-métrage de Jennifer Reeder, Knives and Skin est présenté au Fifigrot dans le cadre des séances de minuit. Un teen movie inspiré, audacieux et combattant ! 

Tous les “mauvais genres”

Ce que j’aime avec Fifigrot, c’est que 99% des séances arrivent à me surprendre. Knives and Skin ne déroge pas à la règle ! Et pourtant, le synopsis semblait annoncer un teen movie résolument classique, autour de la disparition d’une adolescente (Carolyn) et des tensions et secrets mis au jour par ce tragique événement. Ça vous évoque quelque chose ? Twin Peaks (David Lynch, 1990-91), bien sûr ! Au-delà du pitch, c’est l’atmosphère onirique, voire éthérée, qui rend compte de l’influence de Lynch et fait du film une expérience parfois hypnotique, traversée de lumières et couleurs artificielles. 

Ne vous y trompez pas non plus : Knives and Skin est un teen movie. Ses personnages sont des lycéens, inquiets, amoureux, sensibles, victimes (et coupables), déjà, des violences adultes. Knives and Skin est un drame conjugal et familial, Knives and Skin est un thriller fantastique, Knives and Skin est… une comédie musicale. Tout ça à la fois, ce ne serait pas du pur exercice de style pour “prouver” son talent ? En l’occurrence, non ! Chacune de ces explorations génériques a du sens, voire une portée symbolique et politique, comme cette excellente séquence musicale dans laquelle les personnages s’échangent des mots à l’oreille tout en reprenant un grand titre des années 80. Le charme du film consiste à ouvrir toutes ces portes et s’assumer entièrement dans ses “sorties de genre”, et sa réussite, elle, tient dans le maintien de son unité, favorisé par sa bande-originale électro-mélancolique. 

Émotions adolescentes

Au travers du prétexte de la disparition de Carolyn, Knives and Skin brosse le portrait de ses adolescents pour mieux éclairer les sorties de route, les déraillements, dont l’expression la plus simple est celle d’un gâteau d’anniversaire en train de fondre, lentement, sur la table de la mère de Carolyn. Comme bien d’autres teen movies, le film de Jennifer Reeder semble évoluer en vase clos, à l’intérieur d’un tout petit monde dans lequel, évidemment, les personnages cherchent la “sortie de secours”. C’est bien là toute la mélancolie latente de Knives and Skin, moins désespérée que celle d’Euphoria à titre de comparaison, parce que également moins contextualisée, et nuancée par un dernier acte plus doux. 

Le film de Jennifer Reeder s’attarde ainsi sur un moment de “crise”, parce qu’il est aussi le moment où les personnages prennent conscience de certaines violences imposées, et disent… non. Non aux attouchements, non aux réflexions déplacées, non aux discours misogynes, non au harcèlement : Knives and Skin convainc et émeut parce qu’il met en scène les tentatives de récupération : d’objets, d’expériences, de force, du pouvoir, par ses figures adolescentes et surtout féminines.  

À ce titre, le film peut s’appuyer sur un casting impressionnant et inclusif, et c’est bien là qu’il se distingue des premiers grands teen movies, généralement très… blancs, et très hétérosexuels, bien entendu. Pour citer Jennifer Reeder, le film illustre (et évoque encore Euphoria à ce titre), l’urgence de “l’amitié féminine en stratégie de survie”, et peut-être manque en l’occurrence de l’incarner suffisamment à l’écran. 

En somme, Knives and Skin est un premier film enthousiasmant, qui retrace avec sensibilité les parcours de ses personnages adolescents. Ne soyez pas trop impatients, le film sort prochainement en France : le 20 novembre ! Rendez-vous en salle (on espère !) alors. 

Listener

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