Mon pass trois jours au Festival de Cannes m’a permis d’avoir la chance d’assister à la projection d’une bonne sélection de films. Parmi ces œuvres, j’ai pu voir le dernier long-métrage de Just Philippot. J’aurais aimé être tendre, mais j’ai du mal, car même s’il s’inspire du style post-apocalyptique et des films de catastrophe (un de mes genres de prédilection !) il ne parvient à rien, en raison d’un scénario totalement bancal. Le jeu d’acteur n’a pas su me convaincre non plus. Les films de ce genre restent peu réussis dans l’hexagone jusqu’à présent. Est-ce par manque de moyens ? Peut-être, mais c’est quand même Guillaume Canet qui tient le premier rôle et il ne livre pas sa meilleure prestation. Cependant, pour défendre les réalisateurs et réalisatrices qui osent se frotter à ce genre, il faut une audace certaine, car peu de films français s’inscrivent dans ces catégories. Cela semble davantage réservé aux blockbusters américains. J’imagine que l’industrie française du septième art est frileuse lorsqu’il s’agit d’investir dans ce type de film.
Un synopsis attrayant, mais…
Le scénario de base suit une adolescente, Selma (Patience Munchenbach), dont les parents divorcés se battent pour son avenir scolaire. Cependant, la situation familiale entrave son éducation, car son père Michal (Guillaume Canet) est devenu tristement célèbre sur internet à cause de son militantisme brutal filmé et diffusé sur les réseaux sociaux. Entre la séparation de ses parents et le fait que son père porte un bracelet électronique, sa vie de collégienne est marquée par le harcèlement de ses camarades. Rapidement, un autre problème s’ajoute à ces soucis : des nuages porteurs d’une pluie toxique commencent à s’étendre dans le monde entier, détruisant sur leur passage : cultures, animaux, humains, voire certaines habitations. La fuite devient la seule option envisagée par cette famille.
Au départ, il me semblait que l’œuvre se positionnait dans une optique de dénonciation des effets potentiels du dérèglement climatique, c’était donc prometteur. Néanmoins, dès le départ, la confusion règne. Pourquoi cette scène d’exposition où un ouvrier, père de famille (ce que l’on ne découvre que plus tard), lutte pour ses droits sociaux et dénonce l’accident de travail d’une collègue ? Cette scène se déroule vraisemblablement plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant la catastrophe et n’apporte qu’une superficielle contribution au scénario, elle n’a aucun lien réel avec le cataclysme. Ça m’a donné comme l’impression, qu’une partie de l’intrigue avait été supprimée à la dernière minute.
Dès le début, on se demande aussi pourquoi les gens fuient sans savoir où aller. Même en admettant un départ dû à un mouvement de panique, logiquement ces nuages et cette pluie ne s’arrêteront pas aux frontières d’un pays ; aucun lieu ne paraît sûr. Pourquoi risquer la vie de son enfant en partant ? Pourquoi ne pas chercher un endroit le plus sécurisé possible à proximité ? Ce parti pris étrange et peu réaliste est minime comparé aux incohérences de la mise en scène liées à la gestion de la pluie acide sur les vêtements et le corps. Parfois, elle attaque les habits au contact d’une voiture mouillée, nécessitant de se dévêtir rapidement, tandis qu’à d’autres moments, rester sur le toit trempé de la voiture suffit, même si les tissus absorbent. Aucune explication satisfaisante pour ces incohérences n’est donnée.
Un long-métrage précédent assez bien construit
Après avoir entendu des éloges sur le précédent film de Just Philippot, j’ai abordé cette séance avec enthousiasme, mais j’ai été profondément déçue. Pour en avoir le cœur net, j’ai visionné La nuée pour vérifier si les louanges étaient justifiées. Et effectivement, le scénario y est original, l’histoire crédible, les incohérences moins présentes et les scènes hors sujet ou inutiles sont absentes. Certains peuvent trouver le film trop long, voire ennuyeux, mais je ne reproche pas cela à l’œuvre. Au contraire, le rythme est bien maîtrisé. Ça se veut réaliste, avec des éléments fantastiques et horrifiques, et il atteint ses objectifs. Dans la filmographie du réalisateur, on s’aperçoit qu’un thème est mis en exergue, celui de la cellule familiale et de ses enjeux relationnels. Ce que je reproche à Acide, c’est qu’il n’arrive pas à bien intégrer la catastrophe naturelle et les problématiques familiales, donnant l’impression que tout est forcé et surjoué, loin de la fluidité que l’on retrouvait dans La Nuée. Certaines séquences de tension sont assez bien construites, d’autres, en revanche, sont trop longues. Je pense en particulier à la scène du début du film où les parents se précipitent pour récupérer leur fille partie faire de l’équitation. Contrairement à son long-métrage précédent où le rythme était toujours bien maîtrisé, dans celui-ci, la durée de certaines scènes a fini par rompre la tension censée être générée par l’approche imminente et menaçante des nuages de pluie acide.
Alors pourquoi Acide est-il nettement inférieur ?
Le court-métrage du même nom et réalisateur laissait sur sa faim en raison de sa durée limitée. Ici, le scénario de ce long-métrage semble remplir les vides avec des scènes peu captivantes. Peut-être que ce film aurait dû rester un format court, faute d’idées suffisamment originales pour une longue histoire. De plus, la tonalité réaliste ne rend pas service à l’œuvre, car les incohérences viennent entraver la trame narrative. Le contexte est également abordé de manière superficielle. Si l’attention est centrée sur la fuite et la situation familiale tumultueuse, le manque d’explication concernant la catastrophe climatique me gêne. Certes, quelques informations sont diffusées à la télévision, mais cela reste insuffisant.
En fin de compte, on pourrait attribuer un « peut mieux faire ». Les idées sont présentes et même intéressantes, mais elles sont mal exploitées et se dispersent. Le thème de la famille semble être le point fort du réalisateur, je ne doute pas qu’il saura revenir prochainement avec un univers qui exposera son sujet favori sous un nouveau jour bien plus en adéquation avec son style.