Le titre est presque trompeur. First Love raconte la première nuit de deux amoureux, nuit qui pourrait être fleur bleue si elle ne se résumait à se faire courser par toute une clique de mafieux, flots de sang et déchirures d’entrailles au programme. Il faut dire qu’une histoire d’amour réalisée par Takashi Miike, ça s’accompagne forcément de quelques membres coupés. Réalisateur très prolifique depuis les années 90 (presque une centaine de films à son actif), Miike a su imposer son œuvre qui verse autant dans la violence provocatrice que dans la comédie. D’abord par le biais du V-cinéma (films sortis directement en vidéo au Japon) puis sur grand écran, on le connaît surtout pour ses films de Yakuza où il dépeint une violence loufoque et sans tabous (Les affranchis de Shinjuku, Dead or Alive, Ichi the killer). Miike semble s’être fait plaisir avec First Love, qui mélange sans ménagement la romance adolescente et le film de baston riche en hémoglobine.
Leo, un jeune boxeur qui n’a plus que quelques jours à vivre, croise brutalement la route de Monica, esclave d’un couple de malfrats pour rembourser les dettes de son père. Un peu à la True Romance (Tony Scott, 1993), le jeune homme au coeur pur décide de s’enfuir avec elle. Sans savoir que Monica est le jouet d’une combine secrète au sein d’un clan Yakuza, et que la mafia chinoise ne va pas tarder à se mêler à l’affaire… Les pauvres amoureux vont passer la nuit la plus épique de leur vie.
Présenté à la quinzaine des réalisateurs de Cannes cette année, l’idée de First Love était de sortir au cinéma un film du style V-cinéma. Si Miike dit ne pas s’être pris la tête lors de la réalisation, qui n’a d’ailleurs pas bénéficié d’un gros budget, le résultat est une œuvre délicieusement foutraque et parodique, avec quelques touches d’émotion. Miike s’amuse avec les codes des genres pour tromper nos attentes, avec une affiche et un casting décalés (Pour jouer Leo, Miike a choisi Masataka Kubota, l’idole des ados, soucieux que les jeunes découvrent (accidentellement) des films de Yakuza). Tout le film verse ainsi dans l’inattendu, mixant burlesque, horreur, comédie et combats épiques. Il y a même de l’animation, dans la séquence la plus grandiose du film, qu’il aurait été difficile de tourner en prise de vues réelles…
Ce côté décalé se retrouve aussi dans les dialogues qui jouent sur les quiproquos, une des meilleures idées du film. Comme il est question d’une conspiration au sein des Yakuza, les personnages ne savent pas toujours qui est qui, et cela amène des scènes hilarantes de méprises ou de mensonges téléphoniques, servies par des acteurs excellents, notamment Shôta Sometani qui jure comme personne. Ce second degré s’accorde à merveille avec le scénario du film, qui paraît au départ complexe mais part petit à petit en vrille, pour dérapper en grosse baston générale. On sent un réalisateur qui a envie de s’amuser, et on ne boude pas notre plaisir.
Mais le film de Miike dévoile aussi, entre deux séquences de grand guignol parodiques, une réelle émotion. Si le second degré nous laisse avec des personnages un peu lisses, Monica, toxicomane hantée par son père, ancre le film dans quelque chose de plus vrai. On a ainsi droit à quelques séquences virtuoses, telles que l’hallucination d’un fantôme qui sort d’un drap, ou encore une course poursuite nocturne « enfumée »… Dommage finalement que son personnage n’ait pas une plus grande place dans le film. C’est le seul reproche que je fais a First Love : le parti pris parodique donne des rôles féminins clichés. Les femmes sont soit des hystériques, soit des êtres vulnérables qu’il faut protéger, une idée qu’on retrouve beaucoup dans les mangas shonen qui ont certainement nourri l’univers du film.
Malgré ce mauvais point, ce film mérite amplement le détour, ne serait-ce que pour l’audace créatrice de Miike et le divertissement plus que garanti.
Bande annonce youtube en sous titré anglais :
Stella
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