petitprince

L’envol d’un Prince pas comme les autres ; chronique sur la mort d’un messie de la culture

I Want To Break Free !

Tandis que les combats faisaient rage en Europe, un petit livre traitant d’un petit homme sortait dans les librairies. Comme l’effet d’une éclosion de rose, il resplendissait dans ce monde meurtri par les atrocités dont il était témoin. Un livre d’une centaine de pages, qui en un battement d’ailes, fit frissonner d’une vive chaleur le cœur de ses lecteurs. L’histoire nous conte la rencontre entre un aviateur et un petit être venu des étoiles. Derrière une trouvaille on ne peut plus ordinaire, c’est la question de l’innocence qui se joue. Le récit nous donne à voir un trajet :  celui d’un enfant qui rencontre pour la première fois le monde. Comme à la fin de chaque itinéraire humain, c’est la mort qui attend notre protagoniste. Durant son voyage à travers la condition humaine, le Petit Prince se rend compte que la rose qui se trouve sur sa planète est spéciale à ses yeux, qu’elle est celle qu’il aime. C’est pour cela qu’il demandera au serpent de l’envoyer une nouvelle fois vers les étoiles. 

https://ascreations.ch/produit/le-petit-prince/

© AS’Créations

Si le Petit Prince porte un intérêt particulier depuis le début du roman à son retour futur sur sa planète, le récit nous dépeint un personnage en quête d’un but. En effet, quand celui-ci raconte son périple, la volonté d’y retourner n’est jamais évoquée. Néanmoins, c’est une fois arrivé sur Terre, là où commence l’histoire, que cette question est soulevée par une phrase : « Dessine-moi un mouton ». Cette requête est lancée pour préserver sa planète de l’invasion. C’est son contact avec Renard qui lui rendra l’envie de rentrer chez lui. En retournant vers les étoiles, Le Petit Prince est devenu une figure de l’humanité. C’est en se sacrifiant qu’il prouve que même s’il n’appartient pas à celle-ci, il fait preuve du sentiment le plus humain : l’amour.

Forever Young, I  Want To Be Forever Young!

Dans la culture populaire, on voit souvent les individus n’appartenant pas à l’humanité dépeints comme des individus dangereux, avec comme seul but d’exterminer la race humaine. Néanmoins, certaines œuvres mettent en avant des personnes venant d’un ailleurs, ou des personnes de pure construction venues pour questionner le monde sur ce qu’est l’humanité. En 1991, sort sur nos écrans Terminator 2 ; là où le premier opus dépeint une entité robotique créée par l’homme qui revient dans le passé pour mater toute résistance dans le futur, le deuxième nous offre à voir un robot revenant dans le passé pour cette fois-ci sauver le futur de l’humanité. Au fur et à mesure que l’histoire avance, le robot devient de plus en plus humain, jusqu’à même se confondre avec un enfant qui découvre le monde. Cette essence, Disney l’a très bien comprise, en donnant la parole à Pinocchio, ils nous montrent que l’humanité est une chose qui s’obtient. Encore aujourd’hui, le studio continue à pousser cette réflexion :  BayMax n’est qu’un Petit Prince moderne, offrant aux petits comme aux grands un nouveau mot d’ordre : « Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ».  En juillet 2017, sort sur nos écrans une tendre histoire parlant du sujet difficile qu’est la mort nommée Je veux manger ton pancréas” Comme une réécriture moderne du Petit Prince, ce petit film nous offre un testament d’une beauté sans pareille. Le Petit Prince est ici interprété par Sakura, une jeune adolescente atteinte d’une grave maladie au pancréas. Tout le long du film, celle-ci s’efforcera de donner une raison de vivre à Haruki ainsi que de lui donner l’envie de se rapprocher des autres. Ce n’est qu’après sa mort que le jeune homme trouvera la force d’aller vers autrui. Comme un magnifique don, ce Petit Prince moderne offre à ce mouton un testament et un héritage aussi pur que tendre.

https://www.pinterest.fr/pin/858498747687928606/

© Pinterest

Mon Fils Ma Bataille !

C’est alors que le « Dessine-moi un mouton » résonne d’une autre manière. Et si le Petit Prince ne cherchait pas à avoir un nouveau compagnon sur sa planète, mais quelqu’un pour veiller sur elle quand il ne sera pas là, une fois qu’il ne sera plus de ce monde ? Et si la boîte qui entoure le mouton prenait tout son sens ? Et si celle-ci était une référence biblique, comme un « Tu ne tueras point » ? Le mouton serait alors le témoin du dernier acte d’un messie. Il donnera au mouton alors son héritage, celui d’un être divin donnant son humanité à son prochain pour qu’il guide le monde en son absence. Le mouton n’est pas le seul animal herbivore, c’est d’autant plus indicateur alors pour le Petit Prince de demander cet animal en particulier. Sachant qu’il ne serait pas de la partie pour le voyage retour, le Petit Prince nous offre une référence biblique comme espoir.

https://www.artmajeur.com/fr/florincomanart/artworks/13448747/le-petit-prince

© Artmajeur

Et si l’image du mouton était le reflet de l’engagement militaire de Saint-Exupéry ? Un peu avant sa mort tragique durant la Seconde Guerre mondiale, Saint-Exupéry s’enrôle dans l’armée de l’air pour servir son pays. Il choisira cependant une voie loin de toute violence, restant profondément pacifiste. Le choix de rejoindre l’armée n’est poussé que  par sa conviction patriote : il choisira alors d’opérer dans le ravitaillement. Pour respecter ses principes, il prend alors la décision de rejoindre une division qui, au lieu d’apporter la mort, est celle qui délivre la vie. À l’image d’un certain Desmond Doss, Saint-Exupéry fait le choix de montrer que la vie peut être délivrée sur un champ de bataille.

Le Petit Prince se sacrifie pour faire de nous des personnes meilleures, il s’élève pour nous montrer la beauté de ce monde. La mort du Petit Prince, c’est la renaissance du monde libre.

Wake Me Up, Before You Go-Go!

Il était une fois une fable magnifique qui commençait par la rencontre de deux individus. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai parcouru ces pages, ces belles aquarelles. Quand j’ai poussé les portes de ce petit roman, je ne pensais pas tomber dans un monde aussi grand et vaste. Je me suis demandé comment un éléphant dans un boa pouvait être aussi grand de sens, comment un simple dessin pouvait signifier tant de choses. Un dessin pour distinguer les adultes des enfants. Une sorte de test de rorschach pour sonder l’innocence de chacun d’entre nous. L’histoire nous conte la rencontre entre un aviateur et un petit être venu des étoiles. Des fois, je m’étends dans l’herbe et je regarde les étoiles. Durant ces moments là, mon cœur traverse la galaxie pour aller se loger sur un petit astéroïde qui porte le matricule B-612. Quand mes yeux se posent sur cet infini, je ne rêve que d’une chose : que le jour où l’avion de Saint-Exupéry s’est fait abattre dans les airs, il se soit écrasé dans un désert vierge de vie dans lequel il aurait de nouveau rencontré son Petit Prince, et qu’il l’ait cette fois-ci suivi sur sa petite planète entourée de baobabs. Je rêve que ce grand Prince ait rejoint sa deuxième moitié là-haut dans les étoiles. Saint-Exupéry était un grand homme, parlant comme un enfant. Ses mots simples et innocents ont touché un monde frappé par la guerre. Il a montré à un monde en proie aux flammes ce que c’est que de rêver, ce que c’est que la liberté. Il a offert à un monde en reconstruction une rose vers la liberté.

Comments are closed.