À la suite de ce qui semble être une bavure policière, la banlieue d’Athéna s’embrase. En chef de meute, l’un des frères du défunt, Karim, a soif de vengeance. Mais bientôt des rumeurs médiatiques stipulent qu’il s’agirait peut-être d’un meurtre perpétré par un groupuscule d’extrême-droite.
Après Le Monde est à toi, Romain Gavras s’attaque ici au film banlieue. À première vue, le long-métrage rappelle le combo bavure policière/vengeance qui se trouvait dans Les Misérables de Ladj Ly, ce dernier ayant co-écrit Athéna. Mais Gavras a choisi un prisme plus grandiloquent, notamment dans sa manière de filmer. Le réalisateur multiplie de nombreux plans-séquences qui tiennent le spectateur en haleine, faisant monter l’adrénaline lors des déplacements émeutiers des jeunes de la cité ou lors des charges de CRS. Au milieu d’un chaos savamment orchestré, chaque personnage a sa personnalité bien définie, particulièrement à travers la fratrie en deuil. Il y a d’abord Abdel le grand frère militaire revenu du front suite à la mort de son cadet qui souhaite que justice soit faite dans le calme et le respect, Moktar le demi-frère trafiquant de drogue au sang chaud, toujours au bord de la crise d’hystérie et Karim le plus jeune, aveuglé par le désir de vengeance. La sœur quant à elle, n’aura qu’une brève place dans l’histoire.
On peut dire ici qu’on a affaire à une néo-tragédie grecque à travers cette famille qui se déchire de façon violente. Mais il y aussi le nom de la cité et titre du film qui fait sens, écho moderne de la ville d’Athènes berceau de ce genre théâtral, certainement pour faire référence à la déesse de la guerre et de la justice, considérée comme une divinité protectrice de plusieurs villes grecques. Le quartier se retrouve littéralement assiégée de l’intérieur comme de l’extérieur : d’un côté par les banlieusards, de l’autre par les CRS qui tentent de pénétrer les lieux.
Plus que des scènes de guérillas urbaines, on a parfois l’impression d’assister à un véritable conflit antique, à un combat de gladiateurs. Sauf qu’ici, les combattants ne sont pas seulement deux dans l’arène. La mort est souvent la seule issue au tragique. Elle rôde tout le long du film, mise en exergue par la façon dont est porté un corps défunt de façon solennelle, renforçant cette vision tragi-théâtrale et post-apocalyptique. La bande originale aussi est ornée de ce qui s’apparente à des chants guerriers, rendant les séquences dramatiques et plus encore. Quand ce n’est pas la musique, ce sont les cris « Athéna » scandés par les banlieusards qui donnent une dimension épique dans un décor qui l’est tout autant. Gavras explique d’ailleurs dans cette interview avoir opté pour ce grand ensemble ressemblant à un château fort qu’il érige magistralement par des plans larges.
Comme beaucoup de films qui prennent pour cœur la banlieue, la récupération politique de gauche ou de droite est quasi inévitable. Ce film est-il aussi radical qu’il n’y paraît ? Athéna est-il pro-police ou pro-banlieue ou est-il une tragédie beaucoup plus nuancée que la vision de deux masses humaines qui s’affrontent ? Les véritables monstres ne se cachent-t-il pas sous une autre apparence ? Derrière la violence évidente qui se joue à l’image, un double danger grossit dans l’ombre. Si le scénario de base semble un peu simpliste, et malgré un excès dans le jeu de certains acteurs, la mise en scène vaut son pesant d’adrénaline et d’efficacité qui ne laisse pas de marbre.