Réalisé par Ma Min-ji (마민지)
Documentaire, 78min | Date de sortie en Corée : 2018/12/20
Family in the Bubble est un documentaire sur la propre vie de la réalisatrice ou plus exactement sur la gloire et la déchéance de ses parents, victimes comme des milliers de coréens de la terrible crise financière des années 1990 qui toucha toute l’Asie. Cette bulle est à la fois la bulle immobilière, mais aussi la bulle dans laquelle la réalisatrice a grandi.
Les protagonistes sont au nombre de quatre : Ma Min-ji elle-même, sa mère, son père et leur chat, Pingpong. À travers l’histoire de sa famille, Ma Min-ji réussit le tour de force de parler en même temps de toute la classe moyenne coréenne de ces années-là ainsi de tous ces entrepreneurs en herbe qui avaient su profiter de cette bulle immobilière, avant que celle-ci n’éclate,avec pertes et fracas.
Le film est à la fois un documentaire historique et une fresque familiale. C’est avec beaucoup d’humour et sans jamais s’apitoyer sur leur sort que Ma Min-ji retrace la grande aventure de ses parents, de mère au foyer et ouvrier d’usine à entrepreneurs immobiliers et architectes, jusqu’à leur chute en 1997.
Le recours aux images d’archives, à la fois de la télévision coréenne mais aussi des propres films amateur de la mère de la réalisatrice, permet de s’identifier à cette famille et de voir aussi leur déchéance matérielle : les appartements successifs se font de plus en plus petits, les meubles de moins en moins luxueux tout comme les tenues vestimentaires de la mère. Une page se tourne dans le documentaire lorsque la mère de Min-ji se décide enfin à vendre ces mêmes meubles, beaucoup trop encombrants pour leur petit appartement initialement “temporaire” et ce, 22 ans après la crise. Cela nous montre à la fois la résignation, la mère acceptant le fait qu’ils ne seront plus jamais riche et en même temps, une façon d’enfin se tourner vers l’avenir.
Le documentaire montre aussi l’incroyable résilience de cette famille : la mère notamment, enchaîne les petits boulots en plus de son travail pour payer les dettes de son mari et achète du terrain en cachette pour faire un héritage à sa fille. Le documentaire fait voler en éclat les petits secrets des uns et des autres. Le long-métrage dresse ainsi le portrait tendre mais sans concession de ces anciens riches qui sont prêt à tout pour retrouver leur confort de vie, ce qui n’est pas sans faire penser au film Parasite dans sa dépiction des classes populaires coréennes, avides d’ascension sociale et d’aisance matérielle.
Le film montre aussi le poids des traditions familiales en Corée (ce qui est aussi un des motifs des films de Yeo Eun-a) : Min-ji se sent ainsi obligée d’abandonner son appartement – et sa liberté – de l’autre côté de la rivière pour venir en aide à ses parents qui croulent sous les dettes. Une des phrases la plus terrible du documentaire est prononcée par Min-ji à ce moment-là : “À présent, ma vie est terminée”. Si on extrapole un petit peu sur cette phrase, on imagine assez bien que de nombreux jeunes coréens sont dans cette situation, privés d’avenir, emportés par l’avidité de leurs parents.
Si la réalisatrice n’épargne pas ses parents, on ressent une profonde tendresse pour ces derniers à qui la vie a tout donné puis tout repris. La fin du film notamment, et la reconstitution de leur photo de famille, montre une sorte de réconciliation entre ces deux générations.
Family in the bubble est un excellent documentaire, drôle et très actuel, critique d’un système économique qui a broyé des milliers de coréens mais aussi une ode à la débrouillardise et à l’optimisme des petites gens.
Doc Aeryn
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