Dans une société où tout va plus vite qu’on ne le voudrait, où l’on a à peine le temps de s’excuser lorsqu’on bouscule quelqu’un par mégarde à la sortie du métro, qu’advient-il d’une personne qui, au milieu de l’effervescence tokyoïte, a pour travail d’entretenir les toilettes ?
Dans une invitation à s’arrêter un instant pour prêter attention aux petits détails, à ce qui est d’ordinaire ignoré et non apprécié, Wim Wenders, en nous transportant dans le quotidien d’Hirayama, met à l’épreuve une perspective de la vie centrée sur la réussite.
Un film qui ne se limite pas à une narration du quotidien d’Hirayama
Comparé aux grands films hollywoodiens, remplis d’action et de tumultes avec un héros plein d’ambition, le spectateur déchante un peu avec notre personnage principal qui n’a, a priori, rien d’extraordinaire. Cependant, si celui-ci prend le temps de se poser, l’espace d’un moment, et de s’isoler du bourdonnement de la société, il appréciera d’avoir été emporté dans la perspective d’un observateur à l’œil attentif. Méditatif, ce film laisse pensif sur ce qui, au final, fait la beauté de l’existence.
Un personnage entre deux eaux ?
Les journées d’Hirayama sont rythmées par ses routines matinales et nocturnes, qui en deviennent presque des rituels. Notre personnage principal, au final, n’est ni tout à fait au centre de la société comme sa sœur, ni tout à fait à l’extérieur, comme ce sans-abri qu’il aperçoit lors de son déjeuner. On pourrait se demander si Hirayama, à travers ce mode de vie, n’essaie pas de s’accrocher au peu de contrôle qui lui reste sur un monde qu’il ne fait que traverser. Il est coupé d’une bonne partie de sa famille, sans carrière notable, et sans partenaire non plus. Mais alors, qu’est-ce qui peut bien faire qu’il aborde chaque journée avec le sourire et avec positivité ?
Comme il le dit à sa nièce lors d’une discussion, « la prochaine fois, c’est la prochaine fois, maintenant c’est maintenant ». Malgré le fait que la vie n’est en rien parfaite, chaque jour peut l’être, et il suffit de cinq minutes.
La recette à cela ? Selon Wim Wenders, c’est d’être dans le présent et de se satisfaire des petites choses du quotidien, tout en n’oubliant pas son passé.
Ainsi, un mot espiègle glissé dans un coin, un bon repas le soir dans une enseigne avec un patron sympa, un rayon de soleil entraperçu à travers les feuilles des arbres… cela suffit à notre protagoniste pour être comblé.
Un film qui transmet une forme de contemplation à travers ses prises de vues
Cette appréciation de la vie est aussi dépeinte grâce à une esthétique remarquable dans le choix des plans, entre ceux qui reflètent une réalité brute, et ceux qui font transparaître une contemplation se rapprochant de l’onirique.
Grâce à un personnage principal qui est maître en l’art d’observer, on se retrouve fascinés devant la beauté inattendue de Tokyo, une ville que l’on caractérise habituellement dans notre esprit comme une mer d’édifices de béton, dans laquelle on a du mal à naviguer, menacé d’être englouti par la marée humaine. Ce film, au final, nous fait un peu sortir la tête de l’eau par sa perspective rafraîchissante.
Perfect Days, un film qui communique l’amour pour la musique
« Perfect Days » c’est aussi un film qui transmet bien l’amour pour la musique. Le soleil couchant, notre protagoniste dans son van, roulant avec en fond « Feeling Good », chantée par Nina Simone. Une scène riche en émotions, accentuée par une chanson qui donne des frissons tant elle est parfaitement adaptée au moment.
Kōji Yakusho, et sa performance remarquable dans son incarnation du personnage d’Hirayama
Il faudra tout de même applaudir Kōji Yakusho, qui termine parfaitement le film, nous montrant pendant ces 123 courtes minutes une performance saisissante, malgré un personnage qui ne prononce que peu de mots. Le rôle d’Hirayama lui vaudra donc, à mon avis, le prix mérité au Festival de Cannes de la meilleure interprétation masculine 2023.