L’Ombre d’un mensonge est le cinquième film de Bouli Lanners, sorti en mars 2022.
Bouli Lanners était à l’American Cosmograph, à Toulouse, le dimanche 13 mars, pour le présenter en avant-première.
Le film se déroule sur l’île écossaise de Lewis, où Phil – Bouli Lanners, homme de la cinquantaine, s’est exilé. Il vit en tant qu’étranger dans cette communauté presbytérienne mais s’y intègre bien.
Un jour il est victime d’un AVC, qui le rend complètement amnésique. À son retour de l’hôpital, la fille du fermier pour qui il travaille, Millie – Michelle Fairley, l’accompagne dans ses premiers pas, et surtout lui fait croire qu’ils étaient en couple avant son accident…
Une histoire d’amour dans un lieu hors du temps
L’île de Lewis est un lieu très cher aux yeux du réalisateur belge, qui passe des mois en Écosse depuis 30 ans. Il voulait faire un film en Écosse, dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle.
Quand Bouli Lanners a commencé à se plonger dans la création de son histoire, il avait l’intention de faire un thriller, d’où le personnage amnésique, motif efficace des histoires à suspense… Mais l’endroit et les mœurs lui paraissaient être le cadre idéal pour une romance d’un autre temps, impossible de nos jours. La communauté vivant sur l’île est la branche presbytérienne la plus sévère et conservatrice. Les croyances de celle-ci bannissent le mensonge, nécessaire pour raconter une histoire et par extension, faire un film est interdit. C’est dans cet environnement qu’a grandi Millie, surnommée “la reine des glaces” par les habitants de l’île. Elle a une allure stricte et froide, les autres la critiquent et la plaignent de ne pas être mariée à son âge mûr. Le spectateur s’attend à ce que son mensonge, monté de toute pièce pour lui permettre de connaître l’amour, et surtout péché capital, l’enferme dans la honte et dans une situation dont le dénouement ne peut être heureux.
Un film qui met à l’honneur la bonté des Hommes
Mais le film n’est absolument pas moralisateur, envers personne. Le mensonge n’est pas honteux : il permet d’engendrer le bonheur de deux personnes. C’est une vision tellement agréable de la vie : on accueille toutes les possibilités pour profiter au maximum de ce que l’existence a à nous offrir.
Et tous les personnages sont gentils. L’économie de paroles dans le film n’est pas synonyme de malheur mais d’une pudeur qui laisse transparaître une autre forme d’amour, s’exprimant par la présence des uns auprès des autres. Le grand-père, propriétaire de la ferme, est un personnage fermé et strict, qui préfère Phil quand il perd la mémoire car il est beaucoup moins bavard… tous sont persuadés qu’il ne les aime pas. Il prononce très peu de phrases tout au long du film, mais une seule suffit à prouver l’amitié que le vieil homme a pour Phil : lors de l’enterrement d’un grand ami à lui, il le remercie d’être là.
Le réalisateur a su nous faire sentir que Phil était à sa place sur cette île, qui l’accueille et lui permet de commencer une nouvelle vie, et cela malgré l’économie de dialogues entre les personnages durant tout le film. Quand Phil dit qu’il ne veut pas repartir car il se sent bien ici, le spectateur le savait déjà, c’était parfaitement perceptible.
Le film est donc un apaisement pour les yeux et les cœurs. Les plans sur les paysages sont pensés comme des peintures, Bouli Lanners se considérant comme peintre avant tout. Et il apporte toujours une importance particulière à la puissance des panoramas.
Le scénario découle de la beauté de l’environnement dans lequel il a passé sept mois et du morceau qu’il écoutait : “Wise Blood”, des Soulsavers, qui lui a donné l’envie d’écrire une histoire d’amour. La musique fusionne avec les images, réglant le montage et accompagnant la douce harmonie qui règne entre les personnages.
La création du film est à l’image de l’histoire qu’il raconte : la genèse est passée de thriller à romance. Bouli Lanners s’est donc laissé guider par l’imprévu, comme cet homme qui par l’amnésie est invité à changer le cours de son existence qui a failli se terminer brusquement et vivre une histoire d’amour imprévue mais remplie de bonheur.
L’amnésie de Phil évince son passé et la raison de sa venue sur l’île pendant un moment, permettant aux spectateurs et aux personnages de se concentrer sur la beauté des sentiments amoureux qu’ils sont en train de vivre.
Un renouvellement du style du cinéaste
Le choix du réalisateur était de montrer des gens “normaux”. Il avait d’abord imaginé Phil comme un jeune italien chétif, mais ce profil n’a jamais vu le jour. Bouli Lanners, par sa personnalité, son âge et son physique, a fini par être celui qui correspondait le mieux au rôle. Il avait une certaine appréhension à l’idée de jouer en anglais et de jouer une histoire d’amour. Mais l’acteur ne s’est pas ridiculisé, ça c’est sûr.
Bouli Lanners s’essaie à un cinéma qui exprime les sentiments plutôt que le manque, comme dans Les premiers et Les derniers. Un film qui se veut plus classique et grand public. Le film est parfaitement orchestré, renouvelant son style tout en lui restant fidèle.