Matar a Jesús (2017) – Un Sicario qui aurait pu bien faire

C’est parce qu’il se voulait très silencieux au niveau des émotions (pour mieux les faire transparaître) que Matar a Jesús est ennuyeux. Le film raconte l’histoire d’une jeune fille, Paula, qui a retrouvé l’assassin de son père et qui se met en tête de se venger. La vengeance et la rage sont deux choses assez communes dans le cinéma, mais il faut savoir les maîtriser pour pouvoir les reproduire à l’écran.

Le problème d’un film très “bâclé”

On notera, cependant, que les acteurs (non professionnels) sont très naturels et jouent plutôt bien dans l’ensemble. Mais le problème fondamental se trouve tout de même dans l’écriture car les dialogues, peu étoffés, tournent en rond et sont souvent dénués de sens. C’est toujours les mêmes conversations, on tourne autour du pot avec la relation entre Paula et Jesús, sans vraiment savoir ce que l’un pense de l’autre. Le personnage de Paula est extrêmement frustrant : pour une personne animée par le désir de vengeance, elle évolue de manière très ambiguë.

Je pense que le problème majeur dans cette œuvre, c’est l’idée du scénario bien trop précipitée. La vengeance, c’est ambivalent, et Laura Mora Ortega l’a parfaitement compris : l’amour et la haine, la rage et le pardon, la complexité des sentiments… Pourtant, ici tout semble très bâclé. On sent très bien les moments de rupture entre amour et haine, ce qui les rend très artificiels. Paula réalise tout à coup qu’elle devrait tuer Jesús plutôt que d’en tomber amoureuse. Donc (alors que trente secondes avant elle était sur le point de l’embrasser) elle tente de le tuer. C’est dommage de voir que l’idée n’est pas si bien abordée, et le film ressemble plus à une maquette en préproduction qu’à un film achevé.

Un film qui aurait pu pourtant bien tourner

C’est d’autant plus dommage que le film a un potentiel énorme. Visuellement parlant, Matar a Jesús est d’une qualité indiscutable. Il est vrai qu’on ne voit pas beaucoup de la ville colombienne car beaucoup de scènes se passent la nuit ou dans des pâturages aux alentours. Mais les plans sont intéressants, très originaux parfois, et la volonté de filmer les « bidonvilles » de Colombie apporte ses points positifs. Il faut aussi noter que, pour une fois, on ne déifie pas les cartels. On est pas face à des trafiquants de drogues richissimes qui font absolument tout ce qu’ils veulent. Ici, on découvre des adolescents et des jeunes adultes qui errent dans la ville sans but et ne prennent conscience de leurs actes que quand on les poursuit pour les tuer. Un parti pris qui aurait pu bien tourner…

Matar a Jesús, un Sicario qui partait bien pour traduire la vie d’adolescents colombiens dans les bidonvilles, mais qui s’emmêle dans une histoire cliché de vengeance mal maîtrisée, et donc mal interprétée. Cela reste quand même un film à voir, rien que pour l’esthétique des villes colombiennes très sympathique.

Emma

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