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Braquer Poitiers de Claude Schmitz

Braquer Poitiers de Claude Schmitz, avecWilfrid Ameuille, Francis Soetens, Thomas Depas, Lucie Guien, Hélène Bressiant, Marc Barbé, Olivier Zanotti, Bilal Aya. Distribué par Capricci Films – Production : Les films de l’Autre Cougar – En coproduction avec Le Fresnoy – Studio National des Arts contemporains. Producteur associé Chevaldeuxtrois

Braquer Poitiers est le premier film à avoir été sélectionné pour la compétition officielle du Fifigrot. Et quand on voit l’improbabilité du projet, on comprend en quoi il a séduit le festival de Groland. Imaginez plutôt : un film sans script ni scénario, avec des acteurs qui improvisent en permanence, le tout porté par un budget dérisoire. Tout était propice à l’échec. Et pourtant, Braquer Poitiers s’impose comme une des créations les plus intéressantes du festival Grolandais. 

Un pari osé 

Le début du projet a de quoi faire sourire. On dirait presque une blague : alors que Claude Schmitz, le réalisateur, tourne un film dans la région de Poitiers, Wilfrid Ameuille, directeur d’une station de car wash, lui propose de venir faire un film dans sa propriété non loin. En blaguant, le cinéaste accepte, à condition que Wilfrid lui même joue dedans. Le projet est ainsi lancé : le temps de réunir une équipe de comédiens (Francis Soetens, Thomas Depas, Hélène Bressiant, Lucie Guien) et Braquer Poitiers naît, sans script, sans scénario, seulement tenu par un prétexte scénaristique : Une bande de voyous bras cassés braquent Wilfrid Ameuille pour lui voler l’argent du car wash. Contre toute attente, Wilfrid accepte le braquage et leur présence dans sa demeure.

© Allociné

Le projet a donné lieu à un moyen métrage de 59 minutes déjà applaudi en festivals, mais l’aventure ne s’arrête pas là. Riche de cette première création, Claude Schmitz a décidé d’enrichir son projet et d’aller quérir des producteurs pour faire de son moyen métrage un long métrage. L’idée : raconter la suite de cette aventure, et “accoler” un nouveau moyen métrage à celui déjà existant afin de boucler la boucle. 

Une ambiance nostalgique

Si je m’attarde autant sur la genèse du film, c’est parce que sa singularité vient, à mon sens, à l’origine de son ambiance si particulière. Lorsque l’on regarde Braquer Poitiers, on a parfois l’impression de plonger dans de vieilles vidéos de vacances retrouvées dans les cartons au grenier. Le format, du 4:3 tourné à la pellicule, augmente cette impression nostalgique. S’en dégage une atmosphère estivale, presque irréelle, où l’on a l’impression de suivre une bande de potes. Mieux : on a l’impression de déjà les connaître et d’éprouver pour eux une sympathie sans borne. Impression renforcée par la caméra immersive, très proche de ses personnages.

© Allociné

Perdus dans un bled paumé, au milieu d’une ancienne ferme et avec un aspect presque naturaliste, Braquer Poitiers sent une ambiance camphrée et diaphane sans pour autant être ringard, rétro ou passéiste. Le choix des comédiens, pour la plupart non professionnels à part les deux personnages féminins, donne une grande sincérité au film. On a l’impression de suivre une bande de potes qui s’éclate avec naturel plus que des acteurs en train d’incarner en rôle, et cette impression est très agréable. 

Un film humaniste ? 

Avec cette volonté de filmer ses sujets en impro, au plus naturel possible, le film a un aspect profondément empathique avec ses personnages. Cette bande de bandits de grand chemin au grand coeur, et ce Wilfrid poète et solitaire, sont autant de déclaration d’amour à toute l’absurdité et la beauté de la condition humaine. Une impression renforcée par le fait que les personnages pourraient être des caricatures : les deux cagoles à l’accent marqué, les deux belges loosers et paumés… Mais la manière très humaine de filmer l’ensemble fait que le film ne vire jamais à la moquerie gratuite. 

© Allociné

Si Braquer Poitiers débute comme une farce avec le ton adéquat (scènes absurdes, comédie appuyée, blagues potaches), la seconde partie est beaucoup plus sérieuse. Elle se situe quelques mois après la fin du tournage. Wilfrid Ameuille y évoque le vide laissé par l’équipe une fois le tournage terminé. Finie la diégèse, le film brise le quatrième mur, les comédiens ne jouent plus un rôle. Ils redeviennent des acteurs qui parlent de leur travail, des humains qui parlent des conditions de tournage, et le film prend un tournant quasi – documentaire où chaque protagoniste revient faire une apparition pour évoquer son rapport au film.  Le plan final, qui se termine après la lecture d’un poème écrit par Wilfrid lui même, est d’ailleurs très touchant, jusqu’à, chose étonnante étant donné le départ du film, tirer des larmes. 

Que retenir de ce film alors ? Un projet fou, tenu et réussi. Un film qui reste cohérent, plaisant à suivre et lourd de sens. Des comédiens, professionnels ou non, qui respirent l’authenticité et un amusement sincère devant la caméra. Un film, enfin, comme vous n’en verrez pas d’autres, totalement libre, improbable, déroutant, et à voir absolument.

Dolores

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