Critique (4)

Dual – Une projection où on a vu double

L’équipe du Grindhouse Paradise festival nous avait concocté une petite soirée cinéma pour Halloween et la première projection de la soirée était assez décalée ! J’ai pu y voir la comédie noire/film d’anticipation Dual réalisée par Riley Stearns (2022) dont je vais vous décrire l’ambiance. 

L’intrigue prend place au sein d’une société où l’on peut se cloner lorsqu’on sait que l’on va mourir, afin que nos proches puissent éviter l’inévitable souffrance liée à notre perte. Mais au fil du visionnage, l’univers qu’on aurait de prime abord soupçonné comme étant futuriste, apparaît plutôt comme une comédie noire sur une réalité alternative. Finalement on n’a pas tellement l’impression d’être dans un monde futuriste, on se sent plutôt ancré à notre époque. 

Un petit clin d’œil à la série Black Mirror

À bien des égards, l’œuvre nous rappelle la série d’anticipation Black Mirror. Dès la scène d’exposition, cela m’a fait penser à l’épisode La Chasse (saison 2, épisode 2) où une jeune femme amnésique se fait traquer par des personnes qui veulent la tuer alors qu’un public muet la filme avec leurs smartphones. Sans rien savoir du film, j’ai au début pensé que cela pourrait s’y apparenter. Cependant, le film qui débute avec un public attentif regardant un duel à mort dans un stade entre deux personnes physiquement identiques, ne prend pas du tout la même tournure que l’épisode qu’il m’a rappelé. Le thème principal évoque plutôt l’épisode Bientôt de retour (saison 2, épisode 1) où une jeune femme essaye de recréer une vie virtuelle avec son mari défunt grâce à un système se servant de l’historique internet de ce dernier. Elle va alimenter l’intelligence artificielle qui ressemble de plus en plus à son petit ami. Cela dit, bien que l’ambiance et l’inspiration soient assimilables, le film développe une identité propre.

Après la scène d’introduction décrite plus haut, on se retrouve à suivre la vie ennuyeuse de Sarah loin de son compagnon, qui semble peu s’intéresser à elle, celle-ci buvant pour oublier sa condition. Pour couronner le tout, elle apprend qu’elle a une maladie incurable et qu’il ne lui reste que très peu de temps à vivre. Après avoir été assurée qu’elle n’avait aucune chance de survie, elle décide afin d’éviter à sa mère de souffrir, de créer un double d’elle. Mais, comme vous vous en doutez déjà, les choses ne se passent pas comme prévu : le temps passe sans que Sarah ne meurt et elle apprend finalement qu’elle est en totale rémission.

capture d’écran du film Dual, Sarah et son double se retrouvent avant le duel à mort

Une ambiance aseptisée

Le film a une ambiance particulière qui fait qu’on oscille entre rire et inquiétude, voire malaise. La photographie est particulièrement froide. La plupart des plans enferment les personnages principaux, l’atmosphère est dans des tons bleutés, gris, parfois verts (pour les plans les plus lumineux). Mais globalement, les couleurs froides rendent le film, si ce n’est austère, en tout cas inhospitalier, à la limite de l’hostile. L’ambiance générale, que ce soit le jeu d’acteur ou l’univers dans lequel les personnages évoluent, est très aseptisée. Une chose est sûre, on ressent un malaise à voir le personnage principal évoluer dans ce monde. L’actrice principale Karen Gillan – que j’avais beaucoup aimé dans la saison 7 de Doctor Who – tient très bien le rôle. Elle semble parfaitement déprimée et résignée, presque impassible. Au début, on ne la pense pas si bête, et pourtant sa naïveté lui fait supporter des situations plutôt gênantes de la part de ses proches.

Le concept de clones veut que l’original doive passer du temps avec son double afin qu’il s’imprègne de sa vie et soit en tout point identique à lui. Cependant, on comprend assez vite que le double veut se créer sa propre personnalité, il n’aime pas la même nourriture, il ne s’habille pas pareil, n’a pas exactement les mêmes goûts. Mais confrontée à la vie ennuyeuse de Sarah et à son entourage toxique, son double ne peut que devenir aussi déprimé qu’elle. 

Finalement, Sarah est éjectée de sa propre vie au profit de son clone qui elle est plus gentille, plus compréhensive, plus docile. Les sentiments, les liens de filiations… la vie n’a plus vraiment de saveur dans un monde où les émotions paraissent taboues, où les gens semblent plutôt privilégier la facilité d’une relation sans accrocs plutôt que la complexité d’une réelle relation humaine liée à la variété d’émotions que l’on possède. Plus l’intrigue avance et plus on se rend compte que la vraie Sarah se sent bien mieux loin de son entourage et reprend goût à la vie. Elle rencontre notamment Trent, avec qui elle devient amie, un professeur d’art martial interprété par Aaron Paul (l’acteur qui joue Jesse dans Breaking Bad (Vince Gilligan, 2008-2013)). Elle s’entraîne avec lui afin de gagner le duel à mort imposé par la loi si le double créé décide de ne pas être supprimé si l’original venait à ne pas décéder.

capture d’écran du film Dual, Trent le professeur d’art martial de Sarah incarné par Aaron Paul

Une histoire d’individualisme ?

Le fil rouge que le long-métrage semble dérouler, c’est que l’existence est vaine si l’on fait les mauvais choix et si l’on ne fait que subir notre existence.

Sarah ne développe une nouvelle vie saine qu’à partir du moment où elle est dans l’action. Elle n’attend plus après les appels de son copain, elle ne se préoccupe plus de ce que sa mère pense d’elle. Finalement, elle commence à renaître de ses cendres au moment où elle va penser à elle et à sa survie. On se retrouve un poil dans l’individualisme, mais il semble que ce soit l’unique porte de sortie pour la Sarah originale. 

Bien que le scénario souffre grandement du fait d’être souvent prévisible, il n’en reste pas moins divertissant. Le fait qu’il soit aussi très second degré lui permet de poser avec un brin de légèreté des questions intéressantes, notamment celle du deuil et, à travers ça, le tabou des émotions considérées comme négatives. Je n’en dis pas plus pour ne pas tout divulguer de l’intrigue et de son dénouement. Même si nous sommes loin du film de l’année, il a le mérite d’avoir marqué mon esprit et pour du cinéma indépendant, il y a quand même au moins deux bon.ne.s acteur.ice.s au casting. Je valide donc pour se divertir devant un petit film de SF. En plus, bonne nouvelle pour celleux qui s’ennuient, il est déjà dispo sur plusieurs plateformes de VOD !

capture d’écran du film Dual : Sarah et son double

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