Les dessous de Cinélatino

En 30 ans, Cinélatino a réussi à s’imposer comme le plus grand festival d’Amérique latine de France, et l’un des plus importants d’Europe. Il prend racine dans une volonté militante : aider les pays d’Amérique latine à produire des images durant les temps de dictature, et aider à montrer ces images au monde entier pour contrer la censure. 

Si les dictatures latino-américaines sont éteintes, la volonté militante du festival se traduit toujours par un choix de films aux sujets politiques, sociétaux et environnementaux. Le festival a pris de l’ampleur et s’est délocalisé du Mirail aux salles les plus importantes de Toulouse : le Gaumont Wilson, la Cinémathèque, l’ABC, et pour la première fois cette année, l’American Cosmograph. La programmation est variée et vise à toucher un public large avec des films plus accessibles, comme cette année Sergio & Serguéi avec la superstar Ron Perlman. 

J’ai eu l’occasion cette année grâce à un service civique de pouvoir assister de plus près au fonctionnement du festival. La première chose qui m’a frappée, c’est de voir une équipe si réduite pour tirer les rênes du festival : trois personnes employées à temps plein sur l’année, deux personnes à mi-temps, quelques CDD et contrats d’intermittents, le tout aidé par cinq services civiques… Et quelques 200 bénévoles pour fignoler le tout. Bénévoles qui ont parfois des tâches très importantes, comme faire partie des comités de sélection des films, ou accompagner durant le festival les invités dans la ville de Toulouse. Autant vous dire qu’avec une équipe si petite, chaque poste compte double, voire triple. Les tâches les plus lourdes, comme la rédaction et la relecture du catalogue se divisent entre chaque membre de l’équipe et des bénévoles viennent aider à relire le tout. Certain(e)s de ces bénévoles sont d’ailleurs des membres à part entière de l’équipe qui reviennent chaque année et occupent le même poste depuis des décennies. Cette pérennité et fidélisation des équipes est la clef de la réussite du festival car il a pris une telle ampleur, ces dernières années, que renouveler les équipes tous les ans serait contre-productif au possible. D’ailleurs, être en service civique dans l’équipe de Cinélatino, poste amené à changer tous les ans, n’est pas de tout repos tant on arrive dans une machine déjà calibrée dont on a parfois du mal à appréhender tous les rouages.

La solidarité et l’ambiance dans l’équipe est primordiale pour tenir la cadence, puisqu’à partir du mois de janvier l’organisation du festival s’accélère. L’ambiance est décontractée, familiale et très sympathique entre collègues. Les derniers préparatifs se mettent en place, on rédige le catalogue, on réserve les hôtels et billets d’avion pour les invités auxquels on a communiqué le résultat de la sélection, on commence la communication envers le public, les séances de présentation, conférences de presse et autres étapes obligatoires pour communiquer sur Cinélatino… Et particulièrement sur cette année spéciale, les 30 ans d’un festival, ça n’arrive pas tous les jours !

Mon service civique était sur un double poste, puisque j’aidais à la programmation fiction en amont du festival notamment en prospectant des films et en les inscrivant dans la base de données du festival, mais j’étais aussi sur la plateforme professionnelle, une partie essentielle du festival invisible au public puisque réservée aux professionnels de l’audiovisuel (réalisateurs, producteurs, distributeurs, vendeurs…). C’est grâce à cet aspect-là que j’ai pu vivre de formidables rencontres avec des réalisateurs du Costa Rica, de Colombie ou encore d’Équateur, et en apprendre plus sur les rouages compliqués et obscurs de la production cinématographique. 

Quelques jours avant le festival, les bureaux déménagent leurs locaux rue Saint-Nicolas (à Saint-Cyprien) pour être plus près du cœur actif du festival. Cette année, nous étions face au Breughel, un lieu dangereux pour le porte-monnaie mais si réconfortant en fin de journée… Car il faut les tenir les journées sur le festival ! Dix jours à une cadence effrénée, à courir du bureau à la Cinémathèque, de la Cinémathèque au Gaumont, en gérant des appels désespérés de bénévoles perdus face à l’afflux d’invités ou de spectateurs à diriger…

Le festival qui est l’accomplissement d’une année de travail est aussi le paroxysme du stress et de la fatigue, puisque le moindre manque de communication à une équipe de bénévoles peut mettre en péril un pan entier du festival. Heureusement, tout se passe en général pour le mieux, et les invités sont ravis d’être sur Toulouse et patients lorsque d’inévitables petits “couacs” arrivent… En dix jours de festival, aucun membre de l’équipe n’a pu profiter pleinement des séances de films, et il est assez frustrant de ne pas pouvoir profiter à fond de l’ambiance du festival. 

Cinélatino, c’est donc avant tout un festival de passionnés créé par des passionnés qui ne comptent jamais leurs heures et se dédient corps et âme à ce festival. Il ne faut pas oublier que le festival est encore sous le régime associatif – via l’association l’ARCALT (Association des Rencontres du Cinéma d’Amérique Latine de Toulouse), qui publie aussi chaque année pour le festival une revue des “Cinémas d’Amériques Latines” traduite en plusieurs langues et diffusée dans des bibliothèques du monde entier. 

À titre personnel, l’expérience au sein de Cinélatino a été épuisante, parfois énervante, mais si riche et intense que je remets le couvert l’an prochain… Parmi les équipes de bénévoles, en espérant faire partie du noyau de ceux qui reviennent chaque année. Hasta la vista, Cinélatino ! 

Dolores

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *