Je tiens à prévenir d’emblée : cette critique va être placée sous le signe de la subjectivité. Le Silence des Autres est en effet un film qui résonne fortement avec mon histoire personnelle. Et je pense que c’est en sa qualité quasi thérapeutique qu’il est urgent de le faire connaître, pour que d’autres personnes puissent, comme moi, se sentir réparées par le film.
Le Silence des Autres est un documentaire sur les conséquences des crimes commis sous le franquisme. Après la mort de Franco, le pays a voté la “loi de l’oubli”, une amnistie générale, en 1977 qui a gracié d’un même mouvement les prisonniers politiques et les criminels de guerre. Quarante ans après, les victimes ou leurs proches se battent encore pour obtenir les réparations nécessaires.
Le Silence des Autres possède cette force rare – provoquée cette année déjà par le pourtant fictif En Guerre – d’être un moteur d’action. Le film est si révoltant, les portraits si touchants, l’histoire contée si terriblement actuelle qu’il est film qui donne envie de passer à l’action. En sortant du film, j’ai d’ailleurs entamé de nombreuses recherches ainsi que contacté des associations tant le sujet m’a passionnée. Mais tant j’ai senti que j’avais des lacunes à combler, aussi : l’histoire du franquisme est encore relativement récente, les Espagnols ont encore très peu accès aux informations concernant leur passé, alors imaginez en France ! … Je mets au défi quiconque de me dire quand est mort le Général Franco, et ce sans consulter Wikipedia !
Certaines parties du film paraissent surréalistes, exagérées. De la fiction au cœur de la réalité. Quand on aperçoit au détour de Madrid des rues qui portent le nom de criminels de guerre, ou bien une vieille dame de 90 ans qui vient inlassablement attacher des bouquets au bord d’une route sous laquelle se trouve un charnier avec le corps de sa mère, on a l’impression de rêver : extraits.
Je mets au défi quiconque de ne pas être profondément ému par ce film. Et je remercie chaleureusement la dame à côté de moi de m’avoir donné son mouchoir durant la séance. Mais nous ne ressortons pas de ce film avec cette douce certitude d’avoir assisté à de la fiction. Le retour à la réalité après l’allumage des lumières est d’autant plus violent que tout était réel. Tristement, terriblement réel.
Ce documentaire se distingue aussi par sa rigueur formelle et plastique incroyable. J’avais peur de la présence de la voix off, qui est un procédé qui a tendance à artificialiser le récit, mais elle sait rester suffisamment discrète et en retrait pour ne pas alourdir le film. Le film est incroyablement beau esthétiquement, ménageant des passages contemplatifs sur des paysages au cœur de ce récit intense et très dur.
La Guerre d’Espagne est un sujet peu traité en France et peu connu. Pourtant, dans le sud de la France, notamment, nous sommes nombreux à descendre de personnes qui ont fui le franquisme. Je suis petite fille de rouge, et j’ai été estomaquée de voir combien je connais peu la propre histoire de ma famille. Ce film est une piqûre de rappel nécessaire à une nation espagnole aveugle qui a préféré se crever les yeux pour avancer plutôt que de faire le choix de la justice. C’est aussi une brique nécessaire dans l’histoire de beaucoup de Français descendant d’Espagnols qui trouveront dans ce film des réponses qu’ils n’ont peut être jamais eues.
Dolores
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