Attention les enfants, on s’attaque cette fois-ci à un morceau de choix, j’ai nommé l’immense Sergio Leone, Docteur-ès western spaghetti, réalisateur ô combien culte de chefs d’oeuvres tels que Le Bon, la Brute et le Truand (1966) ou encore Il était une fois dans l’Ouest (1968), entre autres merveilles du 7ème art. Au moment de dresser un bilan de la carrière du bonhomme, un désagréable constat fait son chemin dans mon esprit : ce gars-là nous a quittés bien trop tôt, à seulement 60 ans, et il n’a pas eu le temps de faire autant de films que l’on aurait pu le souhaiter. En effet, il n’aura réalisé au final « que » sept films, si l’on excepte les trois ou quatre qu’il a co-réalisé sans être cité au générique, comme par exemple Sodome et Gomorrhe (1960, Robert Aldrich) et Mon nom est Personne (1973, Tonino Valerii).
Cela ne l’a cependant pas empêché de laisser une empreinte durable dans l’histoire du cinéma en tant que réalisateur culte, souvent cité comme principale influence par des prodiges du grand écran de la trempe de Clint Eastwood et Quentin Tarantino, dont les récents westerns Django Unchained et Les Huit Salopards portent très clairement la marque du Maître.
Pour comprendre au mieux la place que Leone occupe dans le panthéon cinématographique de votre humble serviteur que je suis, il faut se replonger presque vingt ans en arrière dans sa plus tendre enfance.
En effet, alors que je ne devais pas avoir plus de 7 ou 8 ans, mon cher père se donna pour mission de nous faire découvrir à mon frère et moi l’oeuvre de l’ami Sergio par le biais de son film le plus célèbre : Le Bon, la Brute et le Truand. Ma culture personnelle du western se limitait alors à l’image qu’en avait donnée le cinéma hollywoodien de l’âge d’or, lorsque ses plus éminents représentants se nommaient John Ford, Howard Hawks et John Sturges, et dont les héros étaient systématiquement des cow-boys au grand cœur et à la morale inflexible sous les traits de John Wayne, Gary Cooper ou James Stewart.
Quelle claque dans la face pour le cinéphile naissant que j’étais à l’époque, quel traumatisme audiovisuel que ce film, qui m’a fait passer d’horribles nuits hantées de cauchemars sordides ! Ce dont je me rappelle le plus, c’est la tendresse, l’empathie que m’inspirait le personnage de Tuco, génialement interprété par Eli Wallach dans ce qui constitue probablement le rôle de sa carrière. Je ne comprenais absolument pas le traitement qui lui est réservé par le reste des personnages, en tête desquels le Bon, le fameux « homme sans nom » indissociable de son interprète Clint Eastwood, qui prend un malin plaisir à le torturer physiquement et psychologiquement, le tout avec un sadisme incompatible avec son statut de « gentil ». L’ambiguïté morale des héros leoniens me choquait autant qu’elle me passionnait, et elle participe à créer des personnages iconiques et intemporels. Ainsi qui ne se souvient pas de ces acteurs, ces « tronches » patibulaires que sont Lee Van Cleef ou Gian Maria Volonté, qui donnent vie à des personnages iconiques et terrifiants tels que le Général Sentenza et l’Indien ? Une illustration du détournement systématique des codes du western classique opérés par le père spirituel du spaghetti est la présence au casting d’Il était une fois dans l’Ouest d’Henry Fonda en bad guy impressionnant, lui qui était auparavant abonné aux rôles de nobles héros sans reproches.Mais cette introduction à l’art de celui qui prenait le pseudonyme de Bob Robertson au début de sa carrière m’a surtout permis alors de me rendre compte de ce qu’était véritablement le travail d’un réalisateur au cinéma. Le montage et les échelles de plan étaient autant de notions auxquelles je ne prêtais que peu d’attention avant de découvrir ces films qui constituent la quintessence du western spaghetti. L’importance du travail sur le temps, la tension dramatique ou encore la musique chez Sergio Leone, qui sautent aux yeux de tout cinéphile averti, commence alors à m’apparaître clairement et fait, je pense, naître chez moi une vocation d’amoureux du cinéma. Certaines scènes de ces films, magnifiés par les bandes originales extraordinaires d’Ennio Morricone, sont imprimées à jamais dans mon cerveau et possèdent une puissance évocatrice rarement égalée depuis, je pense ici notamment aux scènes de duel, ou plus précisément à la scène du passage à tabac de Tuco par les sbires de Sentenza dans Le Bon, la Brute et le Truand, tandis que des soldats prisonniers jouent un air de musique mélancolique afin de couvrir le bruit des coups qui pleuvent. Il faut souligner le travail du génial compositeur tant il est indissociable de l’A.D.N. du cinéma de Leone, et inversement, tant ses compositions sont emblématiques de ces films.
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