Diffusion d’un fantasme anthropocentrique ambivalent.
En toute honnêteté, la « fiction préhistorique » n’a jamais suscité un très grand intérêt chez moi. C’est dans le cadre d’un dossier à rendre pour ma licence que j’ai pu faire connaissance avec La guerre du feu (1981) et ses petits compagnons. Aucun de ces films n’a trouvé grâce à mes yeux, ni par le fond, ni par la forme. La préhistoire au cinéma n’a clairement pas donné lieu à une profusion de chef-d’œuvres. Cette chronique pourrait tourner court s’il était certain que la fiction préhistorique n’ait eu comme « ambition » que le simple éveil d’un intérêt pour cette période chez le spectateur. Seulement au fil de divers visionnages, m’est apparue une forte tendance pour le parti pris dans la manière de représenter l’Homme préhistorique. Deux portraits sont récurrents :
1) L’homo attardus : un incroyable bourrin qui se donne des coups de massue sur le crâne.
2) L’homo introspectus : la vie, la mort, le bien, le mal, qui suis-je ?
La guerre du feu, de Jean-Jacques Annaud (1981) et Ao le dernier Neandertal, réalisé par Jacques Malaterre (L’odyssée de l’espèce, Homo sapiens) en 2010, serviront d’exemples. Ao sera notre homo introspectus, son personnage est clairement le réceptacle d’une fervente volonté : celle de détruire le Neandertal peu éclairé très présent dans l’imaginaire collectif.
Dans un souci de vraisemblance, Malaterre s’est référé à Marylène Patou-Mathis, spécialiste de Neandertal, dont elle est la grande justicière. Sauf qu’ils n’y sont pas allés de main morte, les deux comparses. Dès le début du film, tu la renifles, la petite propagande pas très scientifique. Contexte : Joyeuse bagarre entre Ao et quelques homos sapiens, Ao s’apprête à refroidir un de ses adversaires, pourtant, ses principes moraux l’en empêchent. Voici la pensée de notre héros à cet instant précis : « Tu es le mal, longue face. Qui retient ma main ? Mon cœur refuse de prendre la vie. La vie des autres, la vie des Hommes. » Le mal. Le MAL. Que Neandertal ait été éventuellement doué d’empathie n’implique pas qu’il prenait l’apéro avec Mani, Platon et Nietzsche le samedi soir. Alors, je peux comprendre la démarche du réalisateur, ainsi que son intention. Mais elle n’est pas mise en œuvre de façon très subtile, ce qui la décrédibilise totalement. Le film est vraiment manichéen, d’un côté il y a Ao, le Neandertal altruiste, et de l’autre se trouve Sapiens, tueur cruel et sanguinaire. Mais quel besoin d’insuffler des principes quasi judéo-chrétiens à ce gaillard d’il y a 30 000 ans ? Rendez le vegan par la même occasion, l’épisode du « tu ne tueras point » n’était pas suffisamment crédible. Pourtant si Ao refuse de tuer (parce que tuer ce n’est pas sympathique), kidnapper un bébé ne lui pose apparemment aucun problème. Logique.
Et puis, à l’opposé de Ao le dernier Neandertal, se trouvent les trois héros de La guerre du feu, trois spécimens parfaits d’homo attardus : ils salivent devant la proie gambadant au loin, produisent des sons dignes du chimpanzé, le regard vide. Quant à leur démarche, elle n’est pas très…élégante ? Bien que la bipédie ait plusieurs millions d’années. (La guerre du feu se passe il y a 80 000 ans). Le portrait de l’imbécile des cavernes est tout de même bien plus fréquent que celui du Neandertal Peace and Love. Si Annaud le bestialise, Malaterre le ridiculise. En somme, messieurs vous auriez mieux fait de vous abstenir.
Conclusion ? La préhistoire au cinéma est très mal traitée, très clichée, très biaisée, et très ennuyeuse. Mon petit doigt me dit que le prochain sur la liste, à savoir The Solutrean dont la sortie est prévue pour 2017, ne va pas déroger à la tradition.
La cinéfolle.
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