Lady Bird, écrit et réalisé par Greta Gerwig (2018)

https://a24films.com/films/lady-bird

Entre un père bienveillant mais dépressif, un frère indifférent et une mère stricte et terre à terre, Christine est en pleine crise d’adolescence. Elle revendique presque arrogamment une certaine supériorité, en tout cas elle veut être considérée différemment. Elle se donne alors un surnom : Lady Bird (coccinelle en anglais, d’où les cheveux rouges).

Malgré une famille aux revenus très modestes, Christine a un objectif bien défini : celui de quitter enfin sa petite ville de Californie (Sacramento) et d’intégrer une université prestigieuse à New York. Mais le système américain est injuste et sévère et ne permet qu’aux élèves brillants d’acquérir une bourse qui permet de faire des études après le lycée. Et parfois même grâce à une bourse, les coûts des universités dans une ville comme New York sont peu accessibles pour une famille de la classe moyenne.

Christine est envieuse de ceux qui ont de l’argent. Elle parvient à s’intégrer au monde des riches par différents moyens, que ce soit en sortant avec un garçon de son cours de théâtre ou en appréciant hypocritement l’une de ses camarades insupportable. Elle se détachera peu à peu de sa famille, entretenant avec sa mère des rapports difficiles.

Mêlant espoir et convictions, religion et sexualité, humour et émotions, Lady Bird est une jolie réussite. C’est le premier film en solo de Greta Gerwig, après un long métrage indépendant, Nights and Weekends, co-réalisé avec Joe Swanberg en 2008.

Se plaçant derrière la caméra, l’actrice de Greenberg (Noah Baumbach, 2010) ou de To Rome with Love (Woody Allen, 2012) nous prouve ses talents de scénariste et réalisatrice.

La performance de Saoirse Ronan est parfaite, fidèle et juste dans la peau de personnages d’adolescentes déjà abordés dans The Lovely Bones (Peter Jackson, 2009) ou bien l’excellent How I live Now (Kevin Macdonald, 2013). 

On retiendra aussi l’agréable découverte du jeune acteur Timothée Chalamet, révélé dans Call Me By Your Name de Luca Guadagnino (2017).

De gauche à droite, Timothée Chalamet, Saoirse Ronan et Greta Gerwig
https://noticias.bol.uol.com.br/ultimas-noticias/entretenimento/2018/01/29/diretora-indicada-ao-oscar-aconselhou-ator-sobre-como-lidar-com-woody-allen.htm

Un excellent teenage movie

Dans la lignée de The Perks of Being a Wallflower (Stephen Chbosky, 2012), avec une touche de Skins, la série populaire britannique (2007-2013), Lady Bird est un film sur l’adolescence et sur les doutes et la crise identitaire que cette période de la vie apporte. Mais là où Lady Bird est surprenant, c’est qu’il parvient à la fois à toucher le public des 14-17 ans mais aussi les adultes. Les rapports familiaux sont d’une sincérité particulière et chaque personnage nous touche dans ce qu’il a à raconter ou dans ce qu’il ressent. Ainsi, le personnage de Christine est aussi bien développé que celui de sa mère par exemple, interprétée par Laurie Metcalf. De même aussi pour le petit ami de Christine au début du film ou bien sa meilleure amie, Julie, adorable et timide, qui contrebalance parfaitement avec le caractère fort et présomptueux de Christine. Les personnages secondaires ont la même importance que le personnage principal et c’est une forme d’écriture du personnage qui se fait rare et qui est tout à fait épatante.

https://www.traileraddict.com/lady-bird/red-band-tv-spot-playgirl

Religion et sexualité croisent humour et légèreté

Christine est élève dans un lycée privé chrétien. Uniforme obligatoire et messe avant les cours, on pourrait croire que le film s’embarque dans une ambiance lourde et protocolaire. Mais loin de vouloir montrer ce côté rigide et puritain, le film aborde plutôt la religion avec désinvolture et audace, semblable en tous points à la personnalité du personnage principal. Christine sèche les cours, fume, mange des hosties comme des chips directement dans le bocal et n’hésite pas à faire des blagues aux bonnes sœurs (l’épisode de la voiture par exemple). Mais cela sans pour autant renier sa foi. Ce qu’elle désire simplement, c’est qu’on lui foute la paix et la religion est pour elle trop cantonnée dans des principes qui la dépassent. L’humour prend le dessus grâce à des dialogues percutants, énoncés sans retenue, construits au gré des impulsions et des humeurs de Christine.

L’adolescence, c’est aussi le moment des premiers amours, des premiers rapports et souvent des premières déceptions. Christine expérimente tout cela avec la naïveté des jeunes filles de son âge, contrairement à ce qu’elle veut laisser paraître. Dès que la sexualité est abordée, le spectateur n’est pas à l’abri d’entendre une réplique tranchante qui romprait avec la nervosité ambiante. La réalisatrice relâche toute pression à la fois chez le personnage et chez le spectateur en ayant recours au comique de situation.

Les séquences s’enchaînent ainsi, toutes plus décalées les unes que les autres comme par exemple, Christine qui saute de la voiture en marche juste parce qu’elle en a marre que sa mère lui fasse la morale, ou bien les cours de comédie musicale qui sont donnés par le coach sportif du lycée. Le film nous amuse continuellement et nous porte ainsi vers le « grand final », là où l’émotion prend le dessus et que tout redevient réel et bouleversant.

http://www.latimes.com/entertainment/movies/la-ca-mn-timothee-chalamet-call-me-by-your-name-20171116-story.html

Une plongée émotionnelle dans le monde adulte

Un film sur l’adolescence engendre forcément la volonté de raconter le passage de l’enfance à l’âge adulte. Christine est tiraillée entre ses ambitions, ce qu’elle veut devenir et ce qu’elle est dans la mesure de réaliser par ses faibles moyens. Sa mère est un obstacle, beaucoup trop mêlée à la réalité des choses et du monde pour envisager les lubies et les rêves de sa fille. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si la réalisatrice a choisi que la mère soit médecin, métaphore intelligente pour souligner le côté très « concret » du rapport au travail et à la vie en général qui ne laisse pas place aux rêves et aux idéaux hors de portée.

Mais Christine lui tient tête. Même si elle n’a pas entièrement conscience de ce qu’elle veut (qui peut savoir cela à 17 ans ?), elle sait ce qu’elle ne veut pas. Elle ne supporte pas l’idée de ne pas partir loin de cette ville qu’elle a toujours connue. L’envie d’ailleurs est trop grande, la curiosité est trop forte. Elle ne peut se résigner à aller dans une université à seulement quelques kilomètres de là où vit sa famille. Elle veut partir pour pouvoir leur prouver qu’elle peut se débrouiller seule. C’est une forme de reconnaissance et de confiance qu’elle cherche, auprès de sa mère surtout. Le film est prodigieux car il arrive à montrer, avec la sincérité de jeu de Saoirse Ronan, une confiance en soi qui ne peut être qu’inspirante auprès des jeunes générations. Et à la fois, il manifeste le point de vue de la mère qui a peur de laisser partir sa fille, de la laisser être livrée à elle-même dans une des plus grandes villes du monde, de réaliser qu’elle n’a plus besoin d’elle après tout.

http://www.leedsinspired.co.uk/events/lady-bird

Des personnages secondaires touchants, une mise en scène intelligente et drôle, un premier rôle féminin qui mérite sa nomination aux Oscars…

Lady Bird est un film à ne pas manquer si vous aimez être baignés dans la culture américaine dans ce qu’elle a de plus authentique et attrayante. On en ressort bouleversés et attendris.

Un feel good movie, tout simplement.

Marilou Perreau

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *