L’amour c’est mieux que la vie : Interview de Claude Lelouch, Sandrine Bonnaire et Kev Adams

A l’occasion de la sortie de son dernier long-métrage, nous avons rencontré Claude Lelouch et une partie de son équipe rassemblé pour l’occasion. Vous pourrez retrouver la critique du film ici.

De gauche à droite : Gérard Darmon, Philippe Lellouche, Ary Abittan, Kev Adams et Sandrine Bonnaire. © Metropolitan Filmexport

Quelle est l’idée derrière le film ?

Claude Lelouch : Je suis un réalisateur qui a fait 50 films basés sur des observations. Je suis un reporter de la vie. J’ai une fascination pour le genre humain. Je fais des films pour partager mes observations au travers de mes images et de mes histoires. Ce film est un au revoir en chantant. Le film parle de mes certitudes, l’amour c’est l’aristocratie. Pour moi c’est bientôt la fin du chemin, alors l’histoire me parle, j’ai toujours pensé que l’amour était mieux que la vie. J’ai donc cherché à raconter une dernière histoire d’amour.

[NDLR] Le réalisateur continue sa réflexion sur le sujet, en nous donnant une vision très optimiste du monde qui l’entoure ; “Toutes les catastrophes donnent des leçons”, indique-t-il, en ajoutant que c’est après une mauvaise passe que les individus grandissent, que ce sont les désastres qui nous font grandir. Il insiste aussi sur le fait que ce film est un hommage aux trois mousquetaires, et aussi une sorte de réécriture moderne de Roméo et Juliette. Le film a pour vocation de brasser tous les âges pour qu’il puisse intéresser toutes les générations.

Qu’est ce que c’est de travailler avec un réalisateur comme Claude Lelouch ?

Sandrine Bonnaire : Travailler avec lui c’est formidable, il nous donne une ligne de conduite tout en nous rendant responsable. Il nous donne des libertés, c’est comme une mise à nu pour l’acteur. Claude Lelouch cherche à montrer ce qu’il y a derrière l’acteur, l’humain qui se trouve derrière.

Kev Adams : Claude Lelouch est le seul réalisateur qui fait appel à toutes sortes d’acteurs. Que ce soit un acteur venant d’un cinéma populaire ou d’un cinéma oscarisable. C’est le seul réalisateur où on peut trouver Eric Dupont-Moretti, Jean Dujardin et Jean-Marie Bigard dans le même film. C’est le seul réalisateur qui offre la chance à des acteurs qui viennent d’un certain cinéma populaire.

Vous faites beaucoup de prises pour vos scènes ?

Claude Lelouch : Le progrès au numérique nous permet de filmer pendant de longues minutes sans cut, on peut facilement filmer 20 minutes sans couper la caméra. Au sein de la même prise on peut refaire la même scène plusieurs fois, donner des indications aux acteurs sur la trajectoire à prendre dans la scène. Cette pratique-là de ne pas couper la caméra et de tout remodeler durant le montage permet une plus grande liberté à l’acteur, pour moi le film se passe au présent. Durant l’acte sexuel, je jouis au présent, je ne peux pas le garder pour le lendemain, le mettre au frigo et en prendre une part demain (rires). Dans mon cinéma à moi, cela prend son sens, c’est l’authenticité qui prévaut. Dans le film, certaines scènes ont été portées par des initiatives d’acteurs et je trouve que ce sont les plus belles. Si on prend le cinéma d’Hitchcock avec un scénario bien ficelé, cette technique ne peut pas marcher, mais pour un cinéma comme le mien je pense que c’est le mieux.

Claude Lellouche sur le tournage du film. © Metropolitan Filmexport

C’est pour avoir un plus grand rapprochement avec la vérité que les acteurs portent le même prénom que leurs personnages ?

Claude Lelouch : Le prénom de mes personnages est souvent le même que celui des acteurs parce que je souhaite une proximité entre ceux-ci. En leur donnant un prénom différent, en créant une nouvelle personne, je crée une nouvelle personne. Hors je vais chercher mes acteurs par rapport aux personnages que j’écris. Ce ne sont pas eux qui se conforment à mon écriture.

Kev Adams, comment avez-vous ressenti le fait qu’on vous appelle pour un film de Claude Lelouch ?

Kev Adams : On ne m’a pas proposé, Claude m’a directement appelé. Il m’a proposé de le rejoindre dans le projet, je lui ai demandé de lire le script – je l’ai toujours pas lu – et il m’a demandé si je lui faisais confiance, j’ai donc rejoint le film parce que je savais qu’il m’apprendrait beaucoup de choses. Je pense que dans la vie, il y a des moments où il faut parler et d’autres où il faut écouter, comme on est tous les deux des personnes curieuses, je vais souvent dans son bureau pour parler avec lui, l’écouter sur ce qu’il peut m’apporter. C’est un honneur de travailler avec un réalisateur qui a obtenu deux oscars, un cinéaste qui a inspiré Hollywood. Je pense qu’il m’a appris beaucoup de choses, quand j’ai vu la projection du film, j’étais presque gêné de me voir à l’écran, tellement il avait permis à mon personnage d’avoir une sincérité aussi grande. Le duo avec Gérard Darmon, le duo père-fils, fonctionne très bien parce qu’on est sous la direction de Claude.

L’idée du bien et du mal est souvent évoquée dans votre film, pourquoi ?

Claude Lelouch : Le bien et le mal sont partout, c’est le mal qui crée le bien. Comme je l’ai dit précédemment, les catastrophes nous permettent d’apprendre des leçons et d’évoluer. Dans le film, Dieu et le Diable dansent ensemble. On est tous le dieu et le diable de quelqu’un. On peut faire le plus grand bien à quelqu’un tout en faisant du mal à d’autres. J’ai pour volonté de filmer des héros de la vie avec leurs qualités et leurs défauts.

Vous dites que le diable ne peut être qu’une femme, pourquoi ?

Claude Lelouch : Dieu peut être ambisexuel, c’est-à-dire qu’il peut être un homme mais aussi être une femme. Le diable en revanche ne peut être qu’une femme, parce que les femmes sont des hommes réussis. Je pense qu’être une femme est la catharsis du monde. Je ne crois pas à la réincarnation, mais je pense qu’on a plusieurs vies. On nait tous hommes, et au fur et à mesure de nos vies d’hommes on grandit, on passe par une période d’homosexualité évidente avant de passer dans une vie de femme. La vie de femme est la finalité. C’est pour cela que le diable ne peut être qu’une femme.

La musique a une grande importance dans le film, pourquoi ce choix ?

Claude Lelouch : Dans ce film-là, la musique est un véritable personnage, elle apporte son histoire au récit. La musique est mon médicament.

Pourquoi avoir choisi de faire des échos à vos autres films dans celui-ci ?

Claude Lelouch : Dans cette dernière trilogie, j’ai le souhait de faire une grande reconstitution de famille. La suite vous réserve beaucoup de surprises.

Vous prévoyez de tourner la suite quand ?

Claude Lelouch : Pour le deuxième film, le tournage est censé prendre place en juin 2022, pour profiter de la lumière estivale. Le deuxième opus devrait être beaucoup plus lumineux. Pour le dernier film, je pense le tourner vers les fêtes de Noël, un tournage en hiver pour clôturer.

Un mot pour finir ?

Claude Lelouch : Un film peut changer le monde, si un film fonctionne il touche 10 % de la population, il faut toucher les 90 autres.

Merci à Claude Lelouch, Sandrine Bonnaire et à Kev Adams d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer pour parler du film. Merci au distributeur du film qui a permis cela et merci au Cinéma Gaumont Wilson pour la participation à l’évènement et pour l’invitation.

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