Critique(4)

Le Garçon et le Héron : Un bel hommage à l’héritage du Studio Ghibli 

Un film digne des attentes du public

Hayao Miyazaki, un nom qui évoque le rêve et qui va de paire avec le studio Ghibli, et même, souvent, avec l’industrie cinématographique nippone en générale. Maintes fois déclaré retraité avant l’heure, ce fameux réalisateur revient à chaque fois démonter ces rumeurs infondées avec un film dépassant, encore, toutes espérances. Il est aberrant de nos jours de croire que cet éminent personnage pouvait prévoir de passer la main à un successeur avant le début de la conception de Princesse Mononoke!

Très attendu par bon nombre de fans dévoués qui ne demandaient qu’à se replonger dans la beauté si particulière de cette équipe d’animateurs, Le Garçon et le Héron est un film qui a su satisfaire l’envie collective d’être de nouveau enivré par une œuvre animée. Et quelle œuvre ! Dès les premières minutes de l’histoire, on se retrouve plongé en plein chaos de débris et de fournaise auprès d’un garçon, Mahito, déterminé envers et contre tout à retrouver sa mère. L’effroi suscité par cette vision cauchemardesque d’un feu puissant et inéluctable le poursuivra tout au long de son histoire.  

Un jeune homme face à de nombreux obstacles 

Dorénavant installé dans le domaine de la nouvelle fiancée de son père, Natsuko, Mahito se voit obligé de se conformer aux attentes de cet environnement ancien et campagnard si éloigné de ce qu’il a connu jusqu’alors. Très vite, le jeune homme se fait accoster par un escroc à plumes qui va lui fournir l’échappatoire à la réalité qu’il recherchait. L’arrivée du Héron, capable de bien plus qu’on ne pourrait le croire, déclenche le début d’une quête fantasmagorique remplie de scènes macabres et de faux espoirs. Mahito, animé par la volonté de sauver sa mère, puis ensuite Natsuko, se retrouve confronté tour à tour à des influences négatives et positives qui vont lui permettre d’accomplir sa mission et, par-dessus tout, faire son deuil. 

Le thème de la disparition subite et inexplicable d’un être cher et de la mort en général est omniprésent. Le film n’offre que de rares répits au public qui, au travers du personnage principal, doit subir un constant sentiment d’impuissance face aux évènements successifs qui l’assaillent. Ce sentiment nous est transmis sans retenue aucune au cours du bombardement incendiaire du début. Superbement animée, cette scène toute en flammes et de désespoir transmet de manière viscérale la panique qui a pris possession de Mahito et des hordes d’inconnus qui l’entourent. Le fait que les disparus ne sont jamais montrés de manière explicites mais plutôt comme absorbés par le brasier pour ne faire qu’un avec lui, ne fait d’accentuer la tragédie de leurs inévitable trépas. 

Le rappel constant d’un sort funeste à venir

Dans le septième art, répulsion et scène de décès vont généralement ensemble. Ici, il y a toute une tension latente liée à la présence constante d’une manière ou de l’autre de l’instinct de chasse. D’un moment à un autre, Mahito devient tour à tour le chasseur et le chassé, ce qui le plonge lui et le spectateur dans un état de confusion en vue des circonstances plus qu’étranges de sa quête. Cette confusion est encore plus clairement montrée au travers de la paranoïa -justifiée- que ressent Mahito vis à vis des bestiaux vivants aux alentours de la propriété, et du héron en particulier. Poissons et crapauds, tous à la gueule béante, se jetant sur lui, pour, selon toute vraisemblance, le faire disparaître, ne manque pas d’inspirer un très fort sentiment de malaise au spectateur.

Deux autres scènes qui peuvent inspirer une telle émotion sont celle du dépeçage du poisson du bayou et celle, presque infligée au personnage principal. Il est intéressant de voir les sentiments différents qu’elles inspirent. La scène de préparation du poisson peut paraître trop graphique et explicite dans l’étalage d’organes, mais il en résulte la satisfaction du repas consommé qui supplante le dégoût initial. Le moment où Mahito se réveille suspendu au mur de la cuisine d’une perruche carnivore est porteur d’un élément choc dû au renversement des rôles stéréotypiquement donnés à l’humain et l’oiseau. Alors que le partage du poisson est considéré comme une étape nécessaire et ré-énergisante du voyage, il nous semble ‘contre-nature’ que ce soit le personnage principal qui soit, à son tour, préparé à être consommé et on ne peut s’empêcher de lui souhaiter de s’échapper au plus vite de ce monde si contraire à tout ce qu’il a connu jusqu’alors.

D’un monde à l’autre

Le voyage de notre monde à l’autre, leitmotiv cher au Studio Ghibli, est de nouveau présent dans leur dernière production. L’instance qui démontre le mieux un tel changement est celle où Mahito part à la rencontre du Grand-Oncle en traversant sa demeure à l’architecture particulière. La métaphore devient explicite lorsqu’il traverse littéralement un couloir en forme de prisme lumineux. De manière plus subtile, Mahito ne se rends compte qu’il a atterri dans le monde des défunts que suite à une rencontre opportune au fil de l’eau avec ceux-ci. Alors invité à bord du bateau d’une pêcheuse, Mahito et Kiriko naviguent sur un bayou immense dans lequel ils sont peu à peu rejoint par des barques voguant à la force de nombreux, et polis, rameurs aux corps sombres, presque complètement translucides. 

Des femmes bienveillantes au caractère bien trempé

Kiriko est une force de la nature. Telles les autres femmes du film, elle est une figure bienveillante et protectrice à l’égard du protagoniste. Elle le prend sous son aile, lui enseigne les codes de son monde et ainsi le prépare à surmonter les obstacles à venir. Dans une narration où le personnage principal se voit souvent être seul à confronter l’inconnu, les irruptions ponctuelles de ces personnages féminins forts correspondent à un instant de répit durant lequel Mahito peut trouver de nouveaux repères, reprendre des forces, et de l’espoir. L’irruption surprise de ces nombreuses femmes vivaces et pleines d’énergie illumine l’atmosphère morose de cette demeure, auparavant si sombre et inhospitalière. Leur arrivée permet à Mahito de plus aisément s’adapter à celle-ci, profiter de cette opportunité d’accalmie et ainsi mieux se préparer pour les rencontres à venir. Plus tard, c’est Kiriko qui le nourrit et lui explique les liens intrinsèques entre le monde des morts et le monde des vivants, en lui présentant les joyeuses, mais insouciantes créatures appelées Warawara. Finalement, une jeune fille mystérieuse aux pouvoirs de feu, Himi, vient à sa rescousse à plusieurs reprises et parvient à le réconcilier avec son passé tumultueux. 

En définitive, Le Garçon et le Héron mérite bien sa place dans la continuité des films Ghibli par son respect des thèmes chers à celui-ci et, grâce à son succès, de continuer de permettre au studio de poursuivre la diffusion de ses productions dans l’avenir.

Comments are closed.