Critique(12)

COMPOSITEURS : 1er volet, chapitre 1

Ou : Y’a pas que Hans Zimmer, dans la vie. 

Cette tribune s’adresse aux néophytes, aux profanes comme aux connaisseurs absolus. Et si vous en avez assez de n’entendre parler des compositeurs de musiques de films et de séries que lorsqu’il s’agit de citer Hans Zimmer, alors cette chronique est faite pour vous. De ses plus célèbres contemporains jusqu’aux artistes de l’ombre dont vous n’avez jamais eu l’occasion de noter le nom (tout en connaissant peut-être certaines de leurs œuvres), retour sur une pléiade qui a fait rêver tout cinéphile/sériephile qui se respecte.

portrait ennio morricone
©GettyImages

Ennio Morricone 

• C’est qui ? Il est né le 10 novembre 1928 à Rome. Marié en 1956 à Maria Travia, ils ont quatre enfants ensemble, dont Andrea Morricone, qui deviendra compositeur à son tour. Ennio Morricone entame sa carrière dès 1946. Celle-ci ne s’éteindra qu’en 2020, lors de son décès à Rome, à l’âge de 91 ans. Notamment décoré Chevalier de la légion d’honneur, il cumule pas moins de 27 récompenses, dont deux Oscars et trois Golden Globes. Au total, il aura composé pour 500 productions, et vendu 70 millions de disques. 

• L’un de ses premiers gros succès notables ? Pour une poignée de dollars, de Sergio Leone (1964). 

• L’un de ses derniers gros succès notables ? Django Unchained (2012), puis Les Huit Salopards (2015), de Quentin Tarantino. 

• Pourquoi c’est bien ? Partenaire privilégié de Sergio Leone, la vague des westerns spaghettis lui permet de s’ériger presque instantanément en maestro, et son style hyper reconnaissable lui fait rapidement accéder à un succès international. Ayant composé pour des productions italiennes, mais aussi françaises et américaines, il déploie une palette de sonorités contrastées portant sa griffe, tout en s’adaptant parfaitement aux œuvres concernées. Si l’ouverture et toute la BO du film Le Bon, la Brute et le Truand ne sont plus à défendre pour leur enthousiasme communicatif et surtout leur pointe de folie jumelle à la trame des personnages, on remarque la capacité-caméléon de Morricone pour le reste de sa carrière. Il suffit de se pencher sur les notes du Clan des Siciliens et leur mélancolie cynique, sur le thème de Moïse émouvant de profondeur, sur la tragédie latente de la bande-son d’Il était d’une fois dans l’Ouest, et jusqu’au sublime générique d’Inglourious Basterds. De bout en bout, Morricone restera fidèle à une sensibilité remarquable, sans jamais perdre le fil rouge de sa créativité polymorphe.   

• Le talon d’Achille : Compositeur de la BO de The Thing, il aura créé pour une heure de bande-son, qui sera finalement très peu utilisée dans le film par John Carpenter. Ce dernier, grand admirateur de Morricone, a finalement lui-même retravaillé la musique de son long-métrage malgré sa peur de vexer l’artiste. 

• Les petites anecdotes : Ennio Morricone était un joueur d’échecs aguerri. Le réalisateur Sergio Leone et lui se sont retrouvés dans la même classe à l’école primaire. Il est le plus vieux récipiendaire d’un Oscar à Hollywood, à l’âge de 87 ans.

• Pour (re)découvrir l’artiste :  https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DZ06evO0L6m7S?si=4832bea9e7c94d48 

portrait photo ramin djawadi
©AndresJimenez 

Ramin Djawadi

• C’est qui ? : Il est né le 19 juillet 1974 à Duisbourg. De nationalité allemande, il commence sa carrière en 1998, et Hans Zimmer le prend rapidement sous son aile. Il est nommé deux fois aux Emmy Awards, d’abord en 2006 puis en 2018.

• L’un de ses premiers gros succès notables ? Prison Break, de Paul Scheuring  (2005-2017) et Iron Man, de Jon Favreau (2008).

• L’un de ses derniers gros succès notables ? House of the Dragon (2022).

• Pourquoi c’est bien ? Il est peut-être LE compositeur à avoir rassemblé sous sa bannière un nombre incroyable de nouveaux adeptes sur les dix dernières années. Ayant conquis les oreilles d’une jeune génération amatrice des séries comme Prison Break, Westworld, et bien entendu Games of Thrones, sa virtuosité n’a d’égale que sa capacité à créer des ambiances uniques, envoûtantes et mystérieuses, notamment pour la fameuse production de HBO. Encensé à la fois par le public, par ses pairs et par les critiques professionnels, difficile de ne pas reconnaître le talent décliné comme à l’infini par Ramin Djawadi. Les différentes saisons de Games of Thrones composent à elles seules un véritable opéra, dont le souffle épique, grandiose et inquiétant restera probablement dans les annales du genre. Digne héritier de Hans Zimmer, sa capacité à utiliser une multitude d’instruments originaux et séduisants n’a d’égale que son don pour marquer son travail d’une véritable identité musicale, impossible à confondre avec une autre. De quoi souhaiter à l’artiste une carrière toujours plus prolifique, et encore de nombreuses et agréables pépites à découvrir.

• Le talon d’Achille : Bien que mis à contribution par de grands réalisateurs tels que Guillermo del Toro, Zhang Yimou, ou pour de grosses productions comme Warcraft : Le Commencement voire Les Éternels, Ramin Djawadi court le risque d’être éternellement rappelé à son plus gros succès : Game of Thrones, et par extension : House of the Dragon.

• Les petites anecdotes : Ramin Djawadi est né d’un père iranien et d’une mère allemande. Il est sorti diplômé de la Berklee College of Music à Boston avec une grande distinction. Il a immédiatement commencé sa carrière en collaborant avec Hans Zimmer et Klaus Badelt.

• Pour (re)découvrir l’artiste : https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DZ06evO0HqFDa?si=012b81b66e37455e 

portrait photo james newton howard
©Jnhstudios

James Newton Howard 

• C’est qui ? : Il est né le 9 juin 1951 à Los Angeles, et a entamé sa carrière en 1975. Il a été l’époux de l’actrice Rosanna Arquette. Multi récompensé, le compositeur a été gratifié une trentaine fois, notamment aux Grammy Awards. Il a en outre été nommé neuf fois aux Oscars et cinq fois aux Golden Globes.

• L’un de ses premiers gros succès notables ? Pretty Woman, de Garry Marshall (1990).

• L’un de ses derniers gros succès notables ? Hunger Games : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, de Francis Lawrence (2023).

• Pourquoi c’est bien ? Pour l’expressivité écrasante de James Newton Howard, alliée à la faculté de s’adapter à tout type de divertissements : jeunesse, animation, films noirs, d’aventure et d’action, impossible de passer à côté. Sa collaboration avec Disney pour les films Dinosaure, Atlantide, l’empire perdu et La Planète au trésor (métrages portés par la nouvelle vague du studio qui n’a malheureusement pas trouvé son public à l’époque) a livré des compositions d’une maturité exceptionnelle, rendant hommage aux histoires à l’écran. L’œuvre générale de Howard a en effet l’art de réveiller les émotions les plus profondes, depuis les variations mystiques de Sixième sens et Signes, jusqu’aux vagues puissantes d’Incassable et de King Kong. Enfin, l’alliance de Zimmer et Howard pour Batman Begins et The Dark Knight a également révélé les merveilles de ces deux talents combinés, le consacrant définitivement comme l’un des plus grands compositeurs populaires des années 2000… et l’un des plus grands compositeurs, tout court. 

• Le talon d’Achille : Sa grande discrétion et son duo orchestré avec Hans Zimmer a souvent éclipsé son nom au profit de son collaborateur, et ce malgré une carrière prolifique. Connu sans vraiment l’être, il fait partie des créateurs qui pâtissent de la méconnaissance générale du public sur les artistes dans l’ombre des studios d’Hollywood.

• Les petites anecdotes : James Newton Howard a été le claviériste d’Elton John. On lui doit le générique de la série télévisée Urgences, qu’il aurait composé en seulement quinze minutes. Il est ami avec Hans Zimmer et a développé une collaboration privilégiée avec M. Night Shyamalan, ayant composé pour huit de ses films.

• Pour (re)découvrir l’artiste : https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DZ06evO1B3M4M?si=98e14a6f6c80413a

portrait photo jesper kyd
©Ben Bentley

Jesper Kyd 

• C’est qui ? Il est né le 3 février 1972 à Hørsholm, au Danemark, et a commencé sa carrière au milieu des années 80. Il a été récompensé par le Nile Rodgers Global Creators Award pour son identité musicale unique et innovante, ainsi que par un BAFTA Games Award de la meilleure musique pour un jeu vidéo.

• L’un de ses premiers gros succès notables ? Hitman : Codename 47 (2001).

• L’un de ses derniers gros succès notables ? Warhammer 40,000: Darktide (2022).

• Pourquoi c’est bien ? Pas besoin d’être fan d’Assassin’s Creed pour avoir déjà pu entendre l’un des thèmes de jeu vidéo les plus célèbres (Ezio’s family, repris immanquablement par nombre de ses successeurs, ainsi que par beaucoup d’autres compositeurs amateurs à travers le monde). Ayant travaillé sur cinq des volets de la saga, Jesper Kyd a totalement su transcender les lois du temps et de l’espace par sa musique, à l’image de l’œuvre qu’il illustre. Capable de passer des sonorités électroniques les plus froides aux mélodies orientales séculaires ou enjôleuses, il a directement contribué au succès des différentes productions d’Ubisoft. Sa maîtrise et le lyrisme dont il fait preuve ont su conquérir un public international en l’espace de quelques années. À son palmarès, il faut également mentionner les quatre volets du jeu Hitman, et les trois de Warhammer. Il est devenu pour beaucoup la figure emblématique de la composition musicale en matière de jeu vidéo, genre auquel l’artiste a concouru pour lui donner toutes ses lettres de noblesse.   

• Le talon d’Achille : Le compositeur n’a jamais réussi à percer dans le domaine du cinéma. S’il a en effet créé plusieurs bandes-son pour ce médium, aucune n’a réellement su trouver son public.

• Les petites anecdotes : Jesper Kyd n’a pas hésité à recourir à l’aide de 150 membres du Chœur symphonique de Budapest, dans le cadre de son travail pour le jeu vidéo Hitman. Il a commencé à créer ses premières oeuvres après avoir obtenu un Commodore 128 en 1985. Plus d’un million d’auditeurs, via la seule plateforme Spotify, écoutent chaque mois les productions du musicien.

• Pour (re)découvrir l’artiste : https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DZ06evO1WJTLs?si=709dcdca34d74837

portrait photo brian tyler
©Brian Tyler

Brian Tyler

• C’est qui ? : Il est né le 8 mai 1972 à Los Angeles. En plus de ses activités de compositeur, il est également producteur de cinéma. Sa carrière débute en 1997. Il a été récompensé à cinq reprises aux ASCAP Film and Television Music Awards ainsi qu’aux Hollywood Music in Media Awards.

• L’un de ses premiers gros succès notables ? Les Enfants de Dune, de Greg Yaitanes (2003).

• L’un de ses derniers gros succès notables ? 1923, de Taylor Sheridan (2022). 

• Pourquoi c’est bien ? Son intérêt pour le septième art dès l’enfance a aiguillé l’inspiration du compositeur, toujours prêt à donner son content de souffle épique et de beauté aux œuvres pour lesquelles il écrit. En digne héritier de Jesper Kyd, sa création pour Assassin’s Creed Black Flag a su convaincre là où Lorne Balfe, ayant succédé directement à Kyd et précédant Brian Tyler pour le troisième vrai volet, avait peut-être échoué. Capable de sublimer films, séries et autres médias avec une inventivité appréciable, l’artiste sait surprendre et s’illustrer là où on ne l’attend pas forcément. Impliqué et investi, il développe des albums au nombre de titres parfois faramineux, et invite par ce biais son auditeur à pénétrer longuement dans chacun de ses univers musicaux. Depuis quelques années, son travail pour la série à succès Yellowstone et ses dérivés ne fait que renforcer la crédibilité de sa patte très souple et habile à passer des Caraïbes à l’Orient, voire des terres de l’Ouest américain aux tribulations automobiles nippones, comme dans Fast and Furious : Tokyo Drift. Brian Tyler a réussi discrètement et quasi sans effort à marquer de son empreinte tous les médiums du divertissement. 

• Le talon d’Achille : Aussi travaillées soient-elles, les œuvres de Brian Tyler manquent toutefois singulièrement d’une identité pérenne. Ainsi, il peut être difficile de le reconnaître au gré des œuvres qui émaillent sa carrière, ce qui persiste à le maintenir dans l’ombre d’une reconnaissance publique plus conséquente. 

• Les petites anecdotes : Brian Tyler s’est dit notamment inspiré par le travail de Danny Elfman, James Horner et Howard Shore. Il développe une passion pour le cinéma très jeune, notamment grâce à son grand-père et a composé le thème musical pour le centième anniversaire des studios Universal Pictures (adapté de celui de Jerry Goldsmith). La musique du générique de Pékin Express est tirée de la bande-son créée par le compositeur pour Les Enfants de Dune

• Pour (re)découvrir l’artiste : https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DZ06evO0wVfTs?si=7193e42a517e45cb 

portrait photo john williams
©Getty – Carlo Allegri

John Williams 

• C’est qui ? : Il est né le 8 février 1932 à New York, dans le Queens. Sa carrière débute en 1952. Il a été marié à l’actrice Barbara Ruick, morte prématurément d’une hémorragie cérébrale. John Williams est également membre de l’Académie américaine des arts et des sciences. Il a été récompensé par cinq Oscars et quatre Golden Globes, sans compter ses innombrables nominations (47 fois aux Oscars !).

• L’un de ses premiers gros succès notables ? Les Dents de la mer, de Steven Spielberg (1975).

• L’un de ses derniers gros succès notables ? Indiana Jones et le Cadran de la destinée, de James Mangold (2023).

• Pourquoi c’est bien ? Faut-il encore présenter John Williams ? Compositeur symphonique par excellence, partenaire privilégié de Steven Spielberg, on lui doit les plus grands thèmes du cinéma de ces cinquante dernières années. On peut bien évidemment citer en pagaille : Les Dents de la mer, la saga Star Wars, Rencontres du troisième type, la saga Indiana Jones, Hook, ou la Revanche du Capitaine Crochet, la saga Jurassic Park, La Liste de Schindler, la saga Harry Potter, etc. L’authenticité émouvante de ses créations semble donner le pouvoir à John Williams de multiplier les thèmes phares d’une pop-culture ancienne comme plus récente, et qui n’en finit pas de conquérir un public multigénérationnel. Bouleversant et généreux, son extraordinaire compréhension des œuvres pour lesquelles il compose les transforment en références immédiates et universelles pour le plus grand public, et ce même sans jamais les avoir visionnées. Impossible de ne pas frissonner au détour de ses innombrables succès, rendus en partie possibles par sa collaboration persistante avec Steven Spielberg. Mondialement acclamé pour son élégance, sa finesse et sa sensibilité, ce contemporain de l’âge d’Or est devenu l’un des artistes les plus emblématiques d’Hollywood. Une évidence. 

• Le talon d’Achille : Absent des créations télévisuelles, il aura fallu attendre 2022 pour entendre les thèmes de Star Wars sur le petit écran, via la série Obi-Wan Kenobi. De quoi rendre curieux de savoir ce qu’aurait donné la contribution de John Williams en dehors du monde du cinéma. 

• Les petites anecdotes : John Williams a créé son propre groupe de jazz à l’âge de quinze ans. Il est le père de Joseph Williams, chanteur soliste du groupe Toto. À ce jour, le compositeur et Steven Spielberg ont collaboré sur 29 films au total. Enfin, il dirige en tant que chef cialis sans ordonnance d’orchestre invité le London Symphony Orchestra, le Los Angeles Philharmonic ou encore le New York Philharmonic.

• Pour (re)découvrir l’artiste : https://open.spotify.com/playlist/37i9dQZF1DZ06evO1RMsso?si=90df4cd077ac4c5d  

La suite, prochainement… 

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