Utoya

Glaçant. Terrible. Inimaginable. Autant de termes tirés du champ lexical de l’horreur qui n’arrivent pourtant pas à cerner un dixième de l’angoisse ressentie devant ce film. Utoya, c’est le récit de ce désormais tristement célèbre massacre perpétré en Norvège par un fanatique d’extrême droite. Un récit haletant. Un récit stressant.

Un représentant de la société de distribution Potemkine Films était présent pour nous introduire le film et décrit Utoya comme un film « à la recherche de la sensation de la vérité”. Le réalisateur Erik Poppe a en effet travaillé avec des associations de victimes de l’attentat pour être le plus respectueux de ces personnes, et pour reconstituer au mieux les sensations qu’elles ont ressenties. Et ça se voit.

Assez proche dans le traitement de l’Elephant de Gus van Sant, Utoya nous plonge au plus près de ce chaos avec une caméra subjective à l’épaule qui devient un personnage actif du film. On est presque dans le domaine du Found Footage tant on a la sensation physique de la présence de ce cameraman muet qui devient une matérialisation de notre corps. Ne manqueraient que quelques lancées de boue en plein visage pour vivre nous-mêmes un syndrome post-traumatique.

Photo: Les chroniques de cliffhanger

Pour autant le film ne se repose pas pour autant uniquement sur cette caméra à l’épaule subjective comme effet esthétique. Le film est un unique long plan-séquence qui laisse voir une vraie maîtrise technique. Une des premières scènes présentes notre héroïne, Kaja, qui s’adresse directement au spectateur en plantant ses yeux dans la caméra, avant que l’on comprenne que cet effet de mise en scène qui briserait la 4e mur vise au contraire à nous inclure encore plus puisque Kaja est en fait au téléphone avec sa mère. Son regard planté dans le nôtre, c’est le regard un peu vague que l’on adresse aux gens que l’on croise quand on est au téléphone. Nous devenons ainsi, à travers ce regard, cette banalité, ce quidam inclus dans le drame. Nous devenons ce corps-caméra. Ces finesses ne font que rendre le travail sur la caméra subjective plus intéressant puisque c’est un vrai argument esthétique et non un choix par défaut ou par facilité, comme c’est parfois le cas avec ce genre de réalisation.

Le massacre est filmé durant 72 minutes en flux ininterrompu. 72 minutes, c’est la durée réelle du massacre. On suit le personnage de Kaja durant un immense plan-séquence de sa fuite en avant perpétuelle et désespérée en quête de sécurité. 72 minutes d’incertitudes. 72 minutes d’espoirs, de regrets, de peurs, de doutes. 72 minutes qui en paraissent le double. 

Viscéral, poignant et intense, Utoya réussit son pari de nous faire vivre l’horreur de ce massacre. Le film est sensible bien plus que sensationnaliste, et loin du traitement héroïque des personnages, il met à nu les peurs, les incertitudes, les angoisses, de ces êtres humains qui fuient une menace invisible. Intense. 

Distribué en France par Potemkine, le film bénéficie d’une seconde diffusion dans le cadre du Fifigrot le jeudi 22 septembre 2018 à 22h à l’UGC, et en sortie nationale le 18 décembre.

Dolores

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