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Comment je suis devenue kinoïte ?

Ҫa y est… Les soirées se font à nouveau plus fraîches, les feuilles des arbres vont recommencer à prendre des couleurs chaudes, et nous, nous commençons déjà à repenser avec nostalgie à la saison estivale. Enfin, on ne va pas non plus dire qu’on regrette la canicule, il ne faut pas exagérer ! Bref, venons en au fait, pourquoi je vous parle de l’été avec cette douce mélancolie ? C’est parce que j’ai expérimenté l’aventure du Kino. Évidemment, il y a peu de chances pour que vous sachiez de quoi il s’agit. Mais ne vous en faites pas, je suis là pour tout vous raconter !

Qu’est-ce que le Kino ?

C’est un mouvement créé par des étudiant-es en cinéma qui naît à Montréal fin des années 90, début 2000. L’idée de base était de réussir à expérimenter dans le domaine du cinéma, en ayant une démarche de créativité artistique sincère et instinctive, sans avoir besoin de l’appui d’infrastructures publiques ou privées. La devise du Kino est : « Faire bien avec rien, faire mieux avec peu, mais le faire maintenant. »

Le mouvement s’est ensuite élargi au monde entier : on compte à présent une centaine de cellules à travers le monde. Le Kino s’est aussi diversifié en deux courants liés à certaines zones géographiques. Au Québec, l’idée est d’acquérir de l’expérience pour être préparé-e au monde professionnel. En Europe, le but est de développer une démarche artistique plus libre, affranchie de l’industrie cinématographique.

En termes logistiques, on rassemble des participant-es, appelés kinoïtes, pour réaliser un film sur une durée déterminée qui va de quelques semaines à seulement 24 h. Le Kino se veut inclusif, on peut participer quel que soit son niveau : débutant-e, amateur-ice ou même professionnel-le.

Affiche des films du kino
Crédit : L’Écran

Les débuts

Avant de commencer l’aventure, je ne connaissais que très peu le concept, j’avais une vague idée du fait que les films étaient réalisés par des amateur-ices mais je ne m’étais jamais réellement intéressée au mouvement.

En début d’été, un ami me propose de participer avec lui à un Kino qui se déroulait pendant le Festival Résistance à Foix (Ariège), courant juillet, qui est un festival de films et de débats. Il m’explique rapidement ce que nous allons faire et, mon amour du cinéma devançant ma peur de l’inconnu, je décide d’accepter. Je suis alors mise en relation avec les organisatrices qui m’expliquent le fonctionnement de l’événement. Chaque année l’association Caméra au Poing organise un Kino Documentaire pendant la durée du festival. L’asso invite dix personnes d’un autre pays à créer des films avec dix français-es, on se retrouve tout-es et on a le temps de la durée de l’événement (une dizaine de jours) pour : trouver un sujet (de préférence en lien avec les thèmes de l’édition du festival), tourner les séquences et monter le film. Il est ensuite projeté à la fin du festival.

Cette année, c’était une équipe de Belges qui était invitée ainsi qu’une Canadienne. Les Belges venaient de l’atelier du Collectif Extérieur Jour à Bruxelles et Katherine, la jeune réalisatrice canadienne fait partie de Wapikoni Mobile.

Le déroulement

* Attention : Ce que je dis là ne concerne que cette édition et c’est certainement différent des autres Kino qui sont pour la plupart tournés principalement vers la fiction et pas le documentaire.

Les deux premiers jours, on s’imprègne de l’ambiance, on fait connaissance avec les autres kinoïtes et avec les lieux où on devra potentiellement tourner (principalement le lieu du festival, la ville et la nature qui l’entoure). On choisit les thèmes et on commence à créer des groupes.
D’un naturel indécis, je me balade entre les groupes puis je finis par en choisir un dont le sujet m’intéressait plus particulièrement dès le départ. Et je dois dire que c’était une très bonne décision, parce que malgré la pression que suscite un tel exercice, nous avons passé une semaine dans la joie et la bonne humeur, devenant à nouveau pour l’occasion des enfants curieux/curieuses de tout et riant à chaque nouvelle aventure.
Nous avons expérimenté et laissé libre cours à notre imagination tout en nous adaptant à chaque fois qu’une nouvelle contrainte s’imposait à nous. Les idées de départ ont évolué au fur et à mesure du processus de création et des obstacles que l’on pouvait rencontrer.

Nous avons fait le choix d’interviewer des personnes sur leurs engagements et leurs luttes dans des collectifs. Car le festival Résistance, comme son nom l’indique un peu, est engagé. Cela implique que certaines personnes ne voulaient pas être filmées pendant leurs interviews car elles ne voulaient pas être le visage d’un mouvement. Il fallait donc s’adapter aux personnes, s’adapter aussi aux lieux  quand nous filmions pour éviter de gêner les autres personnes dans leur travail. En résumé, tout un travail d’équilibriste auquel des amateur-ices comme nous ne sommes pas habitué-es.
Par ailleurs, petit conseil : si un jour vous décidez d’interviewer des personnes, dites-leur directement quel est le format dans lequel iels seront, court ou long et précisez leur si certaines choses ne pourront pas être gardées à la fin. Cela peut susciter de la déception auprès des personnes interviewées. Évidemment, évitez de déformer les propos tenus par les personnes que vous interrogez.

Nos interviewé-es étaient des personnes très inspirantes et  l’expérience fut enrichissante. Mais après les étapes de choix du sujet puis de tournage, vint la plus longue et fastidieuse : le montage. C’est un moment à la fois excitant, car on commence à voir la forme que va prendre notre film, mais aussi frustrant, car il faut faire des choix, à cause de la contrainte de durée du film. De plus, l’aiguille tournait et nous avions l’ambition d’enregistrer nous-même une musique écrite par l’un des co-réalisateur.
D’autre part, le festival et le kino sont ouverts aux personnes sourdes et malentendantes et nous voulions faire un clin d’œil à cet aspect-là dans notre film. Il ne manquait plus qu’à pré-faire la retranscription pour faciliter le travail à l’équipe qui s’occupait des sous-titres.
Après des nuits blanches à se serrer les coudes, notre petite team a réussi à rendre son projet quasiment dans les temps. Il faut quand même savoir que l’équipe qui encadre le Kino était d’une précieuse aide, en particulier Chloé qui nous a guidé pour structurer notre court-métrage.

Le final

Évidemment, à la fin, vient le moment de la projection. C’est stressant, on se demande comment va être accueilli le film. En plus, lorsqu’on a un regard critique, c’est bien plus oppressant car on voit les imperfections que l’on aurait pu gommer avec plus de temps. Mais le film ne nous appartient déjà plus vraiment, alors il faut lâcher prise et se dire qu’un Kino, c’est bien plus de la spontanéité que de la perfection.

L’autre aspect de cette aventure, c’est la convivialité. Tout-es les kinoïtes sont sorti-es de cette expérience comme s’iels se connaissaient depuis toujours, puisqu’on se côtoyait quasi H24 pendant ces dix jours. Pour la plupart, nous dormions dans un camping près de la ville, ce qui soude aussi les liens. Et la particularité de ce Kino, c’est qu’on peut faire une pause en participant aux concerts sous le chapiteau, aux débats et aux projections des films du festival.

Article sur le cinéma du kino
Crédit L’Écran: article paru dans le journal du festival Résistance le lendemain de la projection.

Ce qu’il faut retenir

Je suis passée sur beaucoup de détails certainement importants mais il faut surtout retenir qu’un Kino ce sont des rencontres, des expériences, de la créativité, de l’adaptation et beaucoup d’apprentissage.

L’idée de cet article était aussi de vous donner potentiellement envie de devenir un-e kinoïte et de vous transmettre quelques indices sur comment se déroule cette expérience. Il y a plusieurs Kino en France, l’un des festivalier avait même fait un tour de France des Kino C’est aussi une belle manière de s’entraîner au métier. Contactez Caméra au Poing si vous souhaitez des informations au sujet du Kino du Festival Résistance qui se déroule durant la saison estivale.

Notre film s’appelle N’oublions donc jamais d’y croire, n’hésitez pas à aller le regarder ainsi que les autres films tournés durant ce Kino ou les anciens.

Photo du festival résistances et cinéma
Crédit L’Écran: image extraite du film N’oublions donc jamais d’y croire

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