Critique du film Matthias et Maxime

Matthias et Maxime : l’amour et l’amitié sacrée

Film de Xavier Dolan, avec Anne Dorval, Gabriel d’Almeida Freitas et Xavier Dolan. Sortie le 16/10/2019.

Matthias et Maximesont amis depuis l’enfance et leur amitié continue de vivre au sein d’une bonne bande de potes elle-même très liée, déconneuse et fêtarde. Mais lorsqu’ils se retrouvent plus ou moins contraints à devoir jouer une scène avec un baiser échangé pour le court-métrage de la sœur de leur ami Rivette, leur amitié se retrouve perdue dans la tourmente.

Le temps est bon, le ciel est bleu, j’ai deux amis qui sont aussi mes amoureux ; on se souvient de la bande originale des Amours imaginaires (2010) de Xavier Dolan et du triangle amoureux qui le réunissait à l’écran avec Monia Chokri et Niels Schneider. Dans son dernier film, le cinéaste nous parle à nouveau d’amitiés contrariées, mais cette fois-ci il ne s’agit pas d’une illusion insidieuse, l’amour est bien là et l’amitié est sincère. Une amitié fraternelle quasiment puisqu’ils ont grandi ensemble, et sous les yeux principalement de la mère de Matt qui aime Max comme son propre fils. Un amour maternel qu’il n’a sans doute très peu reçu de sa mère à lui, jouée par l’actrice ou, pourrait-on dire, la muse de Dolan : Anne Dorval. Ici, elle n’incarne plus une mère forte et lumineuse comme dans J’ai tué ma mère (2009) ou Mommy (2014), mais une femme aigrie, négligée et négligente. Le frère de Maxime, bien qu’absent, semble recevoir plus d’intérêt de la part de la mère. Les liens du sang ne sont donc pas à l’honneur, alors Maxime se charge en amour dans ses amitiés solides.

Xavier Dolan, fidèle à lui-même mais avec une caméra plus spontanée 

Si le cinéma consume Xavier Dolan, c’est également un baiser de cinéma qui va embraser ou du moins, chambouler la relation des deux protagonistes principaux. Le cinéaste n’a jamais été du genre à lésiner sur les métaphores visuelles pour appuyer des intentions et des émotions, alors il continue, notamment lorsque le temps semble s’arrêter au travers de plans au cœur de la maison où va se dérouler la minute qui va changer la vie des deux garçons. La vie reprend son court en apparence, mais ils se retrouvent bouleversés par cette expérience, Matthias particulièrement. Le cinéaste nous offre une fois de plus des magnifiques séquences où protagonistes et éléments naturels s’entremêlent pour faire bouillir la marmite des émotions, des sensations, des pensées ou au contraire se laisser aller et calmer les tourments.

Un petit film dans le film qui va scinder l’amitié ou la renforcer ?

Et un film de Dolan ne serait-il pas désincarné de lui-même sans un florilège de musiques ? Si cela en irrite certains, car on peut y voir une facilité et un effet clip qui s’éloigne d’une vision et d’une écoute purement cinématographique, je marche totalement dans la combine. Mais je pense plutôt qu’il s’agit d’un amour indissociable de la musique et du cinéma si bien formé à l’écran qu’il pourrait même réussir à me faire aimer du Amir, c’est dire…Le cinéaste n’a jamais eu peur d’assumer une culture musicale populaire dans ses films et il continue une nouvelle fois mais avec un peu plus de retenue peut-être de même que dans sa manière de filmer. Son obsession pour les ralentis et les échanges de regards en slow-motion est moins présente ici surtout si l’on se souvient de ses excès sirupeux dans Ma vie avec John F. Donovan (2018). Ici, il alterne avec une caméra beaucoup plus agitée qui s’adapte à l’effervescence du groupe, et à toutes ses punchlines québécoises qui fusent et apportent beaucoup d’humour au film.

Un film sur l’identité et les choix de vie

Maxime et Matthias sont deux jeunes hommes antagonistes : le premier se prépare à partir pour deux ans en Australie afin de “changer d’air”, le second est installé avec sa petite amie et commence déjà à gravir les échelons dans l’entreprise. Seulement voilà, le début de la trentaine est arrivée et la stabilité n’est finalement pas au rendez-vous et on se cherche encore. L’identité, la vision des choses et tout ce qu’on croyait nous définir se retrouvent sans dessus-dessous. Dolan filme avec pudeur la ligne parfois si fine entre l’amour et l’amitié. Il capte avec finesse la gêne et le trouble qui viennent décentrer les protagonistes de leur trajectoire de vie. Il filme avec délicatesse la douleur d’un chagrin d’amitié qui vient vous serrer le cœur face au souvenir d’un dessin d’enfant rempli de projets innocents pour le futur. 

“C’est un film sur la complexité d’être soi”, le cinéaste parle du fond et de la forme dans la réalisation de son dernier film dans cette interview :

Xavier Dolan a pour ma part réussi une nouvelle fois à nous faire voyager dans les forts intérieurs de ses protagonistes et les ascenseurs émotionnels qui les traversent. Il a mis une fois de plus en exergue la complexité des relations humaines tout en montrant qu’elles valent parfois le coup d’être vécues : “On se pose tous des questions un jour ou l’autre. C’est ça la beauté de la jeunesse. Avoir trente ans. Avoir encore le temps”.

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