Miss and Mrs. Cops (Geol Kapseu) – Jung Da Won, 2019 : Un nouveau classique du cinéma de genre ?

Miss and Mrs. Cops (Geol Kapseu) – Jung Da Won, 2019 – 107 minutes

Miss and Mrs Cops est un film coréen de 2019 réalisé par Jung Da-Wong. Nous avons eu la chance de le voir en première européenne au Festival du Film Coréen de Bruxelles

Korean Film Festival
© Korean Cultural Center

Le film raconte l’histoire de deux policières qui luttent contre un trafic de sex-cams volées, servant de couverture à un trafic de drogue. Mi-young (Ra Mi-ran), ancienne flic de terrain surdouée et première cheffe d’une unité d’assaut exclusivement féminine, se retrouve au bureau des plaintes du commissariat civil, ayant abandonné sa carrière pour fonder une famille. L’incapacité de son adulescent de mari à trouver un emploi l’oblige à faire ce travail bien en deçà de ses capacités. Ji-hye (Lee Sung-Kyung), sa belle-soeur, est une jeune inspectrice fougueuse et bagarreuse, dans une brigade d’investigation. Suite à une énième bavure, elle est temporairement rétrogradée au bureau des plaintes avec Mi-young. Confrontée à la tentative de suicide d’une jeune fille venue porter plainte, les deux femmes se mettent à mener l’enquête, contre l’avis de leur hiérarchie.  

Film d’ouverture du Festival, Miss & Mrs Cops nous met dans l’ambiance dès les premières minutes. Le thème de cette année, 100 ans de Cinéma Coréen, est aussi une façon de nous montrer 100 ans de diversité dans le cinéma coréen. Le buddy movie est le genre de film que nous avons davantage l’habitude de voir en Occident que dans des productions asiatiques. Entre la trilogie de la Vengeance de Park Chan-wook et les acerbes critiques sociales de Bong Joon-ho, Miss & Mrs Cops nous donne à voir une autre facette de cinéma coréen, drôle et léger, plus proche des dramas coréens que du grand cinéma à la Park Chan Wook auquel le public européen est habitué. 

De la comédie, oui, mais à la sauce coréenne

Le film fait place à une myriade de personnages tous très caricaturaux (la cheffe tyrannique, la nerd, le mari inutile, les policiers couards) rappelant les stéréotypes des sitcoms, mention spéciale au personnage de Yang Jang-Mi (IT crowd du bureau des plaintes et étrangement douée dans le hacking, jouée par Sooyoung), qui offre avec Mi-young et Ji-hye les meilleurs moments de comédie du film. Mais attention à ne pas laisser notre culture occidentale préjuger du déroulement de l’histoire. Ainsi, même si les deux protagonistes ont bel et bien des personnalités très différentes, elles ont tout de même des moments ridicules, des instants de bravoures sans que cela deviennent un trait de caractère spécifique. On est loin des tandem Jackie Chan/Chris Tucker, Mel Gibson/Danny Glover ou Arnold Schwarzzeneger/James Belushi. 

La réalisation suit cette ligne, zigzaguant habilement entre des plans-type de films d’action de diverses époques (de la caméra de travers très 70’s aux caméras à l’épaule d’aujourd’hui) ou de divers réalisateurs (des split screens très Brian de Palma notamment) tout en conservant son originalité avec des ressorts propres à la comédie asiatique (les bruitages soulignant l’étonnement ou la surprise). 

Est-ce un film féministe ? 

Premièrement, le film est un remake version féminine du film Two Cops de 1993, buddy movie coréen on ne peut plus classique. En faire un remake 100% féminin n’est pas sans rappeler les polémiques qui ont secoué le cinéma occidental ces dernières années. 

La place des femmes dans le cinéma coréen est devenu une thématique récurrente des productions actuelles (et il n’y a qu’à regarder des dramas pour s’en rendre compte). 

Si le film ne se présente pas directement comme un film féministe, force est de constater qu’un de ses enjeu se situe bien dans une sorte de célébration de la sororité où ce sont des femmes qui vont sauver d’autres femmes, luttant contre un système qui les met de côté. Cette sororité s’exprime clairement lorsque les collègues de travail de Ji-hye lui expliquent que son affaire de trafic de sex cam sur fond de viols de jeunes filles n’est pas une priorité de la police. Cet échange est entrecoupé de morceaux du journal télévisé, énumérant les cas de suicide de jeunes filles. La scène pourrait encore une fois être particulièrement glaçante, si le film n’avait pas recours aux ressorts de la comédie. 

Autre aspect féministe du film et qui fait également écho à la vie plus ordinaire des coréennes : l’impossibilité de conjuguer vie de famille et carrière. En effet, hormis le coût de la vie exorbitant à Séoul, le personnage principal Mi-young a délibérément laissé de côté sa carrière pour permettre à son mari de mener la sienne et de fonder une famille : car c’est bien de sa responsabilité que d’élever leur enfant. Mais rien ne se passe comme prévu, Mi-young doit retourner travailler, sans pour autant retrouver son ancienne carrière. Même sur le ton de la comédie, la scène entre Mi-young et sa responsable au bureau des plaintes est sinistre, si tant est qu’on la regarde dans son aspect social. Mi-young n’est pas par ailleurs le seul personnage féminin à avoir renoncé à une carrière pour fonder une famille. Une ligne de démarcation se fait entre les personnages féminins : soit elles mènent leur carrière et sont célibataires, soit elles fondent une famille et sont contraintes de travailler au bas de l’échelle. 

Miss & Mrs. Cops est une excellente découverte et une excellente mise en bouche pour la suite du festival ! 

Doc Aeryn & The Watcher

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