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Et si on regardait plus loin ?: Réflexions sur un festival numérique de cinéma

Alors qu’on arrive à la fin de cet étrange mois de juin et on commence la deuxième moitié de l’année, je garde encore en tête la magnifique expérience vécue depuis mon canapé et depuis mon bureau, lors du « We Are One Global Film Festival ». Un événement véritablement historique dans le monde du cinéma et de la culture en général. Beaucoup de sites, cinémathèques et festivals ont fait appel au numérique pendant les longs mois de confinement. Mais celui-là a fait la une pendant des semaines depuis son annonce. Grâce aux noms de prestige qui y ont été associés, comme Cannes, Venise, Toronto, San Sebastian… bref, les typiques festivals hipsters qu’on aime. Sans compter la portée immense du roi des vidéos sur internet, car YouTube a eu l’exclusivité de visionnage sur ce coup.

Comme le dit « Bob » dans cette bande annonce, 21 festivals à travers le monde se sont réunis pour nous amener beaucoup d’images, d’émotions et de surprises que nous aurions pu rater, à cause de la crise sanitaire sans précédent que nous traversons. Confinement oblige, sans être un grand habitué des festivals, je me suis penché sur celui-là pour son originalité et son accessibilité. Et même si je m’attendais déjà à des bonnes choses, j’ai tout de même été agréablement surpris ! Non seulement par la qualité des films, mais aussi par la richesse de sa sélection et sa pertinence concernant l’actualité.

Le réputé sociologue et philosophe Edgar Morin disait en mars que « cette crise nous montre que la mondialisation est une interdépendance sans solidarité. Le mouvement de globalisation a certes produit l’unification techno-économique de la planète, mais il n’a pas fait progresser la compréhension entre les peuples ». Aujourd’hui, après la fin de ce festival numérique de cinéma je suis convaincu que cette crise nous l’a montré certes, mais qu’elle nous a aussi poussé à le rectifier.

Avec la participation de festivals autres que les institutions exaltées par la presse tous les ans, le choix de films s’est enrichi et élargi énormément. Je pense notamment au Festival de Guadalajara, à celui de Jérusalem, de Tokyo, de Sarajevo ou même celui de Marrakech. Une diversification qui nous met sous les yeux des histoires, des formats, des regards et des sensations différentes. Et aussi toute une liste de découvertes que, particulièrement, je n’aurais pas pu expérimenter ailleurs. Car vous comprendrez que, sans ce recueil numérique, suivre 21 festivals au long de l’année serait quand même compliqué.

La sélection

Comme nous l’avons fait avec le personnel soignant tous les soirs à 20h, le festival « We Are One » (nous sommes un), fait donc preuve de solidarité, d’universalité et surtout de bon sens chez l’industrie du cinéma d’auteur. Et, d’ailleurs, il le reflète à travers plusieurs sections intéressantes et importantes pour la société actuelle. Évidemment, avec un festival aussi grand, je n’ai pas réussi à tout regarder. Pourtant, je me suis concentré sur deux programmes :

Blood Rider de Jon Kasbe

Le premier s’appelait « Black Voices », où les voix de la communauté noire ont été mises en avant pile au moment où les manifestations contre le racisme et les violences policières enflaient  aux États-Unis et en France. De cette section très variée avec des films états-uniens, brésiliens, africains et même du Cap-Vert, je mettrais l’accent sur ces trois en particulier : Blood Rider de Jon Kasbe, Traveling While Black de Roger Ross Wiliams et Black Barbie de Comfort Arthur. Trois courts métrages qui m’ont complètement bouleversé par leur sensibilité, leur innovation et leur qualité visuelle.

Le deuxième concernait les films d’animation, qui m’ont beaucoup surpris par la créativité et la subtilité de ses réalisateurs. Du style surréaliste de l’anime japonais au style sombre mexicanisé du programme introduit par le soin du Festival de Guadalajara, toutes les écoles étaient présentes. Même le stop motion, et le CGI en 3D. De là, je souligne trois coups de cœur : L’Heure de l’ours de Agnès Patron, Marooned de Andrew Erekson et Bilby de Liron Topaz, Pierre Perifel et JP Sans. Des courts métrages remplis de couleur et avec des messages très émouvants.

Butterflies de Yona Rozenkier

Finalement, je trouve opportun de parler aussi de quelques coups de cœur de toutes les sections confondues : Altération, la sci-fi immersive en 360 degrés de Jérôme Blanquet ; Inabe, le conte familial de Koji Fukada ; Butterflies, le court métrage optimiste de Yona Rozenkier ; et Beautiful Things, la symphonie documentaire sur l’industrialisation de Giorgio Ferrero. Sans oublier bien sûr les différents forums de discussion avec Francis Ford Coppola, Guillermo del Toro et Alejandro González Iñárritu. Très riches pour les passionnés de la réalisation comme moi.

La leçon

Edgar Morin expliquait en avril dans une interview que « alors que notre civilisation nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur […] l’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. […] Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes ». Et c’est pour ça que ce festival marque l’histoire moderne du cinéma et de l’audiovisuel.  Parce qu’il surfe sur la vague de l’incertitude du COVID-19. Certes, pour ceux qui pensent que le nouveau Coronavirus est une arme créée en laboratoire, le « We Are One Global Film Festival » pourrait bien être une stratégie de marketing, pour assurer la présence de ses membres dans ce moment de vulnérabilité du système capitaliste. Mais pour ceux d’entre nous qui sommes plus optimistes, il est la preuve d’une richesse culturelle sans limite et des nombreuses merveilles que nous pouvons atteindre si on se sert de la mondialisation pour mieux nous comprendre les uns et les autres.

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