Cette période de l’année fait la part belle à l’horreur dans le monde du septième art. Aujourd’hui, c’est l’occasion de revenir sur un sous-genre d’horreur à la fois réputé et pourtant toujours méconnu : le body horror. Cette catégorie a depuis bien longtemps influencé la littérature gothique, en puisant ses origines vers la fin du dix-huitième siècle. Trois cents ans plus tard, le cinéma se l’est parfaitement appropriée, utilisant moult effets visuels et sonores pour impacter le spectateur, pas toujours prêt pour les péripéties qui émaillent ces longs-métrages. Cette sélection n’a vocation ni à se faire exhaustive, ni à définir ce qu’est un bon ou un mauvais body horror. Elle reste surtout destinée aux curieux, aux connaisseurs comme aux néophytes, et vise principalement à exposer la richesse incroyable des thèmes, atmosphères et intentions abordés par ce genre cinématographique beaucoup plus qualitatif que ce que sa réputation en a parfois fait.
CAMP 731, Mou Tun-fei (1988) :
• De quoi ça parle ? Le film expose l’unité 731, fondée par le général Shirō Ishii dans les années 30 en pleine campagne chinoise. Inspiré de l’histoire vraie des crimes contre l’humanité commis par les Japonais à l’encontre de leurs prisonniers de guerre : on y trouve surtout des Chinois, des Coréens, voire même quelques Russes et Américains. Le réalisateur s’attarde sur les expérimentations menées à l’intérieur du camp.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Il est toujours particulièrement délicat de s’attaquer à une histoire vraie pour en proposer un véritable film d’horreur. Pourtant, Camp 731 était plus que nécessaire. Le Japon refusant toujours de présenter des excuses claires à la Chine, en reconnaissant sa participation pleine et entière dans les tortures et sévices infligés, il s’agissait là d’un véritable réquisitoire de la part du réalisateur taïwanais, qui expose avec une méticulosité terrifiante plusieurs tableaux tourmentés. Il s’agit moins ici de développer une narration, que d’essayer de représenter la mort sous toutes ses formes, et la lente agonie subie par des personnages qui restent la plupart du temps anonymes.
• L’anecdote perso ? Découvrir un film comme ça à l’aube de ses seize ans, autant dire que ça tape. Une première qui coïncidait justement avec ma propre découverte de ce volet tragique sur lequel les cours d’Histoire du lycée ne s’attardaient pas spécialement. Le visionnage a été traumatisant (et unique…), et pourtant sans regret.
• 1er degré ou pas ? On est sur un premier degré absolu. Inutile de regarder ça à plusieurs en mode bande de potes avec de la bière et une pizza. Absolument rien dans ce film ne donne envie de le prendre à la légère ni d’essayer d’en rire.
• Niveau de gore ? Intense. Certaines scènes se gravent sur la rétine de manière intemporelle. Le côté très naturaliste du montage expose une vérité brute, et la qualité des effets, surprenante pour l’époque, pose à plusieurs reprises la question du snuff-movie (soupçons très récurrents pour ce qui concerne le cinéma d’horreur des années 80). Si la magie du septième art est justement là pour prodiguer des illusions, autant dire que Camp 731 fonctionne à fond pour faire croire à ce qu’il représente.
• Note globale : 5/10. Le film s’imprime dans les esprits, et mérite la moyenne pour son côté revendicateur et son rappel d’une Histoire souvent méconnue, surtout en Occident. Toutefois, l’absence totale de synopsis un tant soit peu construit, le jeu très plat des acteurs incarnant l’état-major japonais, et la disparition totale de mise en scène au profit d’un aspect plus documentaire ne permettent pas de gonfler la note.
THE HUMAN CENTIPEDE (FIRST SEQUENCE), Tom Six (2009) :
• De quoi ça parle ? Deux touristes américaines en Allemagne se retrouvent prisonnières des griffes d’un ancien médecin nazi, adepte d’expérimentations particulièrement abominables et dont l’objectif est clair : élaborer une sorte de mille-pattes humain.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Le film, depuis devenu une trilogie, pique et tape non seulement via les modifications corporelles infligées par un scientifique à plusieurs victimes innocentes, mais aussi à travers la pratique de la scatologie, inévitable compte tenu du projet. Ici, Tom Six pousse la cruauté à son paroxysme. Plusieurs plans mettent en scène l’amour de la traque, le côté prédateur du docteur Heiter. L’aspect huis clos perdu au fin fond d’une forêt allemande fonctionne également à la perfection. The Human Centipede a réussi, malgré son résumé outrancier, à offrir une promesse tenue pour son spectateur. Il puise dans plusieurs ressorts du film d’horreur : touristes sorties de leur cadre habituel, isolement et incapacité à réclamer de l’aide, manipulation physique, torture psychologique, dérives issues d’une expérience qui tourne mal… Le résultat est là : un body horror intransigeant et qui a su imposer son style, quoi qu’on en dise.
• L’anecdote perso ? Vous les connaissez, hein, ces films qu’on regarde dans le cadre d’un pari foireux ? Eh ben voilà. J’avais beau redouter l’expérience, j’ai quand même réussi à être agréablement surprise du résultat, étant donné le niveau de tension, et la capacité du réalisateur à nous rendre sensibles aux épreuves vécues par les personnages.
• 1er degré ou pas ? En dépit du côté risible du scénario, The Human Centipede s’attache très fortement à un premier degré qui est sûrement son meilleur atout pour être un tant soit peu pris au sérieux par le public. En utilisant les rouages du dégoût jusqu’à son paroxysme, et des acteurs crédibles pour renforcer le sentiment d’horreur, on n’a clairement pas envie de se marrer au visionnage.
• Niveau de gore ? Le gore est ici plus psychologique que physique, même si la caméra n’épargne pas certains détails graveleux, conséquence des opérations et manipulations effectuées. Si le premier volet est le plus “regardable” des trois films, il demeure qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains – et on le comprend. Apprécier le visionnage – si l’on peut dire – implique de réussir à surmonter le dégoût qu’inspirent, pour une grande majorité d’entre nous, les vices exposés à l’écran.
• Note globale : 6/10. L’audace de Tom Six paye. Il fallait un sacré culot pour oser faire un film avec un pitch pareil, et pourtant. The Human Centipede est entré dans la lignée des films cultes du body horror, grâce à des plans assumés, et à un Dieter Laser qui se régale en ancien nazi cruel et absolument dénué d’empathie. Un film qu’il ne sera peut-être pas utile de revoir, mais dont le premier visionnage peut tout de même valoir le coup.
WOLF CREEK I et II, Greg McLean (2005 et 2013) :
• De quoi ça parle ? Les deux films se basent sur un scénario équivalent : des touristes se retrouvent pris au piège des filets de Mick Taylor, un Australien issu de l’arrière-pays, et qui voue une haine farouche aux étrangers déambulant sur son territoire.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Greg McLean a commencé en douceur avec le premier opus, en appuyant notamment sur le côté survival d’une histoire de touristes isolés en plein cœur de l’Australie. Pourtant, déjà, Mick Taylor était présenté aux spectateurs comme un tueur impitoyable, inspiré du tueur tristement célèbre : Ivan Milat. Les sévices corporels infligés aux femmes qu’il agresse sexuellement entre deux tortures, et le sort qu’il réserve à leurs dépouilles, sont concentrés dans le milieu du film, mais consacrent déjà Taylor comme l’une des pires ordures du cinéma de genre. Sadique et vicieux, il n’offre aucune échappatoire à ses victimes, et la tension sexuelle qu’il introduit dans le traitement qu’il leur consacre (aux hommes tout aussi bien qu’aux femmes) plane en permanence.
• L’anecdote perso ? “C’était l’époque d’internet de l’époque”, à savoir ces années où l’on pouvait dénicher des films avec une image de qualité relative sur Dailymotion en dix parties, bien sûr introuvables ailleurs. L’expérience de visionnage m’est restée toutefois très marquante, et d’autant plus après avoir appris l’histoire des touristes assassinés violemment par Ivan Milat. Une très bonne découverte, à l’époque où Wolf Creek n’était encore que très peu connu.
• 1er degré ou pas ? Le premier film joue à fond la carte du premier degré. L’atmosphère musicale réduite au strict minimum, le manque de budget incluant des plans rapprochés sur les visages horrifiés des victimes, et le décor lui aussi minimaliste, ne permettent pas une prise de recul sur leurs mésaventures. En revanche, le deuxième film, gonflé par un budget intéressant, et par une autre vision de McLean sur Mick Taylor, est déjà beaucoup plus cynique. Ce changement de registre n’ôte pas grand-chose à l’effroi que suscite le tueur en série, et autorise le réalisateur à tabler sur un autre projet, un autre rendu. Et ça marche.
• Niveau de gore ? Le premier opus reste raisonnable, hormis un ou deux plans sensibles qui rendent hommage à la qualité du maquillage et à la gestion des décors. Le deuxième se veut beaucoup plus outrancier, notamment sur les scènes de début et de fin. Bien que brut de décoffrage, l’effet tolère un visionnage (presque) tout public, malgré quelques séquences qui ne sont pas sans rappeler les tortures vues dans Hostel.
• Note globale : 7/10 et 8/10. Si l’expérience du premier Wolf Creek avait été très plaisante, le deuxième développe un peu plus sa propre mythologie, pour proposer au public de s’approprier définitivement le personnage de Mick Taylor. À la clé, deux très bons divertissements, et une évolution qui ne salit l’impact d’aucun des deux opus.
THE FARM, Hans Stjernswärd (2018) :
• De quoi ça parle ? Un couple en vadrouille dans un coin reculé se retrouve capturé par une bande d’individus étranges, et qui s’apprêtent à leur faire payer leur goût pour la viande animale, en les contraignant à un sort similaire dans une ferme.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Le film table autant sur le meurtre que sur la torture, parfois prolongée. Sous couvert d’un message qu’on imagine inspiré des revendications pro-véganes, il s’agit là de multiplier les occasions pour renvoyer au public, en un effet miroir, les aberrations issues de la plupart des élevages, notamment industriels. On imagine rapidement ce à quoi cela pourrait ressembler une fois appliqué aux corps humains. Le body horror est en effet un genre préférentiel pour tout ce qui concerne le sadisme, largement mis en exergue dans The Farm. Il s’appuie aussi sur le voyeurisme du public, qui sera tour à tour embarqué dans l’envie de voir jusqu’à quel stade iront les cruautés, et dans le malaise généré par ce parallèle dérangeant. La promesse était alléchante, malgré un manque de rythme qui sabote grandement le projet initial. L’ennui finit par plomber le long-métrage en lieu et place de l’effroi, voire même du plaisir jouissif de découvrir les différents tableaux.
• L’anecdote perso ? Vous connaissez ce moment où vous ignorez quoi regarder, où vous cherchez un petit film d’horreur pas piqué des hannetons, et où vous vous faites avoir par les quelques visuels et le résumé sur Amazon Prime ? Ben voilà.
• 1er degré ou pas ? On nage cette fois davantage dans les eaux du second degré. Les personnages victimes sont tout sauf crédibles, peu aidés par la qualité de jeu des acteurs qui les incarnent. Quant aux masques d’animaux portés par les bourreaux de The Farm, leur bizarrerie ressemble moins à celle de The Purge qu’à une mascarade qui, à terme, finit par lasser assez vite.
• Niveau de gore ? Assez modéré, finalement. L’impact psychologique reste le plus fort dans l’histoire, mais une scène ou deux sont assez poussées pour rendre le visionnage parfois plus difficile.
• Note globale : 4/10. La déception est totale. Il y avait de quoi livrer un film d’horreur à la fois efficace et engagé, permettant de pousser très loin les revendications véganes, et alliant l’authentique au divertissement. On se retrouve malheureusement avec un film qui devient presque passe-partout et surtout largement oubliable, malgré une conclusion se voulant brutale et marquante.
CANNIBAL HOLOCAUST, Ruggero Deodato (1980) :
• De quoi ça parle ? Une équipe de secours se lance en Amazonie, dans les derniers territoires cannibales, à la recherche de quatre reporters sulfureux n’ayant plus donné signe de vie. Leur espoir ? La découverte des bobines, qui leur permettra de découvrir le parcours périlleux des disparus.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? On ne présente plus Cannibal Holocaust. C’est LE film gore par excellence qui a fait parler toute une catégorie de jeunes cinéphiles, dans la lignée de A Serbian Film, voire Salo ou les 120 jours de Sodome. Les violences infligées aux animaux dans le film (réelles…), comme aux personnages humains, ont poussé le public à suspecter le réalisateur d’avoir cédé à la pratique du snuff movie. Le sujet de l’histoire, et l’immersion au sein des peuples cannibales promettent une brutalité permanente, en jouant sur le cliché du “sauvage”. Il reste un film de référence pour tous ceux qui ont tenté – sans succès – de jouer la même carte, via une immersion très anxiogène. Force est de constater qu’en dépit des polémiques qu’il a suscitées, le long-métrage n’a laissé indifférents ni ses défenseurs ni ses détracteurs.
• L’anecdote perso ? Découvert lui aussi lorsque j’avais seize ans, Cannibal Holocaust a été une expérience de cinéma qui, à l’époque, avait tout de sulfureuse. J’ai tout de suite été fascinée par ces images, par l’aspect documentaire, comme par le casting d’une qualité inégale, mais accrocheur. Encore aujourd’hui, c’est un film pépite que je trouve toujours aussi intéressant à regarder.
• 1er degré ou pas ? Largement. Deodato n’est pas un tendre, et Cannibal Holocaust révèle cette dureté, cette intransigeance qui frappe les corps victimes de la jungle, des Indiens, mais aussi d’eux-mêmes. La caméra expose la folie comme la bêtise des Occidentaux, mis à la même hauteur que certains conflits, considérés comme bestiaux, entre plusieurs tribus cannibales. Le film transpire une forme de misanthropie terrible, qui augmente la force et la portée de l’œuvre.
• Niveau de gore ? On est pas mal. Tout au long du film, c’est la farandole des tripes à l’air, des viols, des cadavres qu’on abîme, des animaux qu’on dépiaute pour se nourrir, du sang, du sperme, du vomi, et j’en passe. Même une expérience significative du body horror ne vaccine pas tout à fait de ce qu’il se passe à l’écran.
• Note globale : 7/10. Cannibal Holocaust tient toujours la route, aujourd’hui. En dépit des apparences, le film est d’une actualité brûlante, lorsqu’il condamne le voyeurisme des grands reporters. Sous couvert de faire partager au reste du monde les horreurs qui perdurent dans des environnements hostiles, les caméras et leurs loupes déformantes souillent, et cautionnent des comportements que fustige férocement Ruggero Deodato.
HOSTEL, Eli Roth (2005) :
• De quoi ça parle ? Un groupe d’amis en vacances (deux Américains et un Islandais) effectue le tour de l’Europe et des quartiers rouges, dans l’intention de se livrer à une orgie de sexe et de consommation de produits stupéfiants en tout genre. Mais leur passage en Slovaquie va leur réserver une très mauvaise surprise.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Tout le monde connaît Hostel. Tout le monde a aussi son avis sur le film, qui n’est certes pas réputé pour sa qualité cinématographique. Pourtant, le long-métrage a atteint le statut d’œuvre culte, et son réalisateur Eli Roth n’est pas un débutant en la matière. Ami de Quentin Tarantino, et nourri par une culture de l’horreur et de l’excès qui a fait sa signature, Roth a contribué à créer une nouvelle vague de slasher, dont les codes ont radicalement changé au début des années 2000. Hostel n’a en outre pas à rougir concernant son ambiance particulièrement glauque et macabre. L’Europe de l’Est n’aura jamais paru aussi effrayante : le scénario se sert largement des clichés totalement embrassés par les personnages, à la fois naïfs, opportunistes et voraces. Quelques scènes valent le coup en matière de torture, et certains se souviendront probablement de l’emploi très créatif du chalumeau. Le cynisme du film propulse lui-même un certain message, concernant les touristes prêts à tout (encore aujourd’hui) pour débourser le moins possible, dans des pays pauvres et dépendants de cette manne économique.
• L’anecdote perso ? Hostel, c’était l’occasion de rentrer dans le monde d’Eli Roth, et de découvrir, en pleine adolescence et à l’ère du streaming de mauvaise qualité, les premiers slashers américains. Un très bon souvenir.
• 1er degré ou pas ? Absolument pas. Fidèle à son style, Eli Roth joue la carte de l’humour noir à 100%. On rit autant du malheur des personnages que de leur bêtise et de leur ignorance.
• Niveau de gore ? Acceptable. Le film est largement regardable, et ce par un public adolescent, qui n’ira pas chercher trop loin les défauts de l’histoire ni du jeu des acteurs. Hormis quelques scènes franchement repoussantes, Hostel fait partie du sommet de l’iceberg, en matière de body horror.
• Note globale : 6/10. Le film n’a pas trop mal vieilli, mais les pérégrinations de Jay Hernández, et le casting d’une qualité plus que moyenne tranchent avec ce que l’on a pu voir plus tard au cinéma et dans le même registre. Il n’est pas désagréable à visionner de nouveau pour autant, ne serait-ce que pour constater l’évolution du genre depuis vingt ans.
WELCOME TO THE JUNGLE, Jonathan Hensleigh (2007) :
• De quoi ça parle ? Un groupe d’amis en vacances décide de se lancer sur la piste de Michael Rockefeller (fils du vice-président américain), disparu en 1961 en Nouvelle-Guinée, et présumé mort dans des circonstances inconnues. Leur exploration en plein territoire cannibale les expose à un danger qu’ils ont largement sous-estimé, sur fond d’engueulades, de mauvaise gestion de leurs maigres ressources, et de rivalités.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Welcome to the Jungle assume totalement de marcher sur les platebandes d’un Cannibal Holocaust. Le film joue sur les mêmes ressorts : la mission des personnages justifiant leur exploration d’une jungle hostile, le risque de tomber sur une peuplade cannibale, et les prises de décision malhabiles des différents protagonistes qui les précipitent vers le pire. Les rares visuels du long-métrage, sorti directement en DTV, jouaient à fond la carte du cannibalisme, avec les scènes d’attaques, de tortures et de dépeçage qui en découlent presque naturellement. Malheureusement, la promesse n’est pas tenue, et on ne comptera qu’une seule scène véritablement perturbante graphiquement, directement pompée de l’œuvre mère de 1980. Si la copie pousse un peu plus loin en impliquant l’un des personnages féminins principaux, contrairement à Cannibal Holocaust qui utilisait pour ce faire une femme indigène, l’audace s’arrête ici.
• L’anecdote perso ? J’avais été particulièrement emballée par Cannibal Holocaust. Autant dire que la déception a été de taille. Pourtant, la qualité étonnante du doublage français, compte tenu de la médiocrité du film, m’a marquée. Certaines répliques très réussies sont directement rentrées au panthéon de mes punchlines personnelles. Un bel exploit.
• 1er degré ou pas ? Welcome to the Jungle n’est même pas mesurable, à ce stade. Impossible de prendre l’histoire et les personnages au sérieux. Le film ne mérite pas mieux que de servir de fond sonore. Il n’aurait pas démérité sous forme de saga MP3, étant donné le manque d’intérêt flagrant de la plupart des scènes.
• Niveau de gore ? Quasi inexistant. Le manque abyssal de budget empêcherait toute scène graphique de ressembler à une vraie amputation. L’usage du noir, des ombres et du hors-champ concerne l’immense majorité des rares scènes impliquant les cannibales.
• Note globale : Selon l’état d’esprit, entre 3/10 et 5/10. On a presque l’impression de voir une bande de potes filmer en amateurs un faux long-métrage, caméra à l’épaule, en souvenir de leurs vacances et en improvisation permanente. Le rendu n’est pas si désagréable, si on est un adepte des montages bordéliques, et des personnages débiles mais à la langue bien pendue. En revanche, les vrais amateurs d’horreur crieront (à raison) à l’escroquerie.
ELEPHANT MAN, David Lynch (1980) :
• De quoi ça parle ? Le film s’attarde sur la vie de Joseph Merrick, surnommé “l’homme-éléphant”. Londonien vivant à la fin du dix-neuvième siècle, il est frappé par des déformations physiques rendant son apparence peu compatible avec un quotidien ordinaire.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? L’aspect particulièrement repoussant de Joseph Merrick fait du Elephant Man de David Lynch un film unique en matière de body horror. Ici, aucune manipulation ni chirurgie : “l’horreur” est déjà présente. Plus qu’en étant seulement vécue et subie par le personnage principal, elle se manifeste surtout via les réactions des autres protagonistes ; tour à tour dans l’empathie, dans la générosité et dans l’affection, pour mieux sombrer dans la méchanceté gratuite, le mépris et le dégoût. Lynch encourage par-dessus tout ses spectateurs à faire preuve de compassion, envers un homme dont la candeur et la naïveté n’ont d’égale que sa volonté de s’intégrer comme il le peut, dans un monde qui ne veut pas de lui. Il s’agit d’une horreur plus subtile et moins visuelle (en dépit des prothèses frappantes et très réussies). Elephant Man a beau être un film de monstre, les créatures mauvaises sont bien les exposants de foires aux “freaks” dont l’Europe restait, à l’époque, très friande.
• L’anecdote perso ? J’ai vu le film particulièrement tard, poussée par un collègue cinéphile. Elephant Man faisait partie de ma réserve de films dits “cultes”, que l’on garde parfois pour plus tard, au moment où l’occasion semblera idéale. L’attente n’était pas inutile.
• 1er degré ou pas ? Oui, et on n’en attendait pas moins de cette forme de biopic consacré à Joseph Merrick. La monstration exposée dans le film ne prête pas à rire, mais fait prendre conscience de la dureté du dix-neuvième siècle, de sa doxa. Et ceux qui ont vu Vénus noire sauront de quoi je parle.
• Niveau de gore ? Particulièrement modeste, puisqu’il ne s’agit ici ni d’effusion de sang ni de visuel particulièrement effrayant. Là encore, c’est surtout le versant émotionnel qui est exploité par un David Lynch très inspiré.
• Note globale : 8/10. Aucune surprise, ici. Le film est culte, et s’il peut paraître étrange de le rattacher au body horror, c’est parce que l’œuvre de David Lynch s’affranchit largement de toute catégorie possible, en ne puisant pas uniquement dans l’horreur, qui n’est malheureusement jamais très loin autour de Merrick. Le film est culte. Point barre.
AMERICAN MARY, Jen Soska et Sylvia Soska (2012) :
• De quoi ça parle ? Une étudiante en médecine, désargentée et désabusée, se retrouve plongée dans le monde des modifications corporelles clandestines.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? American Mary tape pile dans le cœur du body horror, avec tout ce que cela comporte de chirurgie hardcore, de modifications corporelles, de trafics, et de plongée vertigineuse pour le personnage principal dans un vortex sans conclusion heureuse. Les amateurs d’hémoglobine en auront largement pour leur argent. Les réalisatrices s’éclatent à faire de leur héroïne une véritable madone de la chirurgie. L’évolution de Mary est aussi jouissive qu’intéressante, et la beauté fatale de cette jeune femme, tout droit sortie d’un film noir, confère une patte unique au long-métrage. Par ailleurs, les protagonistes féminins sont rarement mis en valeur dans ce type de longs-métrages, et American Mary se démarque par ce point de vue qui se prête à des messages féministes et cohérents, en dépit de certaines scènes parfois excessives. Même le peu de budget alloué aux effets spéciaux n’ôte rien à l’aura de cette véritable Bloody Mary, portée par le charisme d’une Katharine Isabelle incarnant un ange de la mort vengeur que n’aurait pas boudé Coralie Fargeat.
• L’anecdote perso ? C’est le genre de pépite qu’on finit par dénicher en creusant, lors d’une bonne session de déterrage de body horrors méconnus. Visionnée sur une plateforme obscure de streaming probablement supprimée et disparue depuis belle lurette, l’expérience était sympathique, et aussi plaisante que surprenante.
• 1er degré ou pas ? Clairement que oui. Les réalisatrices marchent sur le chemin du premier degré. Peut-être que quelques scènes d’humour auraient en effet dénaturé le projet final ou, à l’inverse, donné un peu de légèreté à une œuvre qui se prend particulièrement au sérieux.
• Niveau de gore ? Quelques scènes singulièrement osées peuvent rendre le visionnage difficile. Il reste néanmoins tout public, et peut être une bonne option pour ceux qui veulent s’essayer au body horror moins mainstream que les quelques films qui tournent sur les circuits plus ordinaires.
• Note globale : 7/10. American Mary n’est certes pas la fiction du siècle, mais reste un long-métrage honnête, et dont la proposition tient la route. Il reste une petite pépite pour les cinéphiles qui aiment les trouvailles faites à force d’écumer les annuaires de cinéma de genre. On ne boude pas son plaisir, et autant dire qu’on aimerait tomber sur des body horror du genre plus souvent.
LA MOUCHE, David Cronenberg (1986) :
• De quoi ça parle ? Un scientifique obsédé par l’idée de créer des machines de téléportation se retrouve victime d’une dérive de ses propres expériences, suite à un incident.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Le niveau de cruauté de La Mouche explose tous les compteurs, et pour cause. Les personnages principaux, incarnés par Jeff Goldblum et Geena Davis, ont largement la place pour exposer leurs enjeux, leurs sentiments, et construire à l’écran leur relation amoureuse on ne peut plus crédible (et pour cause, les acteurs se fréquentaient à la ville). La dégradation de l’apparence de Goldblum, aussi étrange qu’inexorable, met à mal son couple, sa santé, et jusqu’à sa vie même. L’aliénation intérieure, couplée à l’horreur physique qui se développe à vue d’œil, tape très fort dans l’essence même du body horror. Car La Mouche est une œuvre à la fois viscérale, et profondément charnelle, voire sensuelle, dans son premier tiers. Le rapport à la chair est au centre des enjeux, et jusqu’aux échanges et conversations entre les personnages. L’influence de la science déraisonnable, la peur des expériences qui tournent mal, la tournure de l’histoire et la transformation du héros en monstre véritable sont autant de ressorts d’horreur que Cronenberg manie à la perfection.
• L’anecdote perso ? C’est le genre de films qui a fait bien mal par là où il est passé. La faute à mon amour naturel pour Goldblum, à la bande sonore incroyable d’Howard Shore, et à la tragédie rondement menée à grand renfort d’effets spéciaux à vomir. Autant dire qu’encore aujourd’hui, le visionnage n’est possible que dans un certain état d’esprit.
• 1er degré ou pas ? Hormis quelques dialogues (particulièrement bien écrits) prononcés par Goldblum à l’égard de son personnage avec un humour noir déprimant, La Mouche de Cronenberg joue dans la team premier degré sans aucun doute.
• Niveau de gore ? Maximal. Plus le film avance, plus le gore prend de la place, suinte, jusque là où on ne l’attend pas. Traumatisant et déconseillé à un public trop jeune, il est difficile de ne pas faire des comparaisons douloureuses avec l’impact de certains maux et de leurs traitements, à l’image du cancer.
• Note globale : 9/10. Chef-d’œuvre, réflexion profonde sur l’Homme, sa nature viscérale et “politique”, La Mouche est un indispensable, un must que tout cinéphile doit avoir vu au moins une fois dans sa vie. On comprend, après le visionnage, les multiples références que ses successeurs continuent de lui offrir, sans jamais pouvoir égaler une tragédie pareille.
OLD, M. Night Shyamalan (2021) :
• De quoi ça parle ? Un couple au bord de l’implosion décide de partir en vacances avec ses deux enfants dans un coin paradisiaque. L’expérience offerte par l’hôtel leur promet monts et merveilles, avant de tourner rapidement au cauchemar, les emprisonnant sur une plage déserte aux effets dévastateurs sur leur organisme.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? La peur du vieillissement et de la déliquescence physique sont des thèmes très récurrents du body horror. L’idée qu’un réalisateur aussi mystique et affirmé que M. Night Shyamalan s’attaque au sujet avait tout d’excitant, comme d’angoissant. Il reprend presque les codes du slasher movie, en déviant légèrement les cadres du genre : ici, le tueur n’est autre que le temps qui passe, brutalement raccourci, et dont les effets sont tels qu’ils génèrent une peur panique. Mieux, il rend le spectateur brutalement attentif, traquant les indices pouvant révéler la prochaine mauvaise nouvelle, la prochaine évolution ou le prochain délabrement. Ce type de contre-la-montre, peu exploité jusqu’alors, auréole le scénario de Old d’une certaine fraîcheur. La multiplicité des protagonistes permet, en outre, de proposer un panel complet et assez satisfaisant des effets du vieillissement sur leur santé mentale et physique. Du pur fan-service en matière de body horror.
• L’anecdote perso ? En énorme aficionada de Shyamalan, j’attendais beaucoup de ce long-métrage adapté de la bande dessinée française Château de sable. Sans m’attendre à grand-chose d’un film sorti en pleine pandémie de Covid, la déception était palpable, pour une histoire dont j’attendais peut-être qu’elle aille plus loin, ou s’oriente vers une autre direction.
• 1er degré ou pas ? Totalement. Aucun humour n’est présent sur toute la durée du long-métrage. Le réalisateur a beau poser un regard plus ou moins compatissant sur ses personnages, l’humour et Shyamalan n’ont jamais fait très bon ménage, et c’est encore le cas ici. Le côté angoissant de ce futur soudainement rétréci pour les protagonistes de Old ne prête, en outre, même pas à sourire.
• Niveau de gore ? Les quelques scènes montrant des conséquences physiquement gores sont peu nombreuses, et malheureusement gâchées par des effets numériques mal dosés. Pourtant, l’impact psychologique, lui, a largement de quoi faire des ravages. Le public sensibilisé quotidiennement à la peur du vieillissement, dans une société valorisant principalement le jeunisme, aura largement de quoi cogiter devant certains ressorts aussi osés que surprenants.
• Note globale : 7/10. Le film ne mérite sûrement pas tant, mais le synopsis, les effets de cette plage qu’on ne peut bientôt plus voir en peinture, et le respect de la montée dramatique progressive de Old restent suffisamment intéressants pour nous accrocher jusqu’au bout.
SAW, James Wan (2004) :
• De quoi ça parle ? Deux hommes se réveillent enchaînés dans une salle de bain, un cadavre près d’eux. Le temps leur est désormais compté pour comprendre comment ils se sont retrouvés là et, surtout, comment s’en sortir avant la fin de l’heure impartie.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Saw est l’une des sagas d’horreur modernes les plus connues encore aujourd’hui. Le dernier remonte à 2023 avec Saw X, et le prochain volet sera diffusé en 2025. Le body horror y est parfaitement assumé, et fait pour réjouir un public voyeur, qu’il ne prend pas au dépourvu. L’esthétique de la saga, et notamment du premier film, joue à fond sur la carte du malsain, du glauque, du sale. La réussite du premier film se décline grâce à la créativité de Jigsaw, dans l’expression de sa cruauté envers les personnages torturés ou tués. Une morale systématique à la clé “justifie” les abus et les énigmes qui obligent les protagonistes à triompher de l’épreuve imposée. Ces fables, destinées à faire progresser les victimes épinglées par leur bourreau, annihilent le côté “gratuit” parfois trop superficiel pour les films du genre. Elles ne sont pas sans rappeler un certain Seven de David Fincher, sorti presque dix ans plus tôt. Son scénario pointait déjà du doigt les dérives contemporaines, et tous ceux qui s’avéraient incapables de lutter seuls contre leurs pires démons.
• L’anecdote perso ? Comme pour beaucoup de jeunes de ma génération, Saw a presque été l’une des étapes obligatoires en matière de body horror et de films d’horreurs de manière générale. Certains ont rapidement fustigé le long-métrage et ses suites, quand d’autres, comme moi, ont réussi à ne pas se détourner totalement du cœur de l’œuvre. Encore aujourd’hui, Saw reste une excellente introduction pour le genre, et le premier volet fonctionne par son atmosphère rance, et sa conclusion, définitivement culte.
• 1er degré ou pas ? Variable. Certains personnages tendent la perche pour se faire battre, et coupent court à tout sentiment d’empathie à leur égard. Pour autant, le film se veut sérieux, et traite son sujet avec gravité, notamment concernant certaines séquences qui s’adressent aussi bien aux personnages qu’aux spectateurs. Le reste de la saga prête le flanc à un humour parfois plus palpable, mais James Wan reste sur des rails très premier degré.
• Niveau de gore ? Bien que largement regardable la plupart du temps, Saw se démarque dans le body horror par l’équilibre toujours palpable entre tortures physiques et psychologiques. La rouille se mêle souvent au sang, et c’est bien la sensation de pouvoir éprouver la douleur et l’horreur vécues par les personnages, qui augmente l’impact visuel et auditif sur le spectateur. Saw reste un excellent exercice pour ceux qui hésitent encore sur leur adhésion ou leur rejet du body horror.
• Note globale : 7/10. Saw est loin d’être mauvais. Bon film de divertissement, l’ensemble a très bien vieilli. Seul bémol, le jeu d’acteur qui souffre en comparaison de celui de Tobin Bell, figure essentielle de la saga.
TERRIFIER, Damien Leone (2011) :
• De quoi ça parle ? Pour tous ceux qui ont tiqué sur la date de sortie : il s’agit ici de se pencher sur le court-métrage Terrifier, sorti bien en amont du projet de film monté par Damien Leone, et peu connu du grand public. Une costumière du monde du cinéma s’y retrouve pourchassée par un clown tueur en pleine nuit d’Halloween.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Contrairement aux trois films Terrifier, dont la qualité est largement en deçà de ce à quoi les amateurs du court-métrage pouvaient s’attendre, ce dernier remplit parfaitement son rôle de mini-body horror. Il coche absolument toutes les cases qu’on aime retrouver dans les longs-métrages du genre. Jouant avec les attentes du public tout en poussant plus loin le scénario (avec une conclusion absolument abominable), il plante un environnement sonore et visuel soigné et accrocheur. Le travail sur le son, ainsi que le grain de la pellicule unique incluant quelques couches de sépia, viennent donner du chien, du mordant et de la profondeur à l’œuvre de Leone. Lorsqu’on en vient à faire la comparaison avec les trois opus, dont le dernier est toujours présent en salle, il y a de quoi faire la tronche. Le petit bijou du réalisateur s’est transformé en une succession de scènes sans forcément de cohérence les unes avec les autres, émaillées d’un humour absurde et qui dévalue amplement l’aura du personnage d’Art le clown.
• L’anecdote perso ? Je n’avais que dix-huit ans, lorsqu’un ami m’a dégoté cette pépite, qui m’a particulièrement impressionnée à l’époque. Déjà difficilement trouvable sur internet, son statut de petit film d’horreur caché avait quelque chose d’attrayant, et la réalisation m’avait tout à fait emballé. J’en espérais déjà une sortie future au cinéma.
• 1er degré ou pas ? Pas vraiment. Certaines scènes prennent plaisir à moquer l’insouciance des personnages puis leur terreur face au clown, quand d’autres en viennent totalement à narguer les tentatives désespérées de la jeune femme pour échapper à son destin.
• Niveau de gore ? Intense. Damien Leone n’a pas lésiné sur la quantité de sang et de sévices infligés. Décapitations, amputations, meurtrissures et accidents de voiture… Le film est aussi court qu’il est riche en scènes gores. Pour l’époque, le résultat ne ressemblait pas à du travail d’amateur, contrairement aux opus au cinéma dont le succès a de quoi interroger sur ce qu’attendent les spectateurs d’un registre pareil.
• Note globale : 8/10. Le projet de Leone était une véritable pépite, un petit morceau d’or en barre à visionner chaque année à l’époque d’Halloween. Terrifier dénotait déjà d’une certaine maîtrise en matière d’horreur, de rythme et d’effets, sans compter la qualité du jeu d’acteur. Un excellent exemple, en somme, pour prouver qu’un petit court-métrage percutant sera toujours plus qualitatif qu’un long-métrage paresseux.
THE THING, John Carpenter (1982) :
• De quoi ça parle ? En plein cœur de l’Antarctique, une station scientifique américaine se retrouve brutalement confrontée à une entité extra-terrestre, dont les capacités de métamorphose mettent en danger leur vie, et pire : celle de l’humanité tout entière.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Ici, c’est bien le genre de l’horreur cosmique que John Cronenberg met à l’honneur. Tapant dans un scénario que n’aurait pas boudé Lovecraft, la forme de vie alien qui se répand dans une station isolée du reste du monde a largement de quoi écœurer tout être humain normalement constitué. Utilisant des effets visuels qui, encore aujourd’hui, fonctionnent très bien pour susciter l’effroi, le film ne ménage pas ses efforts et emploie à bon escient la carte du huis clos. En imposant un ennemi dont on ne connaît presque rien, et dont l’absorption des corps pour les imiter rend tout allié potentiellement dangereux d’une heure à l’autre, The Thing plonge ses personnages comme ses spectateurs dans un état de paranoïa totale, et pourtant addictive.
• L’anecdote perso ? The Thing a bouleversé ma cinéphilie. Cronenberg + Kurt Russell + Ennio Morricone + horreur cosmique = victoire. Il figure dans le top cinq de mes films préférés de tous les temps et apporte, à chaque visionnage, des éléments de compréhension supplémentaires comme seuls les vrais trésors du cinéma en sont capables.
• 1er degré ou pas ? Absolument, et heureusement. The Thing est sans concession, tranche radicalement avec les autres films d’extra-terrestres sortis à la même époque, et fait montre d’une cruauté radicale et nécessaire. L’investissement du public dans le scénario est total, grâce à un casting redoutablement impliqué, une mise en scène grandiose, et une utilisation de la bande-son juste et efficace. On ne rit pas devant The Thing, ou alors seulement nerveusement.
• Niveau de gore ? Total. Ça dégouline, ça grouille, ça pulse, ça lance. The Thing est une expérience qui transpire des fluides divers, impliquant du sang, et d’autres choses dont on n’a même pas envie de connaître la nature. La peur qui se répand chez les personnages est contagieuse, et la créativité du film est pour beaucoup dans le résultat final : terrifiant.
• Note globale : 9/10. Le seul défaut que l’on pourrait trouver à The Thing, c’est bien qu’il ait une fin. Grand favori de ce top, il reste une œuvre absolument majeure en matière de cinéma d’horreur, et n’a encore jamais été surpassé dans la catégorie de niche sur laquelle il règne : l’horreur cosmique rencontrant la fragilité de la chair humaine, dans toute sa splendeur.
TUSK, Kevin Smith (2014) :
• De quoi ça parle ? Un homme se retrouve par inadvertance prisonnier des délires d’un marin à la retraite et tétraplégique, dont le but et l’obsession sont de trouver le morse en chaque être humain.
• Pourquoi ça pique et sur quoi ça tape ? Les métamorphoses physiques imposées par un personnage à un autre font partie des aspects les plus sensibles du body horror. Si certains films comme La Piel que Habito d’Almodóvar ou les multiples adaptations de L’Ile du Docteur Moreau l’embrassent pleinement, d’autres, comme Tusk, emploient l’humour comme tampon. Cette dualité est intéressante, et nécessite un bon dosage des ingrédients de deux registres, très différents l’un de l’autre. Il y a là de quoi chatouiller des sensibilités pas si fragiles que ça, notamment dans la mesure où ces modifications physiques peuvent être vécues comme des agressions à l’égal du viol, et donc toucher avec force le ressenti du spectateur. Ici, même la comédie ne parvient pas à tamiser l’acidité et le cynisme du scénario.
• L’anecdote perso ? Il y a des films comme ça où la curiosité prend le pas sur la répulsion. Tusk, pépite à la fois connue et discrète dans le registre de l’horreur, m’a donné envie de tester ce registre si particulier. Peut-être trop adepte de la vraie horreur pour adhérer au comique, et trop respectueuse de la comédie pour aimer la voir ternie par l’horreur, le visionnage a été pour le moins pénible.
• 1er degré ou pas ? On est sur de la grande comédie d’horreur. Difficile de prendre quoi que ce soit au sérieux pour un film dont le seul synopsis donne envie de pouffer et de hausser un sourcil. Pourtant, c’est bien là la force de Tusk, qui pose d’office les bases du projet : faire du body horror glauque sous couvert de n’importe quoi, avec un scénario concocté sur un coin de zinc, à trois heures du matin en pleine tournée des bars.
• Niveau de gore ? Quelque part, on est sur du gore bien dégueu, quand on se penche sur le destin du personnage principal. Malgré la dérision permanente à l’écran et l’impossibilité de considérer le scénario comme crédible, il y a quelque chose de profondément dérangeant et perturbant, à regarder l’histoire de Tusk.
• Note globale : 5/10. Sous-genre du sous-genre, le body horror “comique” ne se destine pas à tous les publics. Il faut une sacrée prise de recul, pour réussir à faire la part des choses entre les images glauques et le discours, volontairement ridicule, tenu notamment par le personnage incarné par Michael Parks. Si le résultat n’est pas foncièrement mauvais, l’équilibre bancal entre horreur et humour n’est pas toujours parfaitement maîtrisé par Kevin Smith.
THE SUBSTANCE, Coralie Fargeat (2024) :
Pour ce qui concerne le dernier body horror dont la sortie est prévue le 6 novembre, retrouvez notre critique ici pour lire les cinq bonnes raisons de courir voir The Substance.