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Rodéo, une première cascade faite avec brio


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Spoiler Alert ! 

It’s a man’s man’s man’s world !

Il y a des histoires qui se racontent avec le bruit du cœur, d’autres avec le frémissement des moteurs, certaines conjuguent les deux pour en faire une mélodie transcendant l’image. Rodéo de Lola Quivoron nous offre une salsa mécanique enivrante. Un premier film qui ouvre le cinéma à une nouvelle génération. 

La première fois que j’ai eu un frisson sur l’ondulation d’un moteur, c’était devant le film Mad Max de George Miller. J’ai ensuite mis une veste en cuir et sorti ma plus belle Harley avec Sons Of Anarchy qui m’a galvanisé devant son propos et ses personnages. Je ne suis pas quelqu’un qui est vraiment intéressé par ce monde là et pourtant ces deux œuvres ont réussi à me faire rentrer dans leurs dimensions. Rodéo fait partie de ces œuvres, qui même si l’univers proposé n’est pas le vôtre, vous touchera par son histoire. Julia, le personnage féminin principal, est quelqu’un qui vit pour l’adrénaline. 

La volonté du long métrage est d’exposer une histoire dans un milieu que la réalisatrice connaît de par ses expériences personnelles, pas de faire un documentaire. D’ailleurs, celui-ci ne fait jamais l’erreur de dépasser les limites que lui-même se fixe.

Le film porte bien son nom ; il file à une vitesse ahurissante devant vos yeux, les séquences s’enchaînent, ne laissant pas le spectateur se remettre de l’action précédente. Ce découpage séquentiel rapide provoque des poussées d’adrénaline pour le spectateur, obligé de vivre à l’allure du personnage dont il contemple les aventures. C’est cette rapidité qui vous fait vous attacher à l’histoire, en plus de l’écriture approfondi des personnages qui donne une plus value au récit. Le rythme est une composante importante dans le charme de ce long métrage qui nous place dans un univers macho, uniquement composé d’homme, excepté  la femme du chef de la bande. L’arrivée de Julia va tout chambouler. 

I’m on the highway to hell !

Le film débute par un événement marquant : Julia sort de chez elle brusquement,  son frère essayant de l’arrêter mais n’y parvient pas. Alors que la caméra les suit dans le bâtiment, une autre personne se joint à eux pour essayer de stopper Julia. Malgré tout, la jeune femme arrive à passer et se dirige vers une voiture. Elle fera tout pour que son conducteur la prenne et la dépose là où elle souhaite. Lors de cette première séquence beaucoup d’enjeux sont déjà posés : on y apprend en effet qu’elle s’est faite voler sa moto et qu’ils ont défoncé sa porte pour le faire. 

La réalisatrice pose le rythme du film dès les premières images du film avec des plans très rapides et une caméra qui se concentre sur les visages. Ensuite, la cinéaste nous emmène à un endroit crucial pour comprendre le personnage de Julia. Celle-ci va à la rencontre d’un vendeur de moto trouvé sur un site de vente entre particuliers. 

Cette séquence m’a pas mal intrigué sur le moment. Les scènes de vols de deux-roues se répètent dans le film et elles ont toujours le même mode opératoire. Julia, femme qui se laisse aller physiquement, se prépare et se fait belle pour l’entrevue, elle examine alors la bécane et insiste pour aller l’essayer. C’est à ce moment-là qu’elle la dérobe en laissant une sacoche derrière elle comme gage de bonne foi auprès des vendeurs. Tout de suite après le vol, le film poursuit souvent avec une séquence où Julia, seule avec son nouveau joujou, s’élance au gré du bitume, le vent dans les cheveux. Ces séquences ont attiré mon attention dans leurs constructions filmiques. En effet on pourrait juste penser à des scènes de vol typique, habituelle mais je ne les ai pas ressenties comme ça. Alors, je me suis tourné vers sa réalisatrice pour répondre à mes questions.

Pour un flirt avec toi, je ferais n’importe quoi, pour un flirt avec toi !

Ces scènes étaient pour moi, un moyen de comprendre en profondeur le personnage de Julia. Elle se prépare, elle se maquille, se fait belle mais c’est exceptionnel . On pourrait croire qu’elle fait ça pour être pris au sérieux par les particuliers vendeurs mais c’est pas l’impression que j’ai eu. Alors j’ai exposé ma théorie au cerveau derrière le film : Et si Julia se faisait belle pour les motos ? 

Durant ces scènes, elle ne fait guère attention au vendeur, elle ne s’intéresse qu’au bolide, les touchant, les découvrant. J’ai vu dans cette scène une sorte de premier date, de rencontre se terminant en  flirt. 

Comme si chaque vol était le début d’une relation affective, comme si chaque ligne droite qu’elle parcourt avec celles-ci était un moment d’intimité qu’elles partageaient. 

Lola Quivoron fut surprise par mon interprétation, ce n’était pas quelque chose à laquelle elle avait vraiment pensé. Pourtant,ces scènes dégagent une vibe à la Mad Max, elles respirent l’amour pour la mécanique, la passion que les propriétaires ont pour leurs machines.  Toutefois, Julia diffère du personnage de Max  Elle ne s’attache pas à une bécane en particulier car elle n’en a qu’une en vue, sa moto parfaite, son défi ultime. Là où Max aura passé sa vie à améliorer sa voiture pour la rendre la plus parfaite à ses yeux possible, Julia cherche la perfection du regard et du bout des doigts. C’est en ce sens qu’elle organise un gros casse de motos. Le mode opératoire change totalement et n’est pas sans rappeler les moments de gloire de Fast and Furious.

Le bolide qui fait brûler toutes ses ardeurs est dans ce camion qu’ils doivent braquer. À vouloir aller trop vite, aller trop loin, c’est sur le dos de son “amour” qu’elle se brûlera les ailes. 

Cette scène m’a aussi beaucoup marqué. À l’image d’Icare elle sera consumée par son premier défaut : sa haine profonde. Je sais, j’en reviens souvent à la saga de George Miller mais ce plan m’a fait pensé à la fin du premier opus de Mad Max. Le conducteur de l’interceptor laissant son exécration sur le dernier riders des “aigles de la route” signifie qu’il consume la dernière part de Max Rockatansky qu’il avait en lui. Ici Julia se fait consumer par le fantôme de son antagonisme sur ces lignes droite qu’elle avait tant l’habitude de prendre.

But I wouldn’t change if I could restart, I ain’t gonna hide these beautiful scars

Durant mon entrevue avec la réalisatrice j’ai pu en apprendre un peu plus sur les dessous du film. La grande majorité des acteurs n’en sont pas de formation, ce sont des “riders” qui remplissent leurs propres rôles. Attention, ils n’incarnent pas leurs propres personnages mais simplement qu’ils jouent leurs passions. 

Et c’est exactement ça qui fascine avec ce long métrage. Les acteurs ne sont pas formés à rider, ils sont simplement formés à le faire devant une caméra. 

Lola Quivoron nous a partagé pendant la rencontre qu’ils n’avaient pas lu le scénario, qu’elle leur avait conté. Un choix assez intriguant mais la jeune réalisatrice s’explique par le fait qu’elle souhaitait qu’ils deviennent le récit, qu’ils incarnent le film. 

C’est dans cette perspective là que la réalisatrice prend ses captations filmiques en plan-séquence, qu’elle coupe ensuite en postproduction. Elle confie aussi que l’équipe technique est assez peu présente sur le set du film, celui-ci étant tourné en 360°, comme un documentaire, et que c’est le jeu des acteurs qui est au centre de l’action. Il y a aussi le choix du format western qui pourrait interroger le spectateur, mais Lola Quivoron répond que c’est pour la proximité avec les gens, et ça se ressent sur ce que les images dégagent. Le spectateur est pris au plus proche de la vie des personnages.

She said, « Mr. Hollywood, won’t you come back soon? » (ayy, ayy)

Retenez bien la date du 7 septembre 2022, elle sera importante de l’histoire du cinéma français, c’est à cette date que deux grands films français vont sortir, Rodéo et Le visiteur du Futur dont vous pourrez trouver ma critique du film très bientôt. Cette semaine fut une bonne semaine, entre 3000 ans à t’attendre (encore George Miller !) et Everything everywhere all at once, il fait bon d’être au cinéma.

Merci à vous d’avoir pris le temps de me lire, merci à l’American Cosmograph pour m’avoir permis de voir le film en avance et merci à Lola Quivoron pour la rencontre.

C’était Renard, à bientôt.

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