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Coma

Yo c’est Renard, j’ai eu la chance de pouvoir visionner Coma, le dernier film de Bertrand Bonello.

Alors sans plus tarder plongeons nous dans un rêve sans fin tous ensemble. 

In another life I would be your girl We keep all our promises Be us against the world

Anna, si mon précédent film t’étais dédié, celui-ci c’est moi qui fait un geste vers toi mon amour

Prise de vue réelle, animation, vidéo de réseaux sociaux et stop motion, le film nous fait passer par toutes les émotions. Malgré le mélange de techniques  cinématographique, Bertrand Bonello excelle alors dans cette multiplicité de formes : l’animation est splendide, le stop motion vraiment réussi, les scènes de capture d’écran se glissent magnifiquement dans la diégèse du récit et la captation à la caméra est d’une justesse incroyable. La question des décors a dû être un plan central dans la conception de cette histoire. Celle-ci est découpée en trois instances de narration: la vie de la jeune fille dans sa chambre, les histoires des poupées et les vidéos de la Youtubeuse Patricia Coma, chacune ayant leurs propres identités filmiques et plastiques. 

La chambre de la protagoniste retranscrit parfaitement la chambre d’une jeune adulte : on y retrouve des photos souvenirs, des posters et des affaires en vrac. C’est par un panorama circulaire que l’on découvre ce décor pour la première fois. Ensuite, c’est la maison de poupée qui est introduite, maison miniature qui s’insère au sein du décor initial, celui de la chambre de l’héroïne. Et franchement, depuis que j’ai posé les yeux sur cette maison là, je rêve d’en avoir une comme ça. Le détail apporté à chaque centimètre de surface est fou. Mais ce travail du détail, qui m’a particulièrement touché,  se retrouve dans les arrières plans des vidéos de la Youtubeuse Patricia Coma, dont chaque apparition fait événement. Chaque cadre est pensé pour que le sujet soit filmé, mais pas que. Il nous filme également.

Where is the moment we needed the most? You kick up the leaves, and the magic is lost They tell me your blue sky’s faded to gray They tell me your passion’s gone away And I don’t need no carrying on

La caméra filmant le personnage incarné par Julia Faure filme également le spectateur. Comme précisé ci-dessus, la caméra nous filme aussi, indirectement, en temps que spectateur. Mais ces deux entités sont très différentes : cette caméra ne nous place pas directement nous, personne dans la salle de cinéma, comme spectateur, mais plutôt comme voyeur de la situation, le spectateur étant la jeune femme regardant la vidéo depuis son écran. Nous sommes des voyeurs qui s’immiscent jusque dans les rêves de la jeune femme. Durant les scènes dans la forêt, la caméra prend un nouveau parti pris en se transformant en found footage qui ne sera sans rappeler les heures de gloire du genre avec des échos aux paysages glaçants du Projet Blair Witch. Cette ambiance colle parfaitement au film, le style amateur de la caméra qui tremble au fur à mesure des pas, le grain de l’image et cette forêt capturée en nuit américaine donnent à ces scènes un côté mystique qui nous transporte. Je n’ai jamais parcouru ces méandres de verdure obscurs, et pourtant c’est comme si j’avais été à ses côtés durant ces déambulations nocturnes. 

But if the world was ending You’d come over, right? You’d come over and you’d stay the night Would you love me for the hell of it? All our fears would be irrelevant If the world was ending You’d come over, right?

“On traverse une période entre le jour et la nuit, une sorte de nuit américaine mais sans mise en scène”

Coma fait partie de ces films qui prennent le parti de montrer le monde dans lequel il est, tel que nous l’expérimentons. En traitant le confinement comme le sujet du film, et non pas comme un simple décor, l’auteur permet l’introspection. Il traite des événements que chacun d’entre nous a vécu. Il nous place dans l’espace de vie d’une jeune femme, livré à elle-même, dans un lieu qui durant cette période exeptionnelle, constituera son univers. Un univers qui fût pour certains trop exigu.

Voilà donc selon moi, la thématique de ce récit: une vie privée de ses ailes, barricadées dans une boîte dont elle ne peut s’échapper. Ce dont je tiens à vous faire part, à travers cet article, est que la caméra est maladive, elle est la responsable du mal-être du personnage, elle qui nous interroge autant que le personnage de Louise crée progressivement un sentiment de malaise et de pression.

NOUS en sommes la cause, c’est quand la pellicule commence à se dérouler devant nous que la mauvaise herbe pousse sous les pieds de la jeune femme. À trop être connecté entre nous quand le monde est ouvert, on finit par être isolé quand celui-ci se clôt. Alors nous sommes livrés à nous-même, à nos démons comme à nos anges.

Ici, tout est joué d’avance Et l’on n’y peut rien changer Tout dépend de ta naissance Et moi je ne suis pas bien né

Le film fait écho dans chaque personne. Parce que même si nous sommes tous très différents, il y a des moments qui intègrent l’humanité entière dans ses images. Personnellement je n’ai pas mal vécu le confinement, j’ai pu me recentrer sur moi-même, faire le point sur la personne que j’étais et celle que je voulais devenir. J’ai aussi pu me retrouver dans l’Art, celui que j’ai découvert durant cette période ou encore celui que je souhaite créer. Mon monde avait toujours été  virtuel jusque-là ; je regardais mes séries et mes films dans ma propre salle obscure. Durant le confinement, je me suis déconnecté de ce cocon que je m’étais créé et j’ai commencé à cultiver mon jardin. La sortie  a été une révélation : j’ai réussi à faire cohabiter mes deux modes de vie, mon cocon a rejoint mon jardin et lui a permis d’éclore pour voir naître de magnifiques plantes. Le film nous parle d’un discours interne, une discussion au plus profond de soi-même. 

C’était la première fois, que je me retrouvais seul avec moi-même, première fois que je me laissais écouter mon coeur, j’avais toujours mis du bruit dans mes oreilles pour ne pas avoir à m’affronter mais dans cet espace clos je ne pouvais plus fuir. Coma nous invite à prendre nos places pour assister à une rencontre des plus intimes : l’adolescente se rencontre elle-même dans un moment où elle se cherche encore. C’est ce rendez-vous  forcé dans un espace clos où elle ne peut voler pour s’enfuir qui feront confondre rêve, réalité et cauchemar, les uns devenant réalité quand celle-ci s’efface pour ne devenir que des brins de souvenirs. Le long métrage nous montre une réalité que je m’étais cachée pendant tout ce temps, le confinement n’ayant pas eu les mêmes effets sur les autres que sur moi. Les reflets du miroir jour après jour peuvent faire tellement de dégâts qu’ils en deviennent irréparable.  dit souvent que c’est le regard des autres qui nous meurtris mais je pense seulement qu’ils font si mal parce qu’ils deviennent le nôtre, qu’on l’assimile à force de l’entendre.

Lean on me When you’re not strong And I’ll be your friend I’ll help you carry on…

Ce petit film d’un peu plus d’une heure m’a fait beaucoup réfléchir sur les récents évènements que l’on a tous vécu. Il arrive à témoigner d’une tendresse et d’une violence rare, sans laisser de trace par le fulgurant, la caméra marque par le banal. Un banal qu’ on avait l’habitude de laisser de côté quand on mettait les pieds dans une salle obscure. S’évader pour oublier le quotidien était la mission des spectateurs. Coma n’est pas comme ça. il est une capsule temporelle vers un événement précis. J’espère vraiment qu’il puisse rentrer dans la postérité, parce qu’au même titre que L’amour c’est mieux que la vie. Coma filme l’épidemie Covid, il ne passe pas outre comme les autres production en enrayant les masques à l’écran.

Merci d’avoir pris le temps de lire ces lignes. Le film lui, vous donne rendez-vous à partir du 16 Novembre dans les salles obscures et pour les toulousains il sera proposé à l’affiche à l’ABC, qui sait peut être, qu’au détour d’une séance, on pourra se croiser parce que je vais certainement retourner écouter ce beau discours.

Merci à vous, c’était Renard

A bientôt. 

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