The Eddy

The Eddy – une histoire du jazz d’aujourd’hui

Authentique et attachante, la mini série coproduite et coréalisée par Damien Chazelle est un beau travail d’écriture et de mise en scène.

Dans La La Land, Sebastian raconte à Mia que le Jazz est né d’étrangers dans une même pièce qui, sans parler la même langue, ont fini par s’accorder à travers la musique. C’est un peu ça The Eddy, une sorte de partition chaotique où chaque personnage cherche sa place au sein des autres. La série gravite autour d’un club de Jazz parisien mis en danger par un événement dramatique.

Je dois tout de suite vous prévenir que la première heure est assez confuse, et je pense qu’elle en a découragé plus d’un. Damien Chazelle nous avait habitué à une mise en scène frénétique mais maîtrisée, des trames narratives simples, voire minimalistes avec Whiplash. Ici, la caméra bouge dans tous les sens, et on a du mal à saisir des enjeux de l’histoire et les personnages.

Mais il faut donner sa chance à la série : c’est comme au début d’un concert, quand les instruments s’accordent individuellement avant de pouvoir jouer ensemble. Après ce pilote mitigé, lentement mais sûrement l’histoire se met en place, les personnages se dessinent, la mise en scène se pose. D’épisodes en épisodes, j’ai fini par adhérer totalement à la rythmique. Il faut préciser que Chazelle n’a réalisé que les deux premiers, et que les suivants ont été confiés entre autres à Houda Benyamina (Divines). Le rythme varie donc d’un épisode à l’autre, la caméra bouge différemment, mais cela ne trahit jamais l’âme de la série et s’inscrit logiquement dans sa narration à plusieurs voix. Chaque épisode met en avant un personnage, comme si chacun s’accordait un solo. Ce procédé n’est en rien frustrant et on finit par s’attacher à tous : peut-être grâce aux acteurs et au soin accordé à l’écriture, un bel équilibre se met en place, et chaque histoire prend sa valeur, comme si elle était indispensable pour faire résonner l’ensemble.

The Eddy est le récit d’une amitié, qui aborde avec justesse le deuil, l’adolescence, les relations parent-enfant, la drogue, avec une grande empathie pour ses personnages, tous vraisemblablement à un moment très compliqué de leur vie, mais se raccrochant les uns aux autres. Et en trame de fond, il y a bien sur la musique. La bande originale est excellente, et nous rappelle que le Jazz c’est quand même autre chose qu’une musique d’ascenseur. C’est dans les séquences musicales, en groupe, que la série prend toute son épaisseur. Dans la manière immersive qu’a la caméra de filmer en plan séquence, d’un corps et d’un instrument à l’autre. Un épisode centré sur un enterrement est à ce titre le plus réussi et passe par tout le spectre des émotions. Comme dans Whiplash et dans La La Land, il y a toujours cette idée chère à Chazelle que le jazz se meurt et doit renaître sous une autre forme. Il se mêle donc sans complexes à du rap, des influences orientales, et même de la pop, dans une séquence gênante mais hilarante où le groupe se voit contraint de reprendre du Mika pour un mariage. Il y a aussi une mélodie imaginée par le patron, Eliott, qui habite discrètement l’histoire, trotte dans la tête des personnages et se développe au fil des épisodes, jusqu’à sa version finale.

C’est agréable de voir une production US se dérouler dans un Paris qui ne ressemble pas à une carte postale. Chazelle, qui se trouve lui-même entre les deux cultures, s’est entouré d’acteurs américains et français. Les langues se mélangent constamment, et c’est souvent drôle. La promo française a mis en avant le couple formé par Tahar Rahim et Leila Bekhti, et à juste titre, cette dernière est particulièrement touchante, à la fois cassante et sensible. Il y a aussi Benjamin Biolay, producteur de l’ombre mais non moins charismatique, qui attend l’opportunité de faire enregistrer le groupe. Enfin, on ne boude son plaisir de quelques clins d’œil à Whiplash : il est notamment question d’un batteur qui ne joue pas tout à fait dans les temps…

Ne vous fiez pas aux critiques et allez voir par vous-même, c’est peut-être votre tempo.

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