Nos impressions et nos palmarès L’Écran pour le Festival de Cannes

La salle du Soixantième où on a découvert Titane – crédit : L’Ecran

Nos impressions et nos palmarès L’Écran pour le Festival de Cannes

Lilith

En quelques mots, le Festival de Cannes c’était une expérience inoubliable. Une première fois ça ne s’oublie pas, et celle-ci il est bien évident que je ne l’oublierai jamais. L’ambiance est géniale, pas seulement à cause des célébrités et des projections de films merveilleux auxquelles on peut assister en avant-première. Mais aussi grâce à l’équipe du festival qui fait tout pour qu’on soit le plus à notre aise et qui malgré le fait qu’elleux aussi peuvent attendre au soleil pendant des heures, ou qu’iels se prennent la pluie de nos parapluies qui gouttent sur iels, iels restent de bonne humeur. Et puis parlons aussi de l’entraide qu’il y a entre les festivaliers. Nous avions un groupe What’s App et un groupe Facebook du pass 3 jours à Cannes. Grâce au groupe What’s App on a tou.te.s pu échanger de précieuses informations pour nous repérer dans le festival, pour réserver nos tickets, pour échanger des tickets etc. Et grâce au groupe Facebook j’ai même pu assister à la séance de Titane à laquelle je voulais aller. Merci d’ailleurs à Aurélien que je ne connaissais tout simplement pas et qui a pris mon sac à dos qui ne pouvait pas rentrer en salle, et ça, 5 minutes avant que la séance ne commence, il m’a quand même permis d’assister au film qui a remporté la Palme d’or. Pour cette action je lui remets la Palme d’or de l’entraide. Un ange sur ma route. Tous les films qu’on a vus étaient plus ou moins captivants mais tous dignes d’intérêt. À Cannes on s’ennuie rarement, on court entre chaque séance et c’est un plaisir. Bref, l’expérience du Festival de Cannes est à vivre pour tous les amoureux du 7ème art, mais ça n’est pas vraiment un scoop.

Memoria de Apichatpong Weerasethakul – tout droit réservé

Estelle

Le Festival de Cannes, j’ai toujours vu ça comme un événement inaccessible réservé aux journalistes de Télérama. Jusqu’ici, je n’avais même pas osé demander une accréditation. Mais qui ne tente rien n’a rien, et finalement, entre les accreds “3 jours” et “cinéphiles”, il y a beaucoup de places à donner, si tant est qu’on peut justifier d’une activité perso en lien avec le Cinéma. 

Ces trois jours ont été une sorte de bulle cinéphilique intense, coupés du monde extérieur et en même temps connectés à un cinéma qui nous parle du dehors. En trois jours, (2 et demi pour moi), on s’est sûrement trop chargées. J’ai vu 11 films et j’en ai oublié d’aller me baigner, de faire la fête ou même de manger et dormir correctement. C’est fou ce que le cinéma nous fait faire. Les 5 heures de sommeil quotidiennes ne piquaient pas parce qu’on était animés d’une envie de tout voir. 

C’est ça qui est génial avec Cannes : être dans une soif permanente de découverte, dans une perpétuelle hype collective pour telle ou telle œuvre que certains ont vu et qu’il faut absolument voir. Pendant trois jours, on a le luxe de ne vivre que pour découvrir des films. Il y a forcément eu une ou deux déceptions, mais l’aperçu que j’ai eu de cette programmation monstrueuse (une centaine de films toutes sections confondues) était exceptionnel.

Pendant trois jours, on est sans cesse hantés par les images de certains films, on se réveille et on s’endort avec, ça se brouille parfois, des films se répondent d’une réplique à l’autre. Dans ceux qu’on a vu, il a beaucoup été question d’amour, de sexe et de religion (des thématiques finalement universelles ! ). Que ce soit dans des thrillers, des drames ou des comédies assumées, il y avait de l’humour à peu près partout – mais ça tient peut-être au fait que les spectateurs cannois, très engagés, avaient le rire facile. On tient déjà nos moments cultes : la punchline « Jésus ne m’a rien dit à votre sujet » de Virginie Efira ou la Macarena de Titane, à moins que la meilleure réplique de ce festival ne soit celle de Pierre Lescure qui nous rappelait avec paternalisme le port du masque avant chaque projection (« vous le savez, et vous respectez cela »). 

Le premier soir, on a eu la chance de monter les fameuses marches pour le film de Nabil Ayouch, Haut et Fort, et c’est vraiment un moment que je vous souhaite de vivre. Ça dure 2 minutes, j’avais un tote bag d’une tonne, des talons aussi confortables qu’un visionnage solo de The Room, je comprenais rien et y avait des photographes qui nous criaient dessus, mais quand on a monté l’escalier c’était quand même magique. 

Des projections dans des salles pleines à craquer, autour de gens passionnés et de quelques acteurs venus se glisser dans le public, c’est quelque chose. Il y a une ferveur palpable, les gens rient même quand c’est à moitié drôle, applaudissent pour tout et n’importe quoi (comme une annonce de subventions de la région Rhône-Alpes). Quand on va se mettre les pieds dans l’eau le dernier soir, il y a la projection d’un documentaire de rock au Cinéma de la Plage, le public est sur des transats, Titane vient d’avoir la Palme d’Or et l’avant première d’OSS nous attend plus tard au Grand Théâtre Lumière. C’est là que je me suis dit que je ne pourrai plus prétendre n’avoir jamais vécu ça et ne pas vouloir retourner là-bas dès que ce sera possible. Avec un pass cinéphile pour rester encore plus longtemps. 

Annette de Leos Carax – tout droit réservé

Palmarès Lilith

Palme d’or : Titane de Julia Ducournau. Oui clairement elle n’a pas volé sa palme, on ne peut quasi rien dire de négatif sur ce film. Scénario, mise en scène, performance des acteurs, traitement de la photographie et du son… Tout est parfaitement maîtrisé et original. Merci à elle de nous faire vivre des moments de cinéma comme celui-ci. 

Grand prix : Annette de Leos Carax. C’est un film qui est vraiment merveilleux, il a réussi à me faire apprécier une comédie musicale et ça n’est pas rien, pendant la séance j’ai été envoûtée par le jeu d’acteur et la musique. Ce film est un enchantement à ne pas rater. 

Prix du jury: The French Dispatch de Wes Anderson. Il n’a eu aucune distinction car la compétition était rude, mais ce film c’est du Wes Anderson comme on l’aime. C’est léger, coloré, amusant, il nous emporte et à la fin de la séance on en veut encore.

Prix de la mise en scène: Memoria d’ Apichatpong Weerasethakul. Après cette séance j’étais assez déroutée car il y avait beaucoup de plans fixes très longs, et j’étais assez fatiguée en allant assister à la première. Après mûre réflexion je pense que c’est vraiment une pépite au niveau de la mise en scène, certains plans ont dû être très durs à tourner principalement au niveau de la direction des artistes. Allez apprécier ce film en étant bien reposé.e pour son côté poétique et son mysticisme. 

Prix d’interprétation masculine: Caleb Landry Jones dans Nitram de Justin Kurzel. Je ne vais pas aller à l’encontre de ce que le jury a dit sur ce coup-là non plus. C’ est vraiment une performance impressionnante, Nitram est un jeune homme marginal qui semble avoir des retards mentaux et l’acteur s’imprègne à merveille du personnage. Le film est un peu dur à regarder, mais il pose brillamment la question de la législation au niveau du port d’armes en Australie.

Prix d’interprétation féminine: Agathe Rousselle dans Titane de Julia Ducournau. Pour un premier rôle dans un long-métrage, c’est vraiment impressionnant. Elle arrive avec brio à effacer les limites du genre avec une interprétation à couper le souffle.

Prix du scénario: La Fracture de Catherine Corsini. Là, c’est mon côté militant qui s’exprime. C’est un film qui dénonce brillamment l’état de santé de l’hôpital public en France. C’est une œuvre qui se doit d’exister dans une crise sanitaire comme on la connaît aujourd’hui, il explique à quel point il est difficile d’aider les patients quand on a aucun moyen et que littéralement tout s’effondre. Un film d’utilité publique en France ! 

La Fracture de Catherine Corsini – tout droit réservé

Palmarès Estelle

Palme d’Or : Titane. Honnêtement, je ne pensais pas que Titane aurait un tel prix même si j’espérais très fort. Il ne coche pas les cases d’une Palme d’Or : il est interdit au moins de 16 ans en France, Ducournau est encore au début de sa carrière et il a divisé les spectateurs et la critique. Mais récompenser Titane, c’est encourager l’audace d’aller au bout de sa vision en ne s’excusant de rien, de faire bouger les lignes et de proposer un cinéma différent. 

Grand Prix : Annette. Je rejoins l’enthousiasme de Lilith pour ce film que j’attendais tout en haut du palmarès. Un grand film, sublime à tous les niveaux. Ça a dû être un moment unique d’ouvrir le festival, après des mois de fermeture des salles, avec le génial morceau d’intro des Sparks, So May We Start. 

Prix du Jury : La Fracture aurait dû figurer quelque part dans ce palmarès, je lui donne donc le Prix du Jury. Seule Catherine Corsini sait comment faire passer une salle Debussy pleine à craquer du rire aux larmes. Avec un sujet on ne peut plus actuel. 

Prix de la mise en scène : Le Genou d’Ahed. Je lui donnerai même la palme de l’ouverture la plus fracassante. Si je ne suis pas totalement entrée dans le film, je découvre la mise en scène électrique de Nadav Lapid qui à elle seule vaut le détour. Panoramiques frénétiques, montage explosif pour des situations dramatiques au contraires assez statiques : le résultat est très intriguant. 

Prix d’interprétation masculine : Je laisse le futur Oscar à Adam Driver qui, entre sa sublime performance dans Annette, les deux Ridley Scott et le prochain Jeff Nichols, aura bien des occasions d’être récompensé pour son talent titanesque. Pour ce prix d’interprétation, je choisis plutôt de couronner Simon Rex, le génial acteur en roue libre de Red Rocket qui porte sur ses épaules cette comédie amère sur la reconversion d’une star du porno. 

Prix d’interprétation féminine : Comme Lilith, j’aurais choisi Agathe Rousselle pour son incroyable capacité à traverser de multiples états dans l’épopée Titane. Mais pour varier un peu, ce sera Léa Seydoux. Pas particulièrement fan d’habitude, je dois avouer que sa performance dans France de Bruno Dumont m’a laissée bouche bée. Si le film n’a pas convaincu grand monde (et je suis dans la minorité), il y a consensus sur l’incarnation exceptionnelle de Seydoux de cette présentatrice de reportages de guerre complètement déconnectée qui craque lentement en réalisant son inhumanité. 

Prix du scénario : Je case Benedetta ici parce que lui aussi est injustement reparti bredouille. Le film est plus profond que ce à quoi je m’attendais. Ce n’est pas le “drame sulfureux” annoncé, plutôt une réflexion sur la nature de l’amour et une analyse fascinante de la moralité au sein de l’Eglise Catholique au XVIIe siècle. Avec des personnages secondaires (Charlotte Rampling et Lambert Wilson) particulièrement intéressants. Et pas mal d’humour.

Red Rocket de Sean Baker – tout droit réservé

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