115 minutes, 2048, dcp, color
Yoo Hae-Jin, Cho Jin-woong, Yum Jung-ah & Kim Ji-soo
Intimate Strangers est un remake coréen du film italien Perfect Strangers, dont on compte 18 versions (la française étant Le Jeu de Fred Cavayé), sorti en 2016. Le principe est simple : lors d’un dîner entre ami, tous vont devoir poser leur GSM sur la table et faire partager à toute l’assemblée leurs messages, emails, discussions téléphoniques durant la soirée. Entre ami.e.s d’enfance, on a rien à se cacher, n’est-ce pas ?
Le film est un huis clos qui n’est pas sans rappeler le film Le Prénom pour son côté révélations en série sur un petit groupe de personnages. Chaque appel ou message reçu permet de faire avancer l’intrigue et de découvrir la vie secrète de chacun des protagonistes. On se situe clairement chez la nouvelle bourgeoisie coréenne : chirurgien, avocat, psychiatre… tous les rôles sociaux sont représentés : mari conservateur, femme au foyer, jeune arriviste, auto entrepreneur… et tous sont au prise avec la même angoisse : sauver les apparences.
Le film est une comédie de moeurs sans prétention, avec quelques moments touchants mais globalement plutôt drôle tant les angoisses des personnages sont tournées en dérision. Le film remet en cause le sacro-saint mariage comme objectif de vie et institution : aucun de ces couples d’amis ne sont heureux dans cette configuration, mais leur vie publique (et familiale) en dépend. Toutefois, à l’inverse de Motel Rose ou Microhabitat (oui Doc Aeryn adore ce film et tient à ce que vous le sachiez) le film ne s’attaque que très légèrement à ces même conventions sociales, du moins pas assez pour sortir vraiment bouleversé de la séance. On se trouve face à une satire assez bienveillante envers ses contemporains.
La force du film réside finalement dans son caractère universel – rappelez-vous, c’est un film italien adapté au contexte coréen – et si les protagonistes sont stéréotypés, c’est pour mieux dépeindre toutes les situations conjugales possibles. Énorme succès en Corée du Sud à sa sortie, le film n’est pas particulièrement féroce mais sans doute pertinent sur les situations qu’il décrit. Il compte énormément sur ses (excellents) acteurs qui font tenir l’intégralité du film. Comme une pièce de théâtre, il doit tout à leur interprétation et à l’évolution des sentiments qu’ils nous font avoir pour les personnages.
La caméra navigue entre les personnages et les situations de façon plutôt gracieuse et fluide, nous retranscrivant avec aisance le malaise naissant entre les septs ami.e.s. La photographie se fait plus sombre et la réalisation plus brute. L’intrigue avance tout comme la détestation entre les personnages grandit.
On aurait imaginé une fin à la Carnage, mais le film préfère une douce amère qui a laissé The Watcher sur sa faim. Par une habile référence à un des gros cartons du cinéma américain de ces dernières années, le film s’autorise à questionner le bien-fondé de la transparence totale entre ami.es, laissant encore plus de questions en suspens que l’on en avait au départ. Difficile de dire si nous avons été réellement surpris par l’issue du film. Certes le twist final est un choix étonnant, voire pour certain carrément frustrant, mais la banalité des situations décrites ne viennent pas bouleverser le spectateur, même occidental. Tout au plus peut-on mieux apprécier l’art du jeu des comédiens et la cuisine typiquement coréenne.
Si vous ne connaissez rien à la Corée, ni au cinéma coréen, Intimate Strangers est une bonne mise en bouche pour comprendre la vie coréenne contemporaine (vous pouvez aussi regarder Misaeng, excellent drama sur le monde du travail). De même, si vous ne connaissez du cinéma coréen que les Park Chan-wook et autre Bong Joon-ho, Intimate Strangers est une agréable exception dans les productions habituellement diffusées en Europe, un peu comme Miss and Mrs Cops (en moins fendard cependant).
Doc Aeryn & The Watcher
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