Supergirl Saison 5

Critique de la saison 5 de Supergirl

Quand ça veut pas, ça veut pas

Enfin ! Voilà ce que je me suis dit après avoir rattrapé la quatrième saison de Supergirl. Enfin une saison à la hauteur de son héroïne ! Enfin un ancrage politique et social plus proche de notre actualité ! Enfin des villains charismatiques ! Une progression narrative dynamique et cohérente ! Vous savez, ce sentiment très satisfaisant de voir les enjeux et les intrigues se rejoindre, dans une saison de 22 épisodes dense et prenante. Je commençais donc la saison 5 confiante. Bien mal m’en a pris ! 

S’il y en a parmi vous qui ne connaissent pas Supergirl : c’est une série de la chaîne CW, initialement chez CBS, qui raconte les aventures de la super-héroïne à National City. Cousine de Superman (qui fait lui-même quelques apparitions dans la série), elle aussi a quitté Krypton avant sa disparition et a été adoptée par une famille aimante après avoir atterri sur Terre. 

Si vous lui prêtez de loin une réputation de série CW médiocre, vous n’auriez pas complètement tort, mais ce serait également passer à côté de l’esprit familial de la série. On a tendance à avoir la critique facile avec elle, alors qu’en simple récit d’aventures, elle est divertissante, attachante et quelquefois réellement surprenante. J’avais pour ma part fait mon entrée dans l’arrowverse avec Arrow puis Flash, mais à ce jour, il n’y a bien que Supergirl que je continue de suivre ! Mais alors, pourquoi cette saison 5 est-elle un échec ?

Le problème Crisis

Le problème majeur de cette saison est paradoxalement aussi l’un des meilleurs atouts de l’arrowverse cette année : Crisis On Infinite Earths ! Kesako ? Crisis On Infinite Earths, c’est LE crossover télévisuel de l’année ! Il réunit Supergirl, Arrow, Flash, Batwoman, Black Lightning et Legends of Tomorrow, soit 6 séries et le double de héros, et met en scène la fin du multivers, rien que ça. Un événement crucial dans le développement de chacune des séries, puisqu’il impose une réécriture partielle du monde et, du même coup, des intrigues de la saison en cours de diffusion.

Puisque le crossover intervient à la mi-saison, on aurait pu s’imaginer que son impact sur le tracé narratif des 22 épisodes, souvent composé en 2 arcs complémentaires, serait moindre. Malheureusement, ce n’est pas le cas… Crisis impose à la deuxième partie de saison une série de bis repetitae et, dans certains cas, une régression dans l’évolution des personnages. À ce titre, celui d’Andrea Rojas est une des grandes victimes du crossover ! 

Alors, certes, ce n’est pas exclusivement la faute de Crisis : cette saison 5 de Supergirl doit aussi composer avec l’un des ennemis les plus fadasses de l’histoire de la série, à savoir Leviathan. Après une quatrième saison portée par des villains complexes et charismatiques, nous sommes désormais confrontés à des papys et mamys – capables de manipuler les éléments tout de même – dont on ne comprend même pas très bien ce qu’ils veulent exactement. La fin du monde, ou quelque chose de ce genre, supposons-nous. Le plus surprenant, c’est bien qu’à aucun moment, on ne semble vraiment s’intéresser à Leviathan. 

L’une des règles fondamentales dans l’écriture d’un bon villain, consiste à lui donner une motivation et, par pitié, une motivation qui ait du sens, pour lui, voire pour nous également. Cette année, Supergirl donne surtout le sentiment de… s’en contrefoutre ? Par défaut de structuration d’un arc sur long terme, la série semble prendre le parti de la paresse dans sa narration. Résultat : des loners plus ou moins inventifs, dans lesquels Leviathan n’est qu’une sorte de bon coupable d’arrière-plan, dont on répète qu’il est menaçant, sans en donner de preuve très impressionnante… jusqu’à l’épisode 18, soit l’avant-dernier épisode de la saison écourtée d’un épisode pour cause de covid-19. 

Le season finale ne change guère la donne : le combat est certes satisfaisant, mais difficile de ne pas lever les yeux au ciel en découvrant que la série sort de son chapeau de nouveaux “element benders” pour en développer l’énergie. Fort heureusement, les deux derniers épisodes sont plus divertissants, rythmés, et rappellent en partie l’une des forces de la série : l’esprit optimiste de son héroïne. En faisant reposer le sauvetage de la population sur un discours, plutôt que sur la force, la série réinvestit la puissance originelle de la représentation des Super, dommage qu’il soit toutefois moins inspiré que celui de la fin de saison 1. 

Arrivés à la deuxième partie de la saison, voilà même que la série fait aveu d’échec (peut-on parler d’échec si on n’essaie même pas ?) en convoquant, grâce à la réécriture de Crisis, Lex Luthor à nouveau. Ça a si bien marché en saison 4… On prend les mêmes, et on recommence ? Si seulement la vie était aussi simple. 

Le mauvais Luthor

La quatrième saison s’achevait sur la révélation, enfin, de l’identité de Supergirl à Lena Luthor. Attendu depuis des années, ce moment-là était la promesse d’une cinquième saison riche en émotions et développements relationnels complexes. Quoi qu’on pense de Supergirl, elle a généralement le mérite de brosser le portrait de relations féminines nuancées, qu’elles soient solidaires ou conflictuelles. 


À l’instar de Supergirl avec son cousin Superman, Lena Luthor a toujours été présentée comme supérieure à son frère Lex, intellectuellement et, bien sûr, moralement. Quitte à faire revenir Lex dans la partie, la série aurait pu ainsi prendre le parti d’une intrigue plus intimiste, resserrée autour des différences morales et des contradictions émotionnelles d’un tel trio de tête.

Dans la première partie de saison, Supergirl prouve d’ailleurs que tout le cœur dramatique de cette saison se situe exactement là : dans l’amitié trahie entre Kara et Lena. Alors que Leviathan ne suppose aucune assise dramatique véritablement accrocheuse, cet enjeu-là aurait pu donner lieu à quantité de pistes fortes : comment le regard de Supergirl peut-il influencer la trajectoire morale d’un personnage ? Comment peut évoluer un personnage ni ami, ni ennemi, dans une série où les antagonismes sont généralement plus manichéens ? Comment mettre une figure morale inébranlable – Supergirl – face à ses contradictions et quel peut être l’impact sur sa caractérisation à long terme ? La présence de Lex empêche malheureusement la série de se confronter à tout cela, en écartant Lena Luthor du devant de la scène et en jouant de manipulations pour justifier ce retrait. 

Comme ça a parfois été le cas auparavant, la série semble passer à côté d’une opportunité en or, quitte à flirter avec l’incohérence de caractère dans l’écriture de ses personnages. Et tout ça pour quoi, au fond ?

Mais de quoi elle parle, en fait, cette saison ?

Je ne peux à nouveau pas m’empêcher de repenser à la quatrième saison. Dans cette dernière, la série re-situait son univers dans un contexte politique proche du nôtre, avec un Président Trump-like, devenu lui-même un villain, et un climat général très anti-Alien, définitivement menaçant. De quoi se confronter à des questions de fond actuelles : autour de la politique migratoire, du racisme envers les populations réfugiées, voire d’approfondir des enjeux plus précis comme celui du “passing” de Supergirl et celui de sa responsabilité personnelle et citoyenne face aux décisions politiques. C’est aussi dans cette saison que nous est présentée Nia Nal, aka Dreamer, soit la première super-héroïne transgenre à la télévision, un personnage également attachant, évocateur des débuts de Kara dans la saison 1.

Et la saison 5, que dit-elle alors ? Eh bien pour faire simple : la réalité virtuelle, c’est mal. Je caricature à gros traits, mais somme toute, c’est bien de cela qu’il s’agit : les gens fuient le monde en se plongeant dans la réalité virtuelle, au point d’en oublier leur identité et la raison première de leur fuite. Ici et là, on peut s’accrocher à un poil de nuance, sur l’usage thérapeutique de la VR, entre autres, mais il faut chercher… loin. Quel rapport avec Leviathan ? Bonne question ! J’aimerais croire que c’est une manière de parler du changement climatique et de l’ignorance volontaire ou consentie du tout-venant, mais vraiment, ce serait aller plus loin que la série dans la réflexion. Il est quand même paradoxal que la saison qui prenne le parti de l’angle technologique soit finalement la plus datée et ringarde dans ses positions.

Bilan

Si cette saison 5 de Supergirl n’est pas dépourvue de bons épisodes (le 5×13, soit le 100e de la série par exemple, est très plaisant), elle laisse avant tout sur le sentiment d’une immense frustration. Plombée par Crisis, un méchant anti-charismatique et une thématique simpliste, elle n’est sauvée que par ses héroïnes. Avec l’interruption avant finale de la production, cette saison n’aura pas été au bout de 100% de ses intrigues, mais peut au moins attiser la curiosité pour la suite grâce à quelques pistes inédites. Donc… eh oui, je serai toujours là en saison 6 en 2021 !

Comments are closed.