Professor Marston and The Wonder Women

Dans le cadre du 11e festival des films LGBT Des Images aux Mots qui se déroule chaque année à Toulouse, j’ai eu la chance de découvrir ce film en avant-première. C’est l’heure de la critique…

FÉMINISTE ET BOULEVERSANT

Le corset moulant rouge et bleu, le diadème, le lasso, les bracelets pare-balles et les bottes dorées, Lynda Carter et maintenant Gal Gadot dans le film de Patty Jenkins, c’est clair, même en n’ayant jamais ouvert un comics, aujourd’hui, tout le monde connaît Wonder Woman, figure majeure du super-héros au féminin.

Mais le créateur du personnage, c’est qui ? Non, ce n’est pas le studio DC et certainement pas Zack Snyder. Son nom est William Moulton Marston. Angela Robinson lui consacre son dernier film. C’est une réussite, la réalisatrice est parvenue à faire une croix sur ses comédies « nanars » précédentes (D.E.B.S) et parvient, avec ce dernier film, à pouvoir enfin prétendre au statut de metteuse en scène.

L’histoire est racontée en flashbacks, se basant sur le témoignage de Marston en 1945, donné envers les représentants de la CSAA (association dans le but d’étudier et protéger les enfants d’un point de vue moral, mental et physique).  

Dans le contexte des années 1930, le professeur en psychologie William Moulton Marston mène avec sa femme des recherches sur le développement et la manifestation des émotions chez l’être humain. Ils tombent tous deux amoureux d’une jeune étudiante en psychologie et décident de l’utiliser comme assistante, comme « cobaye » afin de mener quelques expériences liées à une nouvelle invention : le détecteur de mensonges.

De son histoire d’amour avec deux femmes, William Marston va en faire naître une troisième. Il crée Wonder Woman, la bande dessinée scandaleuse et féministe. Sa vie inspire l’œuvre, l’œuvre inspire des milliers de jeunes filles à travers les États-Unis, le pays est partagé entre révolte et libération des mœurs.

Entre le jeu d’acteurs à la fois comique et dramatique, la bande originale sublime et efficace et une mise en scène réussie (décors, lumière et costumes offrent des tableaux magnifiques), le film fonctionne complètement en plaçant intimement le spectateur au cœur de ce ménage à trois. Le doute, la peur, la jalousie, le rejet, les personnages passent par une palette d’émotions si variée et tellement perceptible que chaque scène en est frissonnante… de plaisir.

DRÔLE ET ÉROTIQUE

Le film baigne dans un humour fin et pinçant, tout à fait représentatif de l’état d’esprit des personnages qui se veulent libérés et anti-conventionnels par rapport à leur époque. On pourrait croire à un simple film historique sur la création des comics Wonder Woman et les répercussions qu’ils ont eu sur l’opinion publique américaine. Mais ceci n’est qu’en arrière plan, bien qu’énoncé grâce à un montage en flashbacks qui nous dévoile une scène dans laquelle Marston doit faire l’apologie de son œuvre auprès de ceux qui voudraient la condamner.

Le film n’est pas centré sur cet aspect de « scandale médiatique et public » mais plutôt sur ce qui a motivé une telle création, une telle idée au départ. C’est en effet avant tout une histoire d’amour entre un homme et deux femmes, un amour partagé, sincère, complexe et caché. Un film puissant donc, dans la manière qu’il a à révéler avec une sensualité profonde l’évolution dans la représentation du sexe et de la femme au début du XXe siècle.

La mise en scène, bien que simpliste, est rythmée et travaillée. On retiendra du film des scènes marquantes, comme la séquence de l’amphithéâtre où les trois personnages se déguisent et se découvrent pour la première fois, un plan tout en ombres qui ne laisse apparaître qu’une seule et unique forme, comme s’ils ne faisaient plus qu’un, tout cela recouvert par la voix intense de Nina Simone. Ou bien encore l’apparition d’Olive (Bella Heathcote) en tenue de Wonder Woman, une corde enroulée dans son poing, le justaucorps doré et les bottes en cuir jusqu’à mi-cuisses. On notera aussi l’incrustation des bandes dessinées dans le montage, véritable voyage pour le spectateur à travers les premiers dessins colorés et les aventures de notre super-héroïne préférée.

La réalisatrice a voulu dresser le portrait d’un homme qui a accompli une grande œuvre grâce à son respect envers les femmes. Le point fort du film est de montrer le féminisme encore plus profondément par Marston lui-même, par la figure masculine, que par les deux personnages féminins, Elizabeth et Olive.

On pourrait reprocher au film son côté un peu trop mélodramatique dans certaines scènes, des aveux larmoyants sur fond de violons qui rappellent les travers des comédies romantiques américaines. Mais les dialogues restent cohérents et gentillets auxquels on est sensible ou pas.

Wonder Woman, c’était l’image de la femme libre et forte, les prémices d’une révolution sexuelle. En apprendre sur la vie de son créateur n’en est que plus passionnant. Un film osé sur un personnage qui a osé, encore un de ces génies qui a tout donné pour défendre son œuvre. Marston le dit lui-même :

« To you, Wonder Woman is just a comic. But she’s my life. She’s my love. »

Un film qui réchauffe, qui fait à la fois sourire et noue la gorge. Un film qui fait du bien, voilà tout.

Marilou

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